UNIFORME Terminée ✅ (En réécriture)

Bettie

Point de vue de Bettie, il y a un an.

Lorsque je me suis présentée à la totalité des élèves je cède ma place à mes collègues. Pendant ce temps je prie pour que Jude se ramène avant que quelqu'un se rende compte de son absence. Je n'ai pas envie qu'elle ait des ennuis. Et c'est la où ça devient dangereux, où je ne sais plus ou j'en suis puisque je ne pense plus comme une prof c'est-à-dire une adulte responsable mais comme si j'avais son âge et que je voulais la protéger des adultes.

Mr le directeur se dirige vers moi, il a été le premier à parler pour ouvrir le bal. Il me prend un peu à l'écart. A ce moment je peine à ne pas paniquer.

― Mme Carter, s'il vous plaît.

Est-ce qu'il sait quelque chose... pour elle et moi ? Non c'est impossible je serais déjà virée avec un tas de problèmes sur le dos.

― Oui ?

― J'ai une tâche à vous confier, m'avoue-t-il simplement.

Je respire de nouveau.

― Laquelle ? m'impliqué-je.

Il me tend les feuilles d'appel.

― Il manque une élève. Jude Lener. Elle doit être dans sa chambre, à cet âge là ils ne tiennent pas compte des consignes mais j'aimerais que vous la retrouviez s'il vous plaît. Elle ne sera pas punie aujourd'hui mais qu'elle ne recommence pas. Je suppose que vous connaissez le numéro de sa chambre ?

Pourquoi il suppose ça ? Je ne dois pas me laisser envahir par la peur... Je dois rester naturelle.

― Naturellement je connais la chambre de mes élèves et en particulier les filles puisque je suis chargée de les surveiller et que je loge au même étage...

― Très bien ! Alors allez-y.

Je m'exécute, en ne pensant plus à rien. Juste à la retrouver. J'aimerais ne pas céder, lui dire qu'elle est inconsciente de sécher, mais je ne veux que la prendre dans mes bras et savourer cet instant où nous allons nous retrouver toutes les deux, juste nous. Chambre 229. Je toque. Je n'attends pas longtemps avant qu'elle m'ouvre. Mon élève m'attire dans ses bras et referme la porte.

― Tu es inconsciente. Dis-je d'une voix trop douce.

Elle sourit.

― Que devrais-je dire de vous Mme Carter ? réplique-t-elle en m'embrassant.

Je lui rends son baiser. Je retrouve nos moments de complicité et c'est tellement bon.

― Bettie.

― Oui ma puce ? répondis-je toujours adossée contre la porte.

― Donne moi un rendez-vous, quelque chose, un endroit où l'on pourrait se retrouver.

― Je ne suis pas sûre que ce soit raisonnable ma puce, c'est juste une semaine...

Une éternité. Mais je dois garder un minimum les pieds sur terre.

Un bruit de mouvement qui provient du couloir me pétrifie sur place. Il est hors de question que quelqu'un nous surprenne. Jude remarque mon changement de comportement.

― Qu'est-ce qui ne va pas ? me demande-t-elle.

― Rien, j'ai cru entendre un bruit.

― Il n'y a personne c'est le vent.

― Bon, il faut qu'on redescende. Le directeur m'a chargé personnellement de trouver une certaine élève qui manquait à l'appel et je ne voudrais pas qu'il se pose des questions.

― Non, reste, encore un peu... Je n'en peux plus de te voir m'échapper.

― On doit y aller, insisté-je.

Beaucoup trop de choses sont en jeu pour se permettre d'être imprudente. J'ai mal au cœur avec ce gros foutoir à sentiments qu'est devenu ma vie. Mais c'est elle ma vie. Au passé, au présent et au futur. Je conjuguerais tous les verbes qu'il faudra, à tous les temps pour qu'un jour on puisse réellement être heureuses.

Au début c'était cette situation qui me faisait revivre, je retombais à l'adolescence avec nos conneries et notre putain de secret d'amour interdit. Mais ça devient trop dur. Elle a pris trop de place en moi et je la veux tout le temps à mes côtés.

Je la prends par la main et la tire pour sortir de cette chambre. C'est avec difficulté que nous descendons les marches parce qu'à chaque fois qu'on se retrouve en présence du monde on se perd.

***

Les élèves sont remontés dans leurs chambres après les consignes, Jude également, mais pour moi ce n'est pas terminé j'ai encore une réunion avec le directeur et mes collègues. C'est au dernier étage, c'est plutôt facile de se repérer ici. La porte tout au fond du couloir m'avait-on indiqué.

Apparemment je suis la dernière à arriver. Il n'y a qu'une grande table au milieu de la pièce et des chaises en trop autour ce qui ne réchauffe pas du tout l'atmosphère.

« Tachez de surveiller correctement votre étage assigné, celui des filles ou des garçons, secondes premières ou terminales. Cette sortie à pour simple but de passer une semaine hors de notre contexte habituel et permettra aux élèves d'apprendre à mieux connaître les personnes qu'ils fréquentent tous les jours et par la même occasion de passer une bonne semaine. Il y aura bien évidemment des activités ludiques déjà prévues et dont vous êtes normalement informées et formés. Je récapitule rapidement : nous allons faire des promenades aux alentour, visiter quelques monuments, faire quelques jeux qui inciteront les élèves à utiliser leurs connaissances en langues étrangères par exemple, et nous avons également le matériel pour pratiquer du sport et comme vous pouvez le voir ce n'est pas la place qui manque. Tout cet espace devra être utilisé. Je rappelle également que les repas sont fixés à des heures précises et qu'aucuns élèves ne doit manquer à l'appel, de même pour le couvre-feu à 20h00. Les élèves auront une heure par jour où ils seront libres de faire ce qu'ils veulent sauf de sortir du domaine. Une bibliothèque et une salle de cinéma sont à leur disposition. Je vous souhaite une bonne nuit à tous. Si vous avez des questions je serais sans doute dans mon bureau où alors vous me croiserez dans les couloirs. »

Le directeur achève son monologue et tout le personnel évacue la salle de réunion.