Chapitre 8 : Une menace grandissante (3/3)

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— Par les enfers ! Démétria, que faites-vous ? Je vous ai dit de partir !

Les flammes argentées dansaient à l'impact. L'air s'embrasait, mais la créature tenait toujours debout, luttant contre cette décharge d'énergie qui la repoussait.

Un rictus se dessina sur la visage de la paladine. Elle pouvait gagner. Bien évidement.

Elle intensifia le torrent. Il y eut une pluie de particules argentées, mais le monstre dévia l'attaque. L'impact libéra une explosion de lumière aveuglante accompagné d'un déluge de pierres.

Elle se protégea les yeux et quand la lueur retomba, l'horreur reptilienne se redressait, grognant dans un amas de petits éclairs grésillant.

Démétria ne put réprimer une grimace difforme.

— Non, ce n'est pas terminé, murmura-t-elle.

Elle sortit de sa poche un cachet blanc et le croqua. Un éclat passa dans ses yeux.

Le monstre libéra un rugissement guttural à en donner la chair de poule. Il se rua sur la paladine et balaya Remak qui se dressait sur son passage.

Un flash éblouit le mastodonte. Le sol s'agita par des petits mouvements saccadés sous ses pattes. Une brèche lumineuse apparut et des filaments blancs s'en échappèrent pour s'enrouler autour. Ils affirmèrent leur étreinte en le serrant jusqu'au sang.

La fureur de la créature avait atteint son paroxysme. Une lueur rouge surgit dans sa gueule entrouverte, mais la paladine l'anticipa. D'un mouvement de main, elle invoqua d'autres fils qui refermèrent sa mâchoire aussitôt.

Le bruit d'une explosion étouffée retentit. Une fumée âcre s'échappait de la gueule du reptile immobilisé.
Démétria serra les poings. Les filaments se resserrèrent encore plus autour de la créature qui fléchissait. La décharge d'énergie encaissée plus tôt faisait son effet.

Elle bougea frénétiquement ses doigts. Un mince filet de magie se matérialisa sur les liens.

— Goûte au feu sacré de Rhamée, monstre !

Un torrent de feu jaillit. Une chaleur démesurée s'en dégageait. La créature hurlait. Elle se noyait dans un insondable océan de flammes blanches.

Puis, doucement, la magie de la paladine se retira, ne laissant qu'une carcasse vide et fumante.

Démétria se laissa tomber sur les genoux, essoufflée. Ses mains tremblaient, des picotements désagréables parcouraient son corps et son cœur continuait à battre rapidement. Elle ferma les yeux et expira longuement. Elle était soulagée que ce soit fini, mais la vraie satisfaction était plus profonde encore. Elle avait tenu le choc après avoir dépassé ses limites.

Bien sûr, elle payerait plus tard sa sottise, mais ce n'était pas le moment de penser à ces futilités.

Pour l'instant, elle s'accorda un peu de repos avant qu'il...

— Démétria !

Elle détestait la manière dont la voix de Remak lui vrillait le crâne. L'effet secondaire du fénétyllium (1) se ressentait déjà.

Le paladin s'avançait vers elle d'un pas chancelant. Lui aussi n'était pas au meilleur de sa forme. Il déposa ses mains sur ses épaules et se mit à sa hauteur.

— Démétria ! Vous n'avez rien ?

Il écarquilla les yeux. Le teint extrêmement pâle et terne du visage de la paladine était inquiétant.

— Combien en avez-vous pris ? Regardez-moi ! ordonna-t-il sèchement.

Elle releva la tête, le regard perdu dans le vide. La drogue lui avait apporté un grand pouvoir, mais son corps n'était pas moins courbé. Les deux cachets l'avait affaiblie pour un bon moment. Il faudrait compter plusieurs jours pour qu'elle puisse récupérer toute son énergie.

— Un seul, chuchota-t-elle.

— Vraiment ? demanda-t-il perplexe.

Démétria restait silencieuse. Les paladins pouvaient détecter le mensonge, mais sonder un esprit inflexible comme le sien était impossible. Il faudrait briser sa volonté pour lire à travers elle.

Remak plongea son regard dans le sien. Même s'il savait que ses pouvoirs ne décèleraient pas la moindre tromperie de la paladine, il avait passé assez de temps avec elle pour la connaître.

— Ce monstre était bien plus fort que je l'imaginais. Je n'avais pas le choix, dit-elle face à l'incertitude de son compagnon.

— Vous auriez pu y rester. Pourquoi n'êtes-vous pas partie ?

— Ne parlez pas si fort, bon sang. Je ne suis pas sourde.

La voix du paladin résonna encore plus dans sa tête. Elle se la tenait entre les mains.

— Le monstre est mort, c'est tout ce qui compte.

— Le risque n'en valait pas la peine, Démétria ! Si vous aviez échoué...

Elle se leva, ignorant son épuisement.

— Échouer, moi ?
Elle désigna le cadavre inerte de la créature.

— Le risque en valait la peine et j'ai déjà prouvé plus de mille fois mes compétences.

— Votre folie ne prouve rien.

Démétria réprima une remarque cinglante. À la place, elle se tenait là, devant lui tremblante, sans laisser échapper la moindre émotion. Quand elle reprit la parole, le ton fut glacial.

— Avez-vous terminé votre interrogatoire, Remak ?

Le paladin soupira. Il n'avait ni l'envie ni le temps de se disputer avec elle.

— Oui. Parlons plutôt de notre mission. Vous avez certainement des choses à me raconter.

Il y eut un silence. Démétria le brisa.

— Soyez attentif à ce que je vais vous dire.

Il écouta. Et à mesure de l'explication, Remak ne put réprimer son étonnement.

* * * * *

— Voilà, je crois que je n'ai rien oublié !

Tout le matériel encore utilisable avait été transporté à l'extérieur par Dux. Moji observa une dernière fois les lieux.

Son regard s'arrêta sur le corps sans vie de son ami allongé au milieu du laboratoire recouvert d'un drap. Il plissa les yeux, perdu dans ses pensées.

— Je commence à manquer de temps, murmura-t-il dans un soupir.

Il se retourna avec un goût amer dans la bouche et quitta le laboratoire. Hadvar et les paladins auraient certainement besoin de son aide, les bruits de combats venaient de se taire. Il devait faire vite.

À la sortie du long couloir, Moji sursauta à la vue de deux imposantes silhouettes qui l'attendaient en haut des escaliers. Les guerriers saints se tenaient droits et leur regard ne montrait aucune indulgence. De la sueur froide dégoulinait le long de son dos, il ne s'attendait pas à les voir.

Il déglutit bruyamment quand les paroles de Démétria s'abattirent comme un marteau.

— Pouvez-vous nous dire ce que vous mijotez, Moji ? Je perçois une signature suspecte dans votre regard.

— Ce n'est pas ce que vous croyez ! Je voulais simplement... Oui, bon. C'est bien ce que vous croyez...

C'était inutile de leur mentir. Ça ne ferait qu'aggraver la situation, il venait d'être pris la main dans le sac.

— La présence de votre compagnon est la seule chose qui m'empêche d'utiliser la violence. Parlez. Et vite.


(1) Puissante drogue, rendant insensible à la douleur et à la peur, en plus de fournir un regain d'énergie.

SerenaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant