Quelques heures plus tard
Nolan
Nous voyageons dans ce bus à moitié vide jusqu'à notre prochaine destination : Québec. Tina, fermement accrochée à moi, observe le paysage par la fenêtre. Après mes révélations partielles, elle est restée blottie dans mes bras jusqu'à temps qu'il faille partir. Ce lourd secret me pèse depuis si longtemps. Plus de deux ans que cet événement terrible s'est déroulé et je le ressasse continuellement. Chaque fois, je m'imagine d'autres issues. Si je n'avais pas insisté pour sauter, si nous étions partis cinq minutes plus tôt, s'il avait été plus concentré...
Un frisson me parcourt en me remémorant le froid qui m'assaillait dans ce champ, sous les torrents que m'infligeait la pluie. Lorsque Nyle est venu me récupérer, je ne voulais rien entendre. Je me suis enfermé dans un mutisme inquiétant durant plusieurs jours.
Avec une maladresse touchante, ma compagne joue avec mes doigts, la tête posée sur mon bras. Je n'ai pas su trouver la force de lui raconter mon « accident », qui a suivi celui de Ceallach. Cela viendra progressivement. Toutefois, elle ne me questionne plus sur mon état d'esprit souvent compliqué à cerner. Malgré tout, je discerne les rouages de son cerveau fonctionnant à vive allure tandis que ses émotions l'assaillent. J'ai bien deviné qu'elle faisait tout pour parvenir à supporter le poids de mes erreurs sur ses épaules. Je ne lui ai jamais demandé une chose pareille. Néanmoins, je suppose que cela se trouve dans sa nature parce qu'elle ne peut pas s'en empêcher.
Par la vitre du car, je découvre des forêts gigantesques, bien plus fournies qu'en Irlande. Des sapins immenses les habitent, accueillant probablement une faune diversifiée. Le paysage change du tout au tout par rapport à ce que j'ai l'habitude de côtoyer. Ces grands arbres m'apaisent. Ils paraissent dominer tout le monde et imposent le respect. Leur feuillage est recouvert de neige mais ne flanche pas. Ils vivent ici depuis d'innombrables années et continuent de prospérer.
— Tu crois qu'il y a des ours là-dedans ? m'enquiers-je auprès de la Française.
Cette dernière, surprise de m'entendre m'exprimer, se redresse légèrement avant de se blottir plus encore contre moi.
— Probablement, murmure-t-elle. J'ai lu quelque part que si tu en croises un, il ne faut surtout pas courir mais l'effrayer.
— Permet moi d'émettre un doute sur tes sources... Comment veux-tu faire peur à un animal de cette envergure ?
— Lever les bras et crier pour qu'il croie que tu es plus imposant que lui.
Je ris doucement, amusé par cette information. Posant une main sur ma cuisse, elle colle son nez contre la fenêtre. Sa respiration forme de la buée sur le verre. Frustrée par ce soudain manque de visibilité, elle fronce le nez. D'un geste maladroit, je trace un cœur dans la condensation.
— Romantique l'Irlandais, sourit-elle avant d'inscrire nos initiales autour de ma forme.
— Moque-toi, marmonné-je.
Elle s'esclaffe, passant sa main dans sa chevelure brune. Malgré tous les souvenirs qui ont afflués dans mon esprit, je n'oublie pas qu'elle n'a pas répondu à ma déclaration. Je ne lui en veux pas, je comprends bien qu'elle est apeurée. Mais...
— Dis, pour toi, je ne suis pas un ours j'espère ? Je ne suis pas censé t'intimider.
Un sourcil arqué, ses grands iris gris m'observent. Son beau visage précède la vue canadienne, m'offrant un panorama des plus agréables.
— Au début, amorce-t-elle, tu avais un caractère de cochon. Parfois, tu es doux comme un agneau. Mais jamais terrifiant.
Je prends son menton entre mon pouce et mon index, redressant son regard vers le mien.
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Zébrés
RomanceTourmentés par les aléas de la vie, ils cherchent désespérément des réponses. Lui, rejette toutes les personnes qui tentent de l'approcher. Malgré la présence de son frère, il doute de pouvoir reprendre le dessus un jour. Elle, se méfie de tout mais...