Zébrés

24 ; Lâche prise, je te retiens

J-5 avant le salon du livre !

________________________________

Tina

Nolan se montre différent. Après mon moment de panique, nous sommes allés déguster une poutine comme convenu. Simplement, je ne parvenais pas à me montrer vraiment présente. Par conséquent, nous sommes rentrés à l'hôtel. En fin de compte, je ne sais toujours pas de quoi souhaitait me parler mon compagnon. En sentant son air grave, j'ai cru comprendre qu'il regrettait. Prise de panique, toutes les émotions ressenties à chacun des abandons sont remontées en même temps. Je n'ai pas su les contrôler tant elles étaient fortes. Incompréhension. Tristesse. Colère. Lassitude. Désespoir. Solitude. Tout cela se mélangeait, j'ai perdu les pédales.

Cette peur tapie au fond de moi est apparue d'un coup, sans prévenir. Ces quelques semaines ont suffi pour que je m'accroche irraisonnablement à Nolan. Son côté grincheux qui aurait pu me rebuter au premier abord continue de me séduire. Je suis terrifiée à l'idée qu'il disparaisse à son tour, se rendant compte de la difficulté que je représente. Malgré tout, il a fait preuve d'une patience exceptionnelle, ne cessant de me répéter qu'il ne comptait pas tout arrêter.

Actuellement installés sur le lit, je feuillette mon roman. Appuyée sur le torse de Nolan et entourée de ses bras, je profite de cet instant de sécurité avant que mon cerveau fasse à nouveau des siennes. Lunettes sur le nez, je tourne la page, plongée dans mon histoire. Comme à son habitude, il cache sa jambe manquante sous la couverture, par gêne. Son ordinateur posé à côté de lui, il observe les photos que j'ai prises du Mont Royal. Depuis tout à l'heure, il demeure silencieux, ne donnant aucun signe sur son avis. Là-haut, j'ai réellement tenté de prendre de beaux clichés pour son frère. J'ai conscience qu'il s'agit de quelque chose de très important pour lui. Ainsi, même si je ne le montre pas, j'angoisse. Et si elles étaient floues ? Et si elles ne lui convenaient pas ?

— Je ne t'ai jamais vue corner les pages d'un livre. Que t'arrive-t-il ? s'enquiert-il doucement.

Je m'immobilise, remarquant mon doigt maltraitant cette pauvre feuille de papier. Instantanément, je la lisse, espérant lui rendre sa forme d'origine.

— Rien, je souffle.

Derrière moi, il se redresse en lâchant un soupir. Puis, d'un geste lent, il récupère mon histoire, y place le marque-page avant de le poser sur la table de chevet. Soudainement anxieuse, je n'ose pas me retourner vers lui.

— Miss, appelle-t-il.

Mon cœur s'emballe à l'entente de ce surnom que j'affectionne. J'ai l'impression de paraître importante à ses yeux. Aussi, avec une lenteur mesurée, je pivote dans sa direction. Dès que je rencontre ses iris dorés, j'oublie comment respirer. Nolan possède cette faculté de montrer sa présence. Il impose une espèce d'aura particulière, presque sécurisante. Même lorsque je ne le vois pas, je devine qu'il se trouve non loin de moi. En ce qui me concerne, je fais tout pour sembler la plus discrète et invisible possible. Malgré tout, quand je suis avec lui, je ne réussis pas à lui échapper. Il m'observe, me cherche. Sortir de ma zone de confort s'avère difficile. Toutefois, je dois avouer que cela apporte son lot de bonnes choses. Progressivement, je me sens plus à l'aise avec lui.

— Lâche prise, je te retiens, m'assure-t-il.

Je ferme les paupières tandis que la douleur pointe le bout de son nez. J'adorerais pouvoir agir de la sorte. Or, cela est impossible. J'ai besoin de conserver un minimum de contrôle sur ma vie. Si souvent j'ai laissé une part de ma personne aux autres. À présent, je veux rester entière. Ne plus passer mon temps à chercher les morceaux que je sème partout. Ma tête dodeline alors que je sens qu'il retire précautionneusement mes lunettes. Au moment où j'ouvre les yeux, je fronce les sourcils, le discernant mal. Peu à peu, ma vue s'accommode et je perçois mieux les traits de son visage. Avec le voyage, il a délaissé sa barbe qui prend plus d'ampleur sur ses joues.