Chapitre 6 : Une sinistre litanie (1/3)

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Agenouillée au sol alors qu'une épaisse corde hissait ses bras dans un grincement, Rachel fut réveillée par la douleur qui irradiait son corps. Elle gémit et toussa, l'odeur âcre de l'humidité agressait son nez.

Elle essaya de se relever pour soulager ses membres, mais ses pieds avaient été liés. Avec difficulté, elle réussit à se mettre debout, aidée par la corde qui la tirait impitoyablement vers le haut.

Il faisait froid et l'obscurité l'empêchait de percevoir ce qui l'entourait. Où suis-je ? Depuis combien de temps suis-je ici ? se demandait-t-elle.

Elle chercha furieusement dans sa mémoire ce qui l'avait amenée dans cette situation. Des réminiscences se bousculaient dans sa tête, jusqu'à ce que l'image d'une femme et d'un homme gisant dans une mare de sang refasse surface. Puis, un autre souvenir lui vint, celui d'un couloir dont une étrange matière rougeâtre et sombre recouvrait les murs ainsi que le plafond. Cette chose mystérieuse sortait du bureau où le massacre de la famille Bourbon avait eu lieu.

Son ventre se noua. Se rappeler cette scène lui donnait la nausée.

Le bourgmestre et ses proches avaient été tués et à cause de son manque de vigilance, elle était séquestrée. Elle aurait du revenir accompagnée de ses hommes au lieu d'agir seule.

Rachel fronça les sourcils et grinça des dents. À présent la sécurité du village était compromise, et elle s'en tiendrait responsable s'il arrivait malheur aux habitants.

Une vive douleur à la tête l'assaillit. Une nouvelle image se formait dans son esprit, celle d'un individu aux yeux luisant d'une lueur orangée dont les ténèbres camouflaient la silhouette. C'était lui le responsable de cette tuerie et qui la retenait prisonnière.

Une question lui vint : pourquoi s'en prenait-il à eux ? Bourg-d'Argent se situait loin de la civilisation et ils n'avaient aucune richesse.

Des richesses... Peut-être s'intéressait-il aux cristaux de psynergie abandonnés dans la carrière ? Si c'était bien un sorcier, ce n'était pas surprenant qu'il les convoite. Après tout, leur énergie offrait un grand pouvoir.

Elle en conclut que ce salopard voulait assurément mettre la main dessus, privant les villageois d'un avenir radieux. Ces pierres leur appartenaient, hors de question de les lui laisser ! Cependant, un problème de taille se posait : elle devait trouver le moyen de se libérer avant de pouvoir faire quoi que ce soit.

Avec hargne, Rachel tira sur la corde. Impossible de défaire les liens. Un liquide chaud dégoulinait le long de ses bras meurtris. Ils serraient trop fort et déchiraient sa peau quand elle forçait. Un mélange de sentiments désagréables l'envahissait.

La culpabilité. L'impuissance. La colère !

La souffrance, aussi. Rachel hurla de rage et gesticula furieusement pour se libérer de ses étreintes, mais la douleur ne faisait que s'accentuer.

La tristesse, à présent. Ses yeux s'humidifièrent et des larmes coulèrent le long de ses joues.

— Comment cela a-t-il pu se produire, murmura-t-elle. Je ne suis qu'une idiote.

Un son de métal retentit. Une porte s'ouvrit et la faible lumière d'une lanterne éclaira la pièce dévoilant un chai où étaient conservés des tonneaux de vins, ainsi que des bouteilles d'alcool emmagasinées dans des armoires en bois.

Rachel reconnut la cave, elle se trouvait dans les sous-sols du manoir de la famille Bourbon.

Dans l'encadrement de la porte, se tenait un grand individu vêtu d'une toge brune à capuche. Sa taille avoisinait les deux mètres. D'un pas lent mais assuré, il s'avança.

Son cœur bondit dans sa poitrine. Elle repensa aux corps déchiquetés dans le bureau du bourgmestre. Elle déglutit et se demanda si elle allait subir le même sort.

L'inconnu entonna une incantation dans une langue étrangère. Rachel tressaillit quand un cercle de feu apparut autour d'elle. La chaleur des flammes caressait son corps et la démangeait, alors que son geôlier passait au travers avec aisance.

Bizarrement, le feu ne se répandait pas dans le chai et ne dégageait aucune fumée. La crainte ne cessait de monter en elle.

Face à la jeune femme, le sorcier posa son regard mauvais sur elle. Rachel écarquilla les yeux avec stupeur, ce n'était pas un humain. Il avait une peau rouge écarlate ainsi que des longs cheveux noirs soyeux. Son visage quant à lui possédait des traits fins et allongés.

Sans laisser trahir l'ombre d'une émotion, l'homme approcha sa figure de la sienne en l'examinant avec attention.

— Qui êtes-vous ? demanda enfin Rachel.

Il ne lui répondit pas et tira sur la corde qui avait été passée par-dessus une poutre du plafond. Les pieds de Rachel décollèrent du sol. Elle gémit lorsqu'elle sentit ses liens se tendre encore plus. Ses bras tournés vers l'arrière craquaient au niveau des articulations. Elle resta dans cette position quelques instant avant d'être relâchée.

La jeune femme toucha à nouveau le sol, mais elle ne pouvait pas se laisser tomber sur les genoux, malgré son désir de le faire. Retenue par la corde, il l'obligeait à rester debout sur la pointe des pieds, raide comme un pieu.

Il déchira l'encolure de sa vareuse, puis arracha sa chemise. Prisonnière de son entrave, elle l'invectiva et gigota pour tenter en vain de dissimuler ses charmes mis à nu. Quelque chose de chaud vint la frapper au visage, une première fois, une deuxième fois et dernière fois. Chaque coup reçut devenait de plus en plus dur. Du sang coulait le long de ses tempes et ses jambes vacillaient. Sans la corde qui la retenait, elle se serait écroulée.

— Boucle-la humaine, le son de ta voix m'horripile.

Le sorcier vit le pendentif blanc autour du cou de la jeune femme. Il plissa les yeux et le lui retira d'un coup sec. Rachel ne put protester, elle voyait encore les étoiles tourner au-dessus d'elle.

Il fixa longuement le bijou dans le creux de sa main. Puis, une flamme en jaillit faisant fondre la monture en bronze qui retenait la pierre précieuse. Un rictus se posa sur ses lèvres. Il ferma son poing et des faisceaux rougeâtres en émanèrent. En même temps, il dégaina le poignard avec un manche en cuir tressé de sa ceinture et l'enduisit d'un liquide visqueux rappelant la lave, avec l'autre main.

La satisfaction se lisait sur son visage.

Rachel n'aimait pas le sourire malsain qu'il affichait. Elle tremblait à la vue de l'arme devenue rougeoyante. Que Rhamée me vienne en aide... ou quelqu'un, n'importe qui... Hadvar où es-tu alors que j'ai besoin de toi ? Alors que la lame chatoyante s'approchait de sa joue, elle se mit à larmoyer. Je ne veux pas mourir, pas ici, ni maintenant et encore moins de cette manière.

— N'aie crainte, souffla-il d'un ton léger, ça sera un peu douloureux mais je te promets que ce sera une expérience très enrichissante.

La pointe brûlante de la dague frôla son visage. Elle grimaçait s'efforçant de ne pas crier, mais elle ne tiendrait pas longtemps.

L'homme commença à l'inciser, dessinant une figure graphique complexe. Entièrement envahie par la pulsation de la douleur, les cris de Rachel résonnèrent dans le chai, sans que personne ne vienne la secourir.

SerenaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant