Chapitre 4 : Un avenir incertain (3/3)

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Le ciel s'était assombri. De fortes rafales de vent soufflaient sur le village accompagnées d'une pluie abondante.

Rachel se hâta. Elle longea un ruisseau avant de traverser un petit pont en bois, puis elle bifurqua sur le chemin où elle vit le manoir du bourgmestre. Le lierre recouvrait l'entièreté de la façade. Un grand balcon décoré de riches feuillages surplombait l'entrée, et un baldaquin formé d'arcs polylobés protégeait une statue dédiée à Rhamée.

Rachel empoigna le métal froid du heurtoir et le laissa retomber sur la porte en chêne.

On ne venait pas lui ouvrir. Elle frappa à nouveau avec plus de fermeté. Toujours personne alors qu'elle attendait sous le déluge.

D'habitude, le domestique ne tardait pas à accueillir les visiteurs. Elle s'approcha d'une fenêtre et jeta un regard à l'intérieur. Cette situation l'inquiéta. Les lumières restaient éteintes et aucun signe du domestique ni des servantes, alors qu'elle avait rendez-vous. C'était étrange.

Rachel escalada avec vigilance le mur de pierre glissant, puis elle sauta et atterrit dans un parterre. Elle traversa au pas de course le petit bosquet menant à l'arrière porte du manoir, qu'utilisaient les serviteurs pour se rendre dans le potager.

Rachel pénétra dans la cuisine. Un ragoût de bœuf mijotait dans une marmite, alors que des légumes épluchés et de la viande prête à être cuisinée se trouvaient sur le plan de travail. Pourquoi n'y avait-il personne dans cette pièce ni dans le cellier ?

Mais le plus troublant était ce silence de mauvais augure présent le manoir. Peu rassurée, elle dégaina son épée sans faire de bruit.

Elle ne rencontra aucun signe de vie au rez-de-chaussée. Au milieu d'un couloir, elle découvrit avec horreur un domestique qui reposait sur le dos, les jambes écartées dans une marre de sang ayant eu le temps de coaguler. La poitrine avait été perforée, laissant un trou de la taille d'un petit ballon et quelque chose sur ses lèvres s'était figé, comme une grimace de terreur.

Cette vue l'ébranla.

Elle regardait autour d'elle rapidement, et vit sans mal ce qu'elle cherchait : un autre corps sans vie, la pauvre femme avait subi le même sort. L'expression indescriptible sur son visage la fit frissonner.

Que s'était-il passé ici ?

La crainte l'envahissait, elle serra avec fermeté la poignée de son arme. Le tambourinement de la pluie sur les fenêtres, et le grondement soudain de l'orage donnaient une ambiance lugubre.

Elle sentit une odeur de brûlé et de suie en arrivant à l'étage. Quelque chose de sombre et brillant d'une faible lueur rougeâtre s'étendait sur les murs et le plafond devenus vitreux. Le silence pesant commençait à lui faire peur. « Par Rhamée, qu'est-ce que c'est ? » Pendant un bref instant, elle songea à partir de cet endroit effrayant et demander l'aide de ses hommes pour inspecter les lieux. Mais le temps de revenir avec des renforts remettrait en question ses responsabilités. Elle devait continuer et savoir ce qui était arrivé.

Le craquement violent de l'orage la fit sursauter, et elle fit tomber le vase en porcelaine blanc sur le piédestal à côté. Rachel se figea, attentive au moindre bruit ou mouvement qu'elle pourrait percevoir.

Rien. Le silence régnait toujours.

Elle laissa échapper un soupir de soulagement. « Ce n'est pas le moment de paniquer, imbécile ! Prends ton courage à deux mains et continue, il y a peut-être des gens qui attendent que tu leur viennes en aide. »

Cette matière vitreuse répandue autour d'elle l'intriguait. On aurait dit de la roche. Elle n'en avait jamais vu auparavant. En suivant les marques noires sur les murs, elle découvrirait la raison de cet étrange phénomène.

Rachel se tenait immobile devant la porte du bureau. Elle connaissait très bien cette pièce dans laquelle le bourgmestre Bourbon la recevait lors de ses visites. À ses pieds, le sol avait un aspect semblable au verre. Sa main tremblait alors qu'elle prit la poignée de la porte, redoutant ce qu'il y avait derrière.

Mais elle devait connaître la vérité. Avec détermination, elle l'ouvrit d'un coup en brandissant son arme et ce fut le choc.

Dans l'obscurité de la pièce, Rachel reconnut la femme du bourgmestre empalée sur un grand pieu noir aux reflets rouge. La pointe lui sortait de sa bouche béante et il manquait le bas du corps arraché. D'autres victimes méconnaissables gisaient sur d'autres pointes, avec une expression de désespoir et de supplice marqués sur leur visage. C'étaient certainement les serviteurs de la famille Bourbon.

Rachel vomit face à cette vision d'horreur et l'incompréhension l'envahissait. Personne n'avait survécu. C'était un massacre.

Elle balaya du regard le bureau et vit une silhouette familière gisant sur le sol.

Le Bourgmestre !

Elle trébucha dans sa hâte, et continua à quatre pattes jusqu'à l'atteindre.

— Monsieur Bourbon ! s'écria-t-elle. Monsieur Bourbon, répondez-moi !

En s'approchant de l'homme, elle le découvrit éventré et des marques étranges rayonnaient d'une lueur orange dévoilant des gravures sur le plancher. Rachel ne put contenir la bile qui lui remontait dans la bouche.

La forme géométrique complexe attira son attention. Seuls les sorciers utilisaient des sigils pour leurs rituels. Personne dans le village ne manipulait la magie. On l'avertissait de tout ce qui entrait et sortait du village. De plus, elle avait ordonné que des hommes patrouillent jour et nuit autour de Bourg-d'Argent.

Elle ne savait pas qui était à l'origine de cette mascarade, mais elle comptait le découvrir et lui faire payer. « Comment vais-je l'annoncer aux habitants ? »

Soudain, une vive douleur à la tête la frappa l'envoyant s'étaler sur le bureau. Un liquide chaud dégoulinait le long de ses tempes. Puis d'un seul coup, alors qu'elle se redressait avec difficulté, elle fut projetée avec violence en arrière et se cogna contre le bord d'un meuble.

Le monde de Rachel tournait. Sa tête lui faisait terriblement mal et sa vision devenait trouble. Une ombre s'approchait lentement d'elle. Elle vit une lueur orange dans les yeux de l'individu. Son regard était aussi glacial qu'ardent.

Il murmura des mots dans une langue étrangère, et quelques secondes plus tard des vrilles de brume rougeâtres se formèrent et s'enroulèrent autour du corps de la jeune femme qui poussa un cri déchirant.

SerenaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant