27. Une troisième fois (FIN)

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* Quelques temps plus tard*

   Il reste peu de temps avant qu'Oliver parte pour une seconde fois. Je ne dormais plus la nuit, ne mangeais plus et ne vivais plus. Tout ça est trop dur pour moi, jamais je n'aurais cru vivre autant dans le désespoir. Encore moins de deux jours et il me sera manquant, la plus grosse partie de moi sera souffrante. Je ne m'imagine pas sans lui, qu'est-ce que je vais faire.
   — Elio ?
   Je me retourne vers Oliver qui me regarde dans le cadre de la porte. Je me lève de la chaise qui est devant mon bureau et lui fait plus ou moins face.
   — Veux-tu me regarder sans détourner le regard, cette fois-ci ?
   Je le regarde enfin. Mes yeux se remplissent de larmes. Je ne sais pas si je pleure car il va me manquer, ou juste parce que j'ai peur d'avoir autant mal que la première fois.
   Il prend mon visage dans ses mains et me caresse. Je ne lui en veux pas, mais je suis en colère.    Je sais qu'il ne peut guerre rester, mais j'ai envie qu'il me dis qu'il restera avec moi encore un peu.
   — Allons prendre l'air.
   Tout ce que je peux dire est oui. Et c'est la dernière chose que j'ai dit après des heures à ses côtés. Lui non plus, comme si nous étions des inconnus attachés par des menottes. Il m'a dit "j'ai envie de visiter une dernière fois ton endroit secret". Pas de mots, pas de signes fait vibrer mon corps, juste mes jambes, qui se dirigent vers le chemin du petit ruisseau où l'eau des montagnes est. Pas besoin de deviner, un orage va faire apparition : quelques bruits de tonnerre se font entendre. De plus, les nuages sont bien gris. Je marche plus rapidement, dépêchons nous avant de se faire arroser par la pluie. Nous sommes arrivés, et encore là, Oliver n'a pas eu la réaction qu'il avait eu la première fois qu'il avait mis ses pieds dans cette eau. "Elle est glaciale", il m'avait dit, je m'en souviens comme le fond de ma poche. À cet instant, il se trempe les pieds sans gêne. Il marche jusqu'au milieu de la flotte et se met à me fixer. Quoi ?, j'ai envie de lui répondre, puis, je sais que son regard veut tout dire. Je le rejoins en enlevant bien mes souliers. Je me mets sur la pointe des pieds pour le regarder. Et il m'étreint dans ses bras. Pendant un moment, je crus qu'il était mort, mais il se mit à bouger. Il fait des pas de danse calme, tout en me cajolant.
   — Nights in white satin, never reaching the end.
   Nights in white satin, de The Moody Blues.
   — Letters I've written, never meaning to send.
   Il reprend son souffle et continue pendant que nous dansons en harmonie.
   — Beauty I'd always missed, with these eyes before, Just what the truth is, I can't say any more.
   Il reste silencieux un moment.
   — 'Cause I love you... Yes I love you... Oh how I love you.
   Et il s'approche de moi et m'embrasse au moment ou la pluie commence à tomber et faire ravage. J'entends la chanson dans ma tête, tout est parfait. Ma langue chatouille la sienne et mes cuisses se frottent aux siennes. Une montée de chaleur m'envahit, jusqu'à ce que nous laissons nos lèvres se séparer et rentrons autant mouillé que les draps que ma mère à laisser par accident sur la corde dehors. Tout le long du trajet, la musique me tournait dans la tête en boucle et en boucle.
   — Oliver ! dit ma mère en rentrant les draps trempés. Le taxi devrait arriver d'ici cinq minutes. Tu devrais aller chercher ta valise !
   Il ne parle toujours pas, et monte à l'étage chercher ses trucs. Il m'avait proposé de monter dans le taxi pour aller à la gare avec lui il y a quelques jours, je n'ai pas dit non. Le taxi apparaît dans mon champ de vision pendant qu'Oliver dévale les escaliers. Nous embarquons dans le taxi et en route pour la gare.
   Pendant tout le trajet, c'était silence. La pluie avait arrêté de tomber, le conducteur n'était pas très bavard et nous non plus d'ailleurs. Ce n'est pas la première fois que ce silence fût ainsi. Je ne sais comment l'expliquer, mais je sais que ce silence est positif, pas que nous nous détestons, je crois que nous avons peur de se parler, peur d'enfin se dire que se serais les dernières paroles qui sortiront de nos bouche.
   Le temps sur la route m'a paru long à en mourir. Oliver paie le chauffeur et nous sortons. Nous avons dix minutes d'avances. Cela m'angoisse, je ne sais pas quoi lui dire. Nous nous avançons de plus en plus des rails du train jusqu'à ce que nous voyons un banc. Nous nous asseyons sans presse et attendons. Il n'y a surprenamment presque personne qui attendent le train, c'est surtout de personne plus ou moins âgée.
   Sans gêne, ma main se glisse paisiblement sur la sienne sans rendre cela visible. Étonnement, Oliver croise ses doigts dans les miens et dépose nos mains sur sa cuisse, voyant de tout le monde. Je le dévisage.
   — Vaut-il mieux en profiter ?, me demande-t-il en regardant au loin le soleil qui sort des nuages pluvieux qui nous a surpris plus tôt.
   Il est peut-être vrai que nous devrions profiter des sept dernières minutes qu'ils nous restent ensemble. Six. Cinq. Quatre. Trois. Deux. Un. Zéro. Avec un léger retard. Le train arrive à toute vitesse et Oliver se lève. Je le suis pendant que sa main ne lâche pas la mienne. Nous nous arrêtons à quelques mètres du train pour enfin faire contact avec nos yeux. Nous ne sommes pas tant décollés. Je sens les regards se poser sur nous, comme si ce que nous faisions était mal. Et c'est cela pendant quelques minutes, jusqu'à ce que les hauts-parleurs nous annonce que le train part dans 2 minutes. Il approche son visage dans mon cou et je le sens sentir mon odeur. Il me donne un baiser dans le creux de ma nuque et me dit les derniers mots :
   — Je t'aime.
   Je n'ai rien demandé à mon corps, mais les larmes ne cessent de vouloir se manifester. Avec son pouce, il les essuie, me donne quelques tapes dans le dos en me prenant dans ses bras, et se retourne vers le train pour aller y monter. Il ouvre le petit volet qui borde sa fenêtre et me regarde. "À plus !", il m'écris avec ses doigts sur la vitre avec son souffle chaud. Le train siffle pour annoncer le départ de celui-ci. Cette fois, Oliver ne me fait aucune moue triste, mais un sourire sincère, et c'est tout. La scène se reproduit : je regarde le train partir au loin jusqu'à ce que ce ne soit qu'une petite fourmi à mes yeux. Encore là, je n'appelle pas ma mère, non, je décide de marcher.
   Les larmes ont fini de couler. Non, je ne me sens pas triste, je me sens bien, tout simplement. Un espèce de soulagement, peut-être.
   En arrivant à la maison, je n'ai pas eu envie de prendre ma mère dans mes bras pour pleurer, car je me sens bien, tout simplement. Ses derniers mots, ses derniers gestes m'ont suffi. Je me dirige dans la chambre d'Oliver qui redevient enfin ma chambre, pour finalement découvrir qu'Oliver m'a laissé un cadeau. Je ne m'y en attendais pas vraiment, mais il m'a laissé une chemise parfumée de son odeur, avec une lettre qui y est écrit :
   "C'est deux mots étaient difficiles à dire, mais je l'ai dit. Et enfin, j'ai pu te sourire quand je suis monté dans le train, parce que la première fois que je t'ai dit adieu, je ne cru te revoir une seconde fois. Et il y aura une troisième fois.
-Elio"

Again, Please, Call Me by Your Name [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant