Zébrés

36 ; Dahey

Média : Le loup des Steppes - Lonepsi

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Tina

Installée à l'arrière de ce petit avion blanc et rayé de vert et rouge, mes jambes pendent dans le vide. L'avant est constitué de deux sièges en cuir positionnés face à une multitude de boutons et de manettes aux utilisations inconnues. Les ailes se profilent à ma gauche, aussi longues qu'impressionnantes. L'hélice orne élégamment son nez.

En fin de compte, il ressemble à tous les autres. Malgré tout, il dégage une sorte d'aura particulièrement rassurante. Son propriétaire m'observe avec des yeux curieux, resté sur la terre ferme. La pulpe de mes doigts touchent tout ce qui se trouve à leur portée tandis que je m'empreigne de l'odeur singulière présente ici.

Après toutes ces émotions, ce moment de calme s'avère appréciable. Nolan paraît encore tendu du fait qu'Eryn soit allée seule dénoncer Eamon. Mes pieds reposant sur ses cuisses, je m'allonge sur le sol abimé de l'avion. Les mains croisées sur mon ventre, je scrute le plafond, témoin de centaines de vols et de sauts.

Aban y a porté un soin certain. Même s'il était stocké au fond d'un hangar, il semble avoir été abandonné la veille. Aucune poussière n'a élu domicile ici, les fauteuils ont l'air neufs ou du moins, uniquement usés par la vie. Un sac encore plein traîne à côté de moi, accompagné par une paire de lunettes. Ainsi, je me redresse les enfile sur mon crâne. Trop grandes pour moi, elles englobent largement mes yeux. L'aviateur face à moi me regarde avec une indubitable admiration.

— C'était les miennes, m'apprend-il, nostalgique.

— Ce sont les tiennes, corrigé-je.

Je les remonte précautionneusement sur le haut de ma tête, enlevant toute mèche de cheveux qui me bloque la vue.

No' témoigne une émotion palpable face à ce spectacle. Je lui ai proposé de l'aider à grimper dans l'habitacle. Seulement, il s'est montré plus raisonnable que moi : ce serait plus risqué qu'autre chose. Alors, je continue ce qu'il m'a demandé : décrire absolument tout ce que je vois. La moindre fissure, l'infime trace du temps. Silencieusement, il s'en abreuve. Progressivement, j'avance jusqu'à la cabine, frôlant le volant. Contemplant l'immensité des commandes ainsi que la vue offerte par le pare-brise, j'amorce mon installation à l'avant.

— Tina, appelle-t-il doucement.

Sortant ma tête de l'habitacle, je croise son regard en recherche d'affection. Ainsi, j'arrête mon petit jeu et le rejoins en un petit saut. Ses iris hagards et brillants me scrutent avec hésitation. Avec douceur, je retire les lunettes d'aviateur de ma chevelure et les pose à leur place : sur son front. Automatiquement, il les enlève en fronçant les sourcils. Entre ses mains rugueuses, il les étudie sous toutes les coutures. Son pouce frôle le verre, mélancolique. N'osant pas le déranger dans ses réflexions, j'effectue le tour de ce véhicule chargé en histoire. Les roues ont l'air inutilisables tant elles ont amorti d'atterrissages. Aux couleurs du drapeau Irlandais, il représente une immense part du passé de Nolan.

Alors que je l'atteins à nouveau, il semble mettre les pièces du puzzle dans l'ordre. Progressivement, il prend possession de son histoire. D'un geste agacé, il replace les boucles de ses cheveux en arrière, dégageant son visage.

— Ça change tout, annonce-t-il, désorienté.

Il joue avec ses doigts, visiblement nerveux. Pourtant, dès qu'il observe son avion, puis moi, il paraît se détendre.

— Lorsque j'étais persuadé qu'Eryn se trouvait derrière tout cela, je me disais que c'était normal. Que je l'avais mérité dans un sens. Après tout, elle avait le droit de me haïr alors son acte me semblait explicable. Seulement, apprendre qu'Eamon est responsable me donne l'impression d'une réelle injustice. Je n'ai rien fait pour mériter une telle haine, m'explique-t-il, essayant de donner du sens à toute cette histoire. Tu comprends ?