28 ; Et plus rien

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Tina

Comme la dernière fois, cette ville immense me donne le tournis. Pour donner le change, je m'accroche aux poignées du fauteuil de Nolan afin de le guider parmi cette foule fourmillante. Lui-même m'avoue apprécier l'aspect mythique de la grosse pomme mais avoir du mal avec cette présence constante d'inconnus. Par conséquent, je nous emmène tout droit vers Central Park, à la recherche d'air. L'écharpe qu'il porte fièrement autour du cou a été fabriquée des mains d'Owain et Katelinn. Alors que nous progressons le long d'une avenue sans fin, je me hasarde à le questionner :

— Tu sembles proche de ces gens qui tiennent la lainerie.

Il se tend légèrement, incommodé par mon interrogation. Depuis qu'il s'est livré dans cet hôtel à Montréal, il accepte mieux mes demandes d'informations sur son histoire. Après avoir pris ce bus et visité quelques villes canadiennes, nous avons atterri à New York, deux semaines plus tard.

— Ce sont les parents de Ceallach, confie-t-il, clairement peu enclin à la discussion.

Ne souhaitant pas l'embarquer dans une conversation peu agréable pour lui, je me tais. Maladroitement, je repositionne mon bonnet sur mon crâne tout en continuant de guider Nolan. Ce dernier photographie tout ce qui lui passe sous le nez, comme pour ne rien oublier.

Chaque fin de semaine, il envoie tous ses clichés à son frère, de peur de les perdre. Il projette d'en faire des albums afin de se souvenir de chaque instant passé durant ce voyage.

Alors que nous passons les grilles du parc, il suit du regard des personnes qui effectuent leur footing. D'habitude, il s'en moque éperdument. Toutefois, depuis quelque temps, il y prête plus attention et je ne sais pas de quelle façon aborder le sujet avec lui. Une envie nouvelle est née dans ses pupilles. Finalement, il se détourne avec une grimace furtive.

Je ralentis notre cadence lorsque j'aperçois un écureuil courir sur le chemin. Sa queue rousse le poursuivant, il se précipite sur l'autre bord puis grimpe agilement sur le tronc et disparaît dans les branches. La neige a fondu, laissant progressivement place aux bourgeons colorés. La nature reprend ses droits, les fleurs réapparaissent. La glace du lac a disparu même si l'air reste encore frais.

Alors que je m'émerveille face à ce spectacle éblouissant, Nolan gigote sur son fauteuil manifestement incommodé.

— Quelque chose ne va pas ? je m'inquiète.

— Même un animal de cette envergure marche plus que moi, marmonne-t-il, agacé.

Je lâche les poignées afin de me placer face à lui sauf qu'il reprend possession de ses mouvements et continue d'avancer. Ses phalanges blanchissent tant il serre ses roues.

— Attends, je m'exclame en accélérant pour le rejoindre.

Renfermé, il ne m'attend pas, progressant rapidement sur le chemin poussiéreux. D'un geste rageur, il a rangé son appareil photo dans sa sacoche qui repose sur ses genoux. Ainsi, je me campe devant lui, le forçant à s'arrêter brusquement.

— Pousse-toi Tina, me prévient-il.

— Non, soufflé-je, espérant le convaincre de ma bonne foi.

Les poings serrés, ses yeux remplis de rage me dévisagent longuement. Les sourcils froncés, il paraît remonté sans que je n'en comprenne la raison réelle.

— Qu'imagines-tu ? Que tous les matins je me lève avec optimisme, croyant que ma jambe a repoussé durant la nuit ? me questionne-t-il durement.

— Mais pas du tout, murmuré-je, ahurie.

— Parce que c'est ce qu'il s'est passé pendant les premiers mois, annonce-t-il en haussant la voix. À chaque réveil, j'espérais que tout cela ne soit qu'un cauchemar et que je pourrais de nouveau me déplacer à ma guise.

ZébrésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant