chapitre 15

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Mon cœur se tâtait. Est-ce que je devais rester là, chez moi, assise dans le noir à contempler ces fausses étoiles fluorescentes sur mon plafond ou est-ce que je devais sortir, faire face à la nuit et à ses multiples bruits pour les observer dans la réalité ? Je ne savais plus discerner le vrai du faux, je ne savais plus si ma vie était un rêve ou la vérité par défaut. Mes sentiments étaient confus, mon esprit était perdu, et cette fois si, je n'avais aucun recours, aucune sortie de secours. Oui je l'aimais, mais dans la vie il fallait faire face, se préparer aux inégalités, s'habituer à la glace ; et cette dernière, tout au fond de mon cœur, était si froide qu'il me semblait ne plus pouvoir respirer, ne plus pouvoir penser.

Je pris en main ma coccinelle en peluche et la serrai fort contre moi. Est-ce que lui faisait ça aussi ? Est-ce que Angel nous rapprochait vraiment ou n'était-il qu'un stupide élément ? Est-ce que finalement, le lien qui nous rapprochait lui et moi était tout aussi éphémère que toutes ces choses stupides que l'on s'imagine ? Aussi éphémère que certains amours et certains amis ?

Je me posai tant de question, tant d'interrogations auxquelles je ne savais répondre, tant de pensées inabouties, inachevées... Et malgré la haine qui m'envahit, je ne pus m'empêcher de penser qu'en vérité, je l'aimais. D'une telle force, d'un tel niveau, que je ne savais réfléchir que par lui. Un sentiment si puissant que j'avais mal, terriblement mal ; c'était comme si on me plantait à plusieurs reprises, des couteaux un peu partout dans le corps sans pour autant que je m'écroule. Comme si j'étais immortelle et née pour avoir mal et que pour le vaincre, le temps de quelques misérables instants, je devais tout simplement fermer les yeux et penser à des choses heureuses. Alors, c'est ce que je fis. Je fermai les yeux, sans doute dans l'espoir d'aller un peu mieux.

Ainsi, je me créai une fiction, un moment rien qu'à moi, un moment de gloire où j'étais en plein milieu d'une scène, posée sur la grande place du village, prête à parler au micro pour faire un long et probablement interminable discours. Dans la foule, il y avait ses cheveux roses virant au brun, accompagnés de ses yeux bleus étincelants et de son sourire, laissant toutes dents dehors. C'était le moment crucial, il était là, il allait m'aider et moi, j'allais enfin pouvoir dévoiler mes pensées au monde entier.

« Vous n'en avez pas marre, vous, de suivre les autres et de tous vous ressembler ? De n'être que de simples et vulgaires clones des gens remplissant cette société dépourvue de sens et d'humanité ? Vous n'en avez pas marre, de ne pas vous distinguer, d'être comme tout le monde parce que vous voyez ça comme une obligation pour être acceptés ? Marre de ne pas simplement être vous, de choisir d'être comme le reste de la foule ? Vous n'en avez pas marre de briser vos rêves parce que vous avez peur qu'on les juge trop pauvres ou trop ambitieux pour votre personne ? Vous n'en avez pas marre de rester enfermés dans cette cage qu'est la société ? Marre de penser et de ressembler traits pour traits à votre voisin ? Pourquoi vous empêchez-vous d'être différents ? Pourquoi fuyez-vous ? Pourquoi fermez-vous tous les yeux sur cette société défectueuse ? Ne vous rendez-vous pas compte de la stupidité qui nous entoure ? La vie, ce n'est pas ce que vous faites. La vie c'est être ce que l'on est, faire ce qu'il nous plait. Et vous, vous partez parce qu'à vos yeux, le plus important c'est de ne pas être critiqués. Parce qu'après tout, pour vous, il n'y a que ça qui compte, la popularité. Et ce phénomène passe avant tout, même avant la joie et la liberté. Et pourtant, sur terre, il y a largement le choix, largement de quoi être heureux pour de simples futilités. Il y en a tant, pourquoi ne regardez-vous pas autour de vous ? Pourquoi cherchez-vous toujours la pire des complexités ? A votre avis, pourquoi êtes-vous autant attirés par les marques et par les prix ? Pourquoi avez-vous peur de vous différencier ? Pourquoi ne pouvez-vous pas faire ce que vous voulez ? N'avez-vous jamais trouvé nos vies étranges, comme si nos pas étaient guidés, non pas par nos pensées, mais par un tout autre fait ? N'avez-vous jamais pensé à cette étrangeté ? Moi j'ai la réponse à toutes ces questions, et vous voulez que je vous dise ? Si vous êtes tous ainsi, c'est parce que tout comme moi, autant que vous êtes, vous êtes atteints par cette supercherie. Sauf que la différence entre vous et moi, c'est que vous, vous ne cherchez même pas à le changer. Mais je vais vous dire la vérité : vous êtes programmés. »

ProgramméeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant