Chapitre 2 : Bourg-d'Argent

197 33 127
                                    


Rachel contempla le paysage avec attention. Sous le soleil couchant s'étendaient des prairies verdoyantes. Aucun visiteur ne s'était montré depuis plusieurs jours ce qui était peu surprenant : Bourg-d'Argent se trouvait loin de la civilisation.

Installée à une table à l'extérieur de l'auberge, Rachel se tenait là, assise les jambes croisées, laissant la brise jouer avec ses cheveux noirs. Le chant des oiseaux saluait le coucher du soleil, tandis que les moutons bêlaient de l'autre côté de la clôture en bois.

Elle ferma les yeux et inspira profondément. L'odeur parfumée des fleurs et des plantes flottait dans l'atmosphère chargée d'humidité. Cette fragrance lui rappelait des souvenirs de son enfance, quand elle s'amusait avec les autres gamins du village et que sa mère la grondait lorsqu'elle revenait avec des bleus. « Tu as encore été jouer avec ta bande près de la carrière ! Pour l'amour de Rhamée (1), combien de fois devrais-je te répéter de ne pas aller là-bas ? » Aussi loin qu'elle s'en souvenait, elle préférait jouer au soldat, s'habillait comme un garçon et avait de l'intérêt pour les armes.

À défaut d'avoir un fils, son père lui avait transmis tout son savoir de guerrier espérant qu'un jour, elle puisse à son tour servir la Matriarche. « Il n'y a pas plus grand honneur que de servir Sa Sainteté. » lui répétait-il avec orgueil. Ses parents étaient fiers de la voir douée à l'épée.

Ces années semblaient si lointaines...

La maladie lui avait enlevé sa mère lorsqu'elle était encore une jeune enfant, et peu de temps après, son père avait été gravement blessé à la jambe lors d'une chasse. Contrainte de renoncer à sa carrière de soldat, elle avait choisi de rester pour pouvoir s'occuper de sa famille. Quelques années plus tard, Rachel s'était engagée dans la milice du village et en avait été nommée cheffe, après avoir prouvé à plusieurs reprises ses talents au combat et de leader.

Même si elle n'était pas devenue un soldat de la Matriarche, son rôle de capitaine lui tenait à cœur, et savoir que les habitants lui faisaient confiance l'emplissait de fierté.

Soudain, une voix familière la sortit de ses pensées.

— As-tu réfléchi à notre discussion ?

Rachel ouvrit les yeux. Hadvar se trouvait à côté d'elle. Il se servit une petite anguille à l'ail baignant dans de l'huile et du vinaigre. Les cheveux bruns et courts aux reflets pâles de l'homme étaient soigneusement coiffés en arrière, et la propreté de sa barbe montrait qu'il l'entretenait régulièrement.

— Je ne sais pas si c'est une bonne idée, répondit-elle.

— Penses-y. Imagine toutes les possibilités qui s'offrent à nous. On pourrait aider le village à se développer et faciliter le quotidien des gens. Pourquoi les citadins seraient-ils les seuls à en profiter ?

Elle soupira et but une gorgée dans sa choppe de bière.

— Nous n'étions pas censés découvrir leur existence.

— Ils sont abandonnés, pourquoi on ne s'en servirait pas ?

— Je ne veux pas attirer les foudres de la Matriarche.

— Je suis sûr qu'elle a oublié qu'ils y étaient stockés. Si elle en avait eu besoin, ne penses-tu pas qu'elle serait venue les chercher ? Tu sais aussi bien que moi, que toutes les mines regorgeant des cristaux de psynergie (2) sont sous le contrôle de l'armée. C'est une carrière abandonnée où nos grands-parents ont extrait le charbon.

Rachel regarda du coin de l'œil le petit diamant blanc déposé sur la table. La magie que renfermaient ces cristaux pourrait être d'une grande utilité. Les récoltes seraient meilleures, la chasse deviendrait plus facile ainsi que la pêche, et ils pourraient construire des golems qui les aideraient dans les tâches laborieuses.

SerenaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant