Démétria s'accorda une pause. L'interrogatoire ne menait nulle part. Elle n'identifiait aucun mensonge dans les paroles de l'artificier, bien qu'il restât évasif sur certaines questions, notamment celles de la mort de son ami.
— Juré craché devant Rhamée que je vous dis la vérité ! s'exclama Moji en crachant un long filet de bave qui restait suspendu à ses lèvres.
La paladine se massa le front en soupirant. Cette voix stridente et pénible accentuait son mal de tête, à tel point que chaque mot prononcé bloquait sa respiration.
— Comme je vous l'ai dit, il vaut mieux que ces affaires soient entre de bonnes mains !
L'écho des paroles de Moji retentissait dans la rue et il reniflait entre chaque phrase.
— Puis ce n'est pas du matériel militaire, regardez !
Il se frotta la bouche à l'aide d'un mouchoir crasseux.
— Il n'y a pas d'emblème gravé sur cette boîte métallique ! Jamais, au grand jamais je n'aurai l'audace de voler l'Ordre du Bouclier ! Je suis quelqu'un d'honnête et de respectable moi ! C'est pour cette raison que je trouvais dommage de laisser tous ses outils ici, alors que je pourrais les ramener à mon atelier. Vous savez, on a jamais assez de boulons et les instruments de travail sont chers. Et comme je ne roule pas sur l'or, ça aurait été idiot de ma part de ne pas les prendre !
Moji fouillait dans une caisse avec énergie. Le déplacement des objets produisaient des sons métalliques qui résonnaient bruyamment.
— Je peux aussi vous assurer que Rufus aurait été d'accord pour me les léguer et... Oh !
Il s'interrompit et se retourna brusquement vers la paladine avec un large sourire. Il brandissait une clé à molette avec fierté, comme s'il s'agissait d'un trophée.
— Regardez-moi cette petite merveille ! Je la lui avais offert pour...
Moji se figea. Son sourire se décomposa quand il vit les traits déformés et les grands yeux de la paladine le fixer.
— J'aimerais que vous vous taisiez, articula froidement Démétria. J'ai besoin de réfléchir. Me suis-je bien fait comprendre ?
Il hocha la tête frénétiquement. Les paladins n'étaient pas connus pour leur sympathie et il préférait éviter de la mettre en colère. Ce n'était jamais une bonne idée de les contrarier. Les guerriers saints n'hésitaient pas à punir ceux qui leur manquaient de respect. Les plus chanceux s'en sortaient avec quelques membres cassés ou en moins, quant aux autres... il ne préférait pas y penser.
La fatigue rendait Démétria irritable, plus qu'en temps normal, et pour ne pas arranger les choses, la voix criarde de Moji qui tonnait comme un marteau dans sa tête ne l'aidait pas à se sentir mieux.
Épuisée, elle s'assit sur des décombres et passa une main dans sa longue chevelure platine. Il lui fallait de la tranquillité pour analyser la situation.
L'artificier ne lui avait apporté aucune information utile, mais l'apparition fugace de la Lumière ressentie plus tôt l'intriguait. La magie sacrée ne se manifestait jamais sans raison ni sans appel.
Après leurs récentes découvertes, Démétria était convaincue que les villages n'avaient pas été pas ciblés par hasard. Lors des investigations, ils n'avaient rien découvert de suspect ni trouvé de rapports liés aux mystères qui frappaient la région, mais un point commun reliait tous ces villages visités : ils possédaient tous un laboratoire d'ingénierie, appartenant à l'Ordre du Bouclier.
Les scientifiques du Sanctum utilisaient les cristaux de psynergie pour développer de nouvelles armes technologiques, afin de renforcer la domination de la Matriarche et d'assurer la sécurité du royaume. Certains ateliers se trouvaient isolés et dissimulés des infrastructures militaires, dont seuls les plus hauts dirigeants connaissaient l'emplacement.
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Serena
FantasíaLes impitoyables armées de la Matriarche dominent la surface du continent de Sancturia. Pour préserver son autorité et empêcher son royaume d'être déchiré par une nouvelle guerre, elle fait appel à ses guerriers saints : les paladins, de redoutables...