Chapitre 5 : Une rencontre inattendue (2/3)

98 23 86
                                    


À l'entrée de l'étendue boisée, deux obélisques avaient été installés derrière une rangée de pierres anguleuses. La base était large. Pour l'entourer, il aurait fallu au moins quatre personnes les bras écartés.

Sur la surface méticuleusement polie des menhirs, des symboles rayonnant d'une magie bleu azur avaient été gravés. Leur lueur éclairait les coquelicots au pied des monuments mégalithiques.

C'était évident qu'ils avaient été transportés jusqu'ici avec le recours de la magie.

Ils entrèrent sous la couverture sombre des arbres tordus qui donnaient la désagréable impression d'être observé en permanence. Un feuillage épais formait des arches au-dessus de leur tête, alors que le ciel disparut, plongeant la forêt dans les ténèbres. L'humus recouvrant le sol étouffa les pas lourds de Dux éclairé par la lumière des lanternes accrochées au chariot.

Hadvar n'avait vu aucune créature ni entendu le bourdonnement des insectes. Seul le sifflement du vent lui parvenait aux oreilles. C'était calme. Beaucoup trop calme.

Où étaient les animaux ? Il se le demandait sérieusement, tandis qu'il remarqua un détail étrange : les feuilles roussies recouvrant le sol avaient une senteur étrange. Une odeur de terre, de bois, d'écorces et... de brûlé s'entremêlaient.

Alors qu'ils traversèrent la forêt sans un mot durant un long moment, Dux s'arrêta brusquement.

— Pourquoi s'arrête-t-il ? demanda Hadvar.

Moji lui fit signe de se taire.

Le golem se tenait immobile, scrutant du regard les alentours comme s'il recherchait quelque chose. Son œil blanc brillait de mille feux.

Des râles retentirent.

Il émit un grondement métallique à peine perceptible. Puis sans prévenir, il se mit à courir en direction de ces bruits anormaux.

Les deux hommes s'agrippèrent au chariot. Ils rebondissaient sur de grosses racines, et ils rentrèrent la tête pour esquiver les branches d'arbres qu'ils rencontraient sur leur chemin. À mesure qu'ils s'approchaient des râles, un sentiment de malaise envahissait Hadvar.

— Qu'est-ce qui lui prend ?

— Il a dû trouver quelque chose !

— Quoi ?

— Je ne sais pas !

Cette forêt est maudite, cette forêt est maudite, se répétait-il sans cesse.

Dux finit sa course à côté d'un gros rocher recouvert de mousse. Il regardait dans une direction précise et pointa du doigt une silhouette courbée près d'un chêne. L'obscurité empêchait de distinguer la forme. De grands yeux rouges s'écarquillèrent. Le feulement strident de la créature donnait la chair de poule à Hadvar.

Il posa ses mains sur ses pistolets, prêt à tirer au moindre danger.

Merde, qu'est-ce que c'est que cette chose ? C'est énorme !

Dux s'avançait en émettant des grincements saccadés à travers des claquements métalliques. De la fumée s'échappait de sa carcasse. La créature s'était tournée vers lui et continuait de grogner. Ils restèrent tous les deux à se regarder pendant un long moment. Aucun ne reculait d'un seul pas.

L'ombre rugit et bondit sur le golem. Un choc fracassant éclata ! La bête valsa contre un arbre et sous le choc, le bruit distinct des craquements des os résonnèrent. Dux l'attrapa, mais avant de pouvoir assurer son étreinte, la créature se dégagea de son emprise et disparut dans les ténèbres en poussant des cris plaintifs.

— Je vous l'avais dit que cet endroit était dangereux, s'énerva Hadvar. Partons d'ici rapidement !

— Je jure que c'est la première fois que ce genre de chose arrive ! D'habitude...

— Vous l'avez vu comme moi, l'interrompit-il furieux. Cette créature était énorme et il doit y en avoir d'autres. Je ne tiens pas à crever ici ! Vous voulez vos cristaux, non ? Alors fichons le camps, merde !

Dux montra du doigt une silhouette allongée au pied d'un chêne entouré de hautes herbes. C'était un homme adulte vêtu d'un habit brun foncé ensanglanté. Ses jambes avaient été arrachées et son torse dévoilait les os de ses côtes pointés vers le ciel.

— Ça aussi c'est la première fois peut-être ?

Moji restait silencieux, sans voix.

Ils entendirent un gémissement un peu plus loin. Quelqu'un souffrait. L'artificier descendit du chariot avec une lanterne.

— Qu'est-ce que vous faites ? demanda Hadvar.

— Quelqu'un a besoin d'aide, vous allez l'abandonner ?

Non, bien sûr que non. Ces gens sont soit des abrutis, soit inconscients de venir ici, pensa-t-il.

Il grogna et le suivit armes en mains. Si c'était une créature, il jura de lui mettre du plomb dans le crâne. Il écarta les hautes herbes et remarqua le profond trou de souche dissimulé. Il demanda à Moji de l'éclairer. Dans l'excavation, un enfant était allongé sur les racines déterrées de l'arbre.

Hadvar sauta dans le trou. Le garçonnet ouvrit les yeux. Il s'agenouilla à ses côtés.

— Ne t'inquiète pas bonhomme, je vais te sortir de là. Comment t'appelles-tu ?

— Je... ah...

L'enfant se tordit de douleur, crachant du sang.

— Tiens-toi tranquille, tout va bien, nous allons te sortir de là.

Il sortit en dehors du trou et l'allongea pour l'examiner. Il n'avait aucune blessure sur le corps. Le jeune garçon toussa et un filet de liquide rougeâtre dégoulinait le long de son menton. Il avait besoin de soin. Heureusement pour lui, Rivebois se trouvait de l'autre côté de la forêt.

Soudain, des craquements rauques résonnèrent à travers la forêt. Moji poussa un juron.

— Vite ! On s'arrache d'ici ! Allez mon garçon, ne traînez pas, nous avons attiré leur attention !

— L'attention de qui ? Qu'est-ce que vous ne m'avez pas dit Moji ?

— Ce sont les Esprits de Bois ! Je n'ai pas l'temps de vous expliquer, ça serait bien trop long.

— Des quoi ? s'écria Hadvar stupéfait. Merde ! Je savais que cette forêt était maudite !

— Oh ! Ça va hein ? D'habitude il n'y a aucun problème, grommela-t-il.

Ils remontèrent aussitôt dans le chariot avec l'enfant. Ils aperçurent à travers l'obscurité, des dizaines d'yeux bleus grondant comme un immense tourbillon.

— Accrochez-vous ! Allez Dux, mets le paquet !

Dux courut à une vitesse impressionnante. Chaque secousse, chaque saccade et chaque soubresaut du golem meurtrit leurs mains agrippées au chariot, alors que la fumée de l'automate les faisait larmoyer.

Finalement, après une longue course, ils s'éloignèrent des bruits et ils arrivèrent de l'autre côté de la forêt. À présent, Rivebois n'était plus très loin et Hadvar s'en réjouissait.

SerenaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant