Chapitre 7 : Un nouveau mystère (3/3)

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Démétria et Hadvar coururent en direction des hurlements. La paladine utilisa un peu de sa magie pour se frayer un chemin à travers la purée de pois, tandis qu'Hadvar la suivait armes en mains. L'accès à la place du village était bloqué. Des débris étaient venus se loger sur leur chemin et ils durent emprunter des ruelles pour les contourner.

Ils traversèrent une maison abandonnée et déboulèrent un monticule de pierres. Ils n'étaient plus très loin, à la prochaine à gauche ils arriveraient à l'endroit où le vacarme avait lieu.

À travers les décombres, là où de la poussière retombait, deux silhouettes se dressèrent devant eux. Celle d'un homme grassouillet de petite taille et d'un golem de bronze massif qui faisait presque deux fois la hauteur de celui qui le sermonnait.

- Qu'est-ce que tu ne comprends pas quand je te dis d'y aller doucement ?

Hadvar relâcha un soupir de soulagement.

- Ce n'est que Moji, mon compagnon de voyage. Rassurez-vous, c'est une habitude que tout explose avec lui. Il est connu à Bourg-d'Argent pour ses inventions bancales et bricolées.

Démétria le regarda du coin de l'œil, puis elle s'avança sans hésitation dans le passage étroit. Quelque chose attirait son attention.

- Dux ! gronda l'artificier. Ne m'ignore pas quand je te parle ! Et ne dépose pas cette pierre ici, nom de nom !

Il vit la paladine s'approcher de lui et l'interpella avec son plus grand sourire.

- Oh, bonjour vous ! On dirait que vous allez mieux !

Il se frotta frénétiquement la main sur son tablier gris et la lui tendit.

- Vous pouvez m'appeler Moji ! Je suis un modeste artificier qui...

Démétria passa à côté de lui sans le regarder.

- Moi aussi je suis heureux de faire votre connaissance, continua-t-il à voix basse.

La paladine s'arrêta près des escaliers qui menaient à un passage souterrain. L'entrée avait été complètement détruite. Une épaisse porte métallique, avec un grand trou béant en son centre, se trouvait plusieurs mètres plus loin au milieu du couloir dévoilé. De fines particules blanchâtres tournoyaient encore dans les airs. Démétria les reconnaissait bien. C'était de la magie sacrée.

Les verrous magiques qui scellaient cet endroit avaient été anéantis. À moins que...

Elle regarda par dessus son épaule. Non, c'était absurde. Il n'en émanait pas, aucun résidu flottait.

- Quelque chose ne va pas ?

Moji se tenait à côté d'elle les mains sur les hanches. Il cligna ses grands yeux marron agrandis par ses épaisses lunettes, lui donnant un aspect drôle. Mais Démétria restait impassible. Son regard se posa sur le golem de bronze.

Les marches se fendaient sous le poids de la machine qui descendait les escaliers. Dans ses souvenirs, ces vieux automates n'étaient pas si grands. Ils avoisinaient une taille légèrement supérieure à celle de l'homme, mais celui-ci était plus massif.

- Que recherchez-vous ici ? demanda-t-elle.

- De la poudre noire, pardi ! Nous avons une mine de charbon à exploiter, répondit fièrement Moji. Cet endroit appartient à une bonne connaissance. C'est un ingénieur, il y a son laboratoire au fond du couloir. Venez ! Je vais vous montrer. Avec un peu de chance, nous le retrouverons caché comme un lapin dans son terrier ! Suivez-moi !

Démétria le suivit jusqu'à une porte renforcée décorée du symbole du Sanctum. Intéressant. Ce lieu devait appartenir à un Ordre, mais lequel ? Une fois à l'intérieur, elle le saurait. Cependant, cette étrange et soudaine présence de la Lumière la disputait à l'agacement. Impossible d'en déterminer sa source ni son origine, et plus le temps passait, moins elle la ressentait. D'où pouvait venir cette émanation qu'elle n'avait pas ressentie plus tôt ?

La porte grinça. Ils débouchèrent dans une pièce mal éclairée par des cristaux artificiels blancs suspendus à un lustre en bois.

- Pouah ! Ça schlingue par ici ! s'écria Moji, en mettant son bras devant son nez.

Équipé de divers instruments de mesure et d'une installation technique, servant à la conception et fabrication d'objets mécaniques, ce local d'ingénierie semblait vide de toute vie. Seule une odeur de putréfaction flottait.

- Restez derrière moi, dit la paladine.

Démétria prit sa grande masse et la brandit en avançant lentement. Une armoire avait été renversée contre un établi sur lequel se trouvaient des fioles brisées. Sur sa droite, des livres et des notes dispersés sur la table trempaient dans un étrange liquide consistant et sombre. Elle y passa un doigt.

Du sang. Il avait eu le temps de coaguler. Ce désordre ne datait pas d'hier et cette odeur âcre, emplissant l'air le lui confirmait.

- Que s'est-il passé ici ? demanda Hadvar.

- Nous allons bientôt le savoir.

Elle progressa avec prudence à travers le laboratoire. Des boulons et les outils qui jonchaient le sol montraient que l'endroit avait été saccagé.

Ses pas continuèrent vers le fond de la salle, là où la puanteur devenait de plus en plus forte. Elle arriva près d'un haut meuble forgé en acier et elle écarquilla les yeux quand elle découvrit le cadavre d'un homme attaché à une chaise.

Les vêtements déchirés de l'individu dévoilaient plusieurs blessures faites à l'aide d'une lame et des hématomes recouvraient son corps dans un état de décomposition avancé. On lui avait crevé les yeux, coupé les oreilles, arraché ses ongles et doigts qui traînaient à terre dans une mare noire.

Sa mort remontait depuis plusieurs jours. Bien avant que Rivebois ne soit ravagé par les flammes. Le meurtre n'était pas une coïncidence. Lors de ses investigations dans les trois villages visités, ceux-ci possédaient une infrastructure militaire. La paladine n'en avait pas fait le rapprochement plus tôt, car elle détenait trop peu d'informations. Mais avec cette nouvelle découverte, Démétria n'avait plus de doute. Un lien les unissait.

- Rufus ! Oh, non... Pas toi mon ami, pas toi ! s'horrifia l'artificier.

Hadvar restait silencieux. Son visage formait une grimace de dégoût face à cette scène. Depuis qu'il avait quitté Bourg-d'Argent, le monde semblait s'écrouler et le danger paraissait de plus en plus grand.

Démétria se tourna vers Moji.

- Vous avez l'air de le connaître. Étiez-vous proche ?

Un éclat passa dans les yeux argenté de la paladine.

- Oh que oui je le connaissais, répondit tristement Moji. Rufus était un ingénieur, un chic type j'vous dis... Nous étions de bons amis.

- Avait-il des ennemis ou connaissez-vous des individus qui lui voudraient du mal ?

- Eh bien, comment dire...

Démétria sentait l'indécision dans sa voix.

Soudain, elle fit volte-face.

Les deux hommes sursautèrent.

- Démétria ? Tout va bien ? s'inquiéta Hadvar.

La paladine restait immobile, silencieuse.

Elle se concentra et projeta son esprit vers cette force mystérieuse qui venait d'apparaître. Des picotements désagréables parcouraient son corps et son cœur se mit à battre très fort.

Un rugissement guttural retentit et l'orage gronda.

SerenaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant