Programmée

chapitre 10

Le chemin se fit en silence, nous nous contentâmes juste de regarder droit devant nous et de mettre un pied devant l'autre. L'absence de parole ne fut pas perturbante, au contraire, elle fut agréable, car même si les mots ne furent pas là, je savais très bien que dans nos têtes respectives, des tonnes de phrases défilèrent, et de cette manière aussi étrange qu'elle pouvait paraître, nous discutions. Nous étions dans une rue que je ne connaissais pas, ni d'Adam, ni d'Eve, mais la découvrir me fit du bien. J'aimais découvrir de nouveaux lieux, de nouveaux endroits où les choses pouvaient potentiellement être différentes.

Nos mains étaient toujours liées entre elles, nos doigts entrelacés, et nous ne nous lâchions plus. Un sourire béat était collé sur nos lèvres et sans savoir pourquoi, pour ce qui était de ma part, j'avais oublié tous mes problèmes. Tous mes soucis s'étaient envolés d'un coup et d'un seul, comme s'ils avaient été réduits en cendres et que Nate avait soufflé dessus pour les faire voyager dans les airs. Je me sentais bien, je me sentais pure, j'étais libre. Mais le premier sentiment que je remarquai cette fois-ci, c'était qu'en sa compagnie, je n'étais plus programmée. J'oubliais tout, et dans ma tête, la société arrêtait de me manipuler.

D'un coup, il me lâcha la main et se racla la gorge pour attirer mon attention. Je sortis de mes pensées et levai le regard. Nous étions devant une petite maison assez différente de la mienne. On aurait dit une maison de poupée, ces sortes de bâtiments minuscules mais atrocement mignons. Puis, sa voix coupa encore une fois le genre de petit poème qui dans l'instant défilait dans ma tête :

« -Bienvenue chez moi...

Il sourit, puis, il sortit des clés de sa poche et ouvrit la porte. Il me fit entrer et immédiatement, mon visage s'illumina. J'avais l'impression d'être dans Blanche-neige, au moment où elle découvre la maison des sept nains et qu'elle est émerveillée par la petite taille des choses. Eh bien à ce moment-là, pour moi c'était la même chose. Non pas parce que c'était petit, mais parce que ça le reflétait. Sans pour autant qu'il y ait grande décoration, à chaque entrée dans une pièce, je sentis son esprit, et je ne pus imaginer quelqu'un d'autre vivre dans cet endroit que lui.

Il reprit ma main et m'amena dans une autre pièce qui s'avéra être sa chambre vu qu'un grand lit était en plein milieu de l'espace. Les murs étaient bleu océan, et sur ces derniers, il n'y avait pratiquement rien hormis une photo dans un cadre ; et sur son lit, je remarquai la même peluche que la mienne déposée sur l'un des oreillers. Je ne pus m'empêcher de sourire en pensant que nous l'avions tous les deux appelé Angel sans même nous connaître.

- Bon bah je crois que tu l'as deviné, c'est ma chambre. M'expliqua-t-il l'air quelque peu gêné.

Je lâchai un petit rire, amusée par le ton de voix qu'il avait pris, et je répliquai directement :

-Ne me demande pas pourquoi mais je te voyais dormir dans un hamac.

Il rigola à son tour, penchant légèrement sa tête en arrière, faisant bouger sa pomme d'Adam, avant de répondre à la bêtise que je venais de dire :

-Non, ça ne risquait surtout pas.

Je tournai la tête vers lui et lui demandai directement :

-Et pourquoi pas ?

-J'ai le mal de mer. Alors tu t'imagines bien que sur un truc qui bouge sans arrêt, je n'aurais pas pu dormir. Me répondit-il.

-Non, en réalité ça ne bouge pas tant que ça, tu devrais essayer d'aller dedans une fois. Affirmai-je.

-Mouais. Me répondit-il peu convaincu de ma proposition.

Il s'avança dans la pièce et prit la photo que j'avais remarqué un peu plus tôt. Il s'assit sur le lit et tapota l'espace vide à côté de lui pour m'inviter à faire de même. Je m'exécutai et pris place à ses côtés. Il regardait la photo, et sur son visage, on pouvait apercevoir une mine triste. Son regard était profond, et à travers cette photo et son expression, n'importe qui aurait pu deviner qu'elle lui était plus chère que qui que cela soit sur terre.