Zébrés

7 ; Parle-lui

Nolan

La maison est vide. Mes déplacements résonnent lourdement, me rappelant ma solitude. Nyle est parti travailler, Tina découvre les environs. Ils ont quitté la demeure tôt ce matin. Depuis, je déambule dans les pièces à la recherche vaine d'une occupation. J'aurais aimé pouvoir sortir afin de prendre des photographies du paysage. La lumière semble particulièrement propice aux beaux clichés aujourd'hui. Seulement, je n'aime pas abandonner l'intérieur de la bâtisse sans aucune compagnie.

Pour tout avouer, la dernière fois, je me suis retrouvé embourbé dans la terre. Je tentais de photographier les plaines sous un certain angle. Malheureusement, je n'ai pas prêté attention à la boue sous mes roues. Je n'ai pas osé appeler mon frère à l'aide. Par conséquent, je suis resté là pendant une heure, jusqu'à ce qu'il commence à trouver mon absence un peu longue.

Depuis, je refuse de risquer à nouveau une telle situation. Donc, j'attends que l'un d'entre eux rentre. Agacé par cette incapacité à pouvoir me débrouiller seul, je suis d'une humeur massacrante.

Pourtant, lorsque la porte s'ouvre, me dévoilant le corps de Tina, je me calme légèrement. Chaussée de bottes en caoutchouc qu'elle a dû acheter aujourd'hui, elle m'offre un sourire flamboyant que j'hésite à lui rendre. Ses longs cheveux bruns sont rassemblés dans une tresse. Ses intenses yeux gris analysent son environnement jusqu'à se poser à nouveau sur moi.

Soudainement, je doute. Dois-je lui demander son aide ? Suis-je capable de me montrer si vulnérable face à elle ?

Elle chantonne un air que je ne connais pas, avec des paroles françaises tout en se déchaussant. Lentement, je m'avance dans sa direction. Il est dix-sept heures passées et depuis ce matin, j'ai besoin de sortir. Je vais devoir prendre sur moi.

— Tout va bien ? s'inquiète-t-elle.

— J'aimerais aller dehors, m'entends-je affirmer d'une voix sourde.

Elle hausse les sourcils avant de hocher lentement la tête. Sans un mot, elle enfile ses baskets presque propres, me tend mon blouson puis se dirige vers l'entrée. J'effectue une escale dans le salon afin de récupérer mon appareil puis je la suis sans rien dire.

Un roman sous le bras, comme toujours, elle s'installe sur le banc positionné devant la maison. Quant à moi, je m'éclipse quasiment hors de son champ de vision. Je n'ai pas envie qu'elle me garde comme elle le ferait pour un enfant. Lorsque je pose mes iris sur elle, je remarque qu'elle a le nez dans ses pages, sans se préoccuper de moi. Rassuré, j'entreprends de réaliser les meilleurs clichés possibles.

Brusquement, un déclic se produit en moi. Lui ai-je réellement demandé de m'escorter à l'extérieur ? Même auprès de mon frère, j'ai honte. Alors que cette fille... Je l'ai prononcé presque naturellement.

Je ne parviens même pas à me concentrer tant je me sens perturbé. Elle lit toujours son bouquin, sans me prêter aucune attention. Précautionneusement, je roule jusqu'à elle. Quand moins d'un mètre nous sépare, elle me remarque enfin. Son regard interrogateur sonde le mien, me laissant cette impression de nudité jusqu'à la moelle.

Parle-lui.

— Tu as pu découvrir des trucs aujourd'hui ? m'enquiers-je prudemment.

Avant de rejoindre l'extérieur, elle a pris soin de positionner ses lunettes sur son nez. Elle les remonte d'un geste agile, me permettant de mieux percevoir les milliers de nuances dans ses yeux. Avec douceur, elle referme son roman. J'apprécie cette délicatesse dont elle fait preuve parfois.

Elle acquiesce, entreprenant de me raconter sa journée, omettant de nombreuses parties j'en ai conscience. Et moi je m'abreuve de ses paroles. Même si elle continue de se montrer réservée, je perçois une ouverture, légère mais présente. Les genoux ramenés contre elle, elle observe les alentours. Son accent français appréciable me fait doucement sourire.