10. Jamais ? Jamais.

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J'arrive enfin à la maison. En entrant, tout le monde est à table.
— Où étais-tu ? me demande ma mère.
— Chez Marzia.
Mon regard se pose sur Oliver. Il a un air frustré. Hm. Je m'assois comme si de rien était. Mafalda me donne un plat de bœuf, patate et légumes et commence à manger.
— Come sempre, hai superato te stesso, Mafalda. (Comme toujours, tu t'es surpassé, Mafalda.)
Elle se contente de me faire un sourire puis retourne dans la cuisine. Tout le monde parle pendant que je finis mon assiette assez vite.
— Bon, je monte dans ma chambre. Bonne nuit.
J'embrasse mes parents et monte au premier étage. Je ferme la porte dernière moi et me remet dans ma lecture. Je lis des pages et des pages, puis on toque à la porte. Je réponds par un "hmm". En fait, j'ai peur que ce soit lui. Lui. Qu'est-ce que je fais sinon ? Je le rejette ? Je l'écoute ? Je l'ignore ? La porte s'ouvre et Marlène est devant moi.
— Oups... mauvaise chambre...
Elle a trop bu ou quoi ?
— Suis-moi.
Oliver se tient derrière elle, la tenant par les poignets. Il me jette un regard rapide et referme la porte. J'ai envie d'exploser. C'est comme si je venais de commettre un meurtre. Pourquoi il m'en veut autant ? Il ne s'est jamais posé la question de comment je percevrais Marlène ? Il a cru que tout allait aller comme sur des roulettes ? Eh bien non, et c'était évident que nous allions être comme l'eau et le feu. En y repensant, je me demande pourquoi il est venu avec elle, pourquoi pas seul ? Je chasse toute pensée de ma tête. C'est ridicule...
"Tu es un brave jeune homme, tu prends tes choses en mains." La mère de Marzia me fait penser qu'en effet, je ne suis pas une mauviette : je vais lui parler de mes propres moyens. Je saute hors de mon lit et toque à la porte qui relie ma chambre à la sienne. Pas de réponse. Putain il m'énerve. J'entre, qu'il le veuille ou non. Je tourne alors la poignée et rentre sans pression. Je le vois assis sur le lit près d'elle pendant qu'elle est dans un sommeil paisible. Il me regarde d'un air frustré.
— Sors, il me dit en chuchotant.
— Non.
— Oui.
— Non.
Il devient rouge de rage. C'est drôle, je ne croyais pas que je pouvais être autant arrogant et le mettre en colère comme ça... Il se lève tranquillement du lit et me suit dans ma chambre en fermant bien la porte derrière lui. Il croise les bras attendant qu'un mot sort de ma bouche, mais non, rien ne la franchis.
— Quoi ? dit-il.
Je me sens bizarre... Comme si tout d'un coup, j'étais faible à en mourir. Je ne suis rien d'un "brave jeune homme", je suis carrément une mauviette.
J'aurais envie de le frapper, mais je ne peux pas. Il se retourne pour finalement tourner la poignée, mais je le retiens d'une forte puissance.
— Aïe, tu me fais mal...
Je le serre plus fort.
— Mais lâche-moi, qu'est-ce qui ne va pas chez toi ?
Cette phrase est le même niveau de se faire trancher le corps entier. Je baisse la tête. Je réussis enfin à sortir quelques mots :
— Tu ne sais pas à...
Je prends une pause avant de reprendre la parole :
— À quel point tu me blesses...
Des larmes bornent mes yeux.
— À quel point je me sens comme un déchet à tes yeux... À quel point je me sens... vide.
Son regard change.
— Je n'aurais jamais dû te connaître...
— Elio.
— Depuis que t'es dans ma vie, tu... tu la rends affreuse.
— Elio.
— Est-ce que je suis autant un bon à rien pour toi ? Un pauvre type ?
30 secondes passent, une minute, une minute et demi.
— Oliver...
Je le regarde. Il m'a appelé par son nom...
— Oliver, Oliver, Oliver...
Je me laisse tomber délicatement au sol, lui, suivant mes mouvements. Qu'il m'appelle par son nom me calme, ma respiration ralenti, mon cœur par contre bas toujours à la chamade, mais pourquoi tout d'un coup, il me parle gentiment...?
   Il prend sa main et la dépose sur ma joue.
— Je suis désolé.
Il m'enlace dans ses bras. Je le repousse.
— Pourquoi tu joues avec moi... Pourquoi tout d'un coup, tu es gentil...
Il se rapproche de moi et met cette fois-ci ses deux mains pour que je lui donne de l'attention.
— Je n'aurais jamais pensé te faire autant mal. J'étais frustré.
Je ne réponds pas.
...
— Je n'aime pas qu'on rie des personnes que j'aime.
Là, maintenant, il vient de m'enterrer vivant. "Qu'il aime". Et moi, je fais quoi dans cette histoire ?
— Et je tiens beaucoup à toi, je ne penserais pas que ça irais jusque-là. Je n'aurais pas dû apporter Marlène.
Tudulutuuuut ! Enfin une phrase qui a du sens !
Mais j'y repense...
— Pourquoi tu avais un air colérique à table tout à l'heure...
— Tiens, je suis content que tu me poses la question. Je me disais que tu ne voudrais plus jamais m'adresser la parole. J'attendais que tu viennes à moi. Voir que tu as préféré aller parler avec Marzia, disons que je n'ai pas aimé...
— Et pourquoi tu ne l'as pas fait toi ? C'est quand même de ta faute si on en est là, à cause de cette gifle...
— Et si tu m'aurais giflé à ton tour ?
— Pas moyen.
Je ferme les yeux. Je ne pourrais jamais toucher en mal Oliver. Jamais, même si je le voudrais, je ne peux pas. Je peux mal agir étant en colère, mais je n'aurais jamais levé ma main sur lui.
Je le sens s'agripper contre moi.
— Désolé.
Je craque. Je le prends aussi dans mes bras. Putain. Pourquoi je suis autant attiré envers lui, pourquoi c'est si difficile de l'oublier...?
Je lui chuchote dans l'oreille :
— Ne me fais plus mal, autant physiquement que mentalement...
— Jamais.
J'attends un instant avant de répondre :
— Jamais ?
— Jamais.
— Ne jamais dire jamais.
— Rah, la ferme ! dit-il souriant.

Again, Please, Call Me by Your Name [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant