31 ; Albert Einstein

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Nolan

Le ballon gagne en altitude, s'approchant toujours plus du ciel et s'éloignant dangereusement du sol. Lorsque j'avais repris l'avion avec Tina, je me sentais quasiment en sécurité. Ici, ce véhicule me paraît moins sûr. À tout moment, un problème peut survenir. Notre guide lâche les sacs de sable un par un. Je n'ose pas baisser le regard afin de les voir choir. J'aurais trop peur de m'identifier à eux. La gravité les attire indéniablement vers une chute avec une fin brutale. Une grimace étire mes traits, au souvenir de ce jour pénible.

Soudain, je me crispe, la peur gonflant en moi. Ma compagne s'inquiète. Seulement, je ne parviens pas à lui répondre. Mes paupières se ferment d'elles-mêmes, comme pour me protéger d'une vision trop dure à supporter. Mon rythme cardiaque s'accélère, de la sueur goutte dans mon dos. Je perçois mes respirations saccadées tandis que je deviens absolument terrorisé. Je discerne chaque mouvement de la montgolfière, m'imaginant tomber à nouveau. Cette dernière valse légèrement. Le bruit assourdissant des flammes au-dessus de ma tête me glace le sang. La faible brise me fouette les joues, contrastant avec le soleil caressant mon visage.

Sur mon cou, je devine un souffle chaud qui m'amène à sursauter. Puis, un mot atteint mes oreilles.

— Regarde.

Son bras entoure mes épaules, elle demeure à côté de moi. Elle réitère sa demande avec douceur. Ainsi, je pousse un long soupir et accède à sa requête, non sans une énorme appréhension. Et je reste sans voix. Face à moi se dessinent des montagnes colorées. Rayées de différentes teintes, elles offrent un paysage à couper le souffle. Subjugué, je lâche mon fauteuil pour m'accrocher à la nacelle, me rapprochant inconsciemment du vide que je m'appliquais à fuir. Toutes ces nuances improbables me laissent pantois. Elles s'étendent à perte de vue, laissant présager une infinitude de points de vue comme celui-ci. De toute ma vie, je n'avais jamais pu admirer un panorama aussi insolite que celui-ci.

Le guide péruvien nous explique probablement l'origine de ces strates. Malheureusement, je n'écoutais rien aux cours d'espagnol au lycée et je n'en ai conservé aucun souvenir. Par conséquent, je ne réussis à déchiffrer aucun mot. Du coin de l'œil, j'aperçois Tina fixer cet homme d'un air presque ahurie. En réalité, elle n'y comprend pas grand-chose de plus que moi. Simplement, elle n'ose pas lui dire, aussi timide qu'elle est. Donc elle se tait, hochant la tête par moment et souriant légèrement. Finalement, l'autochtone termine son discours et elle se détourne à nouveau dans ma direction. J'esquisse un regard moqueur qu'elle ignore royalement.

Elle pose précautionneusement ma main sur mon appareil photo. J'étais tellement ébahi par ce qui se trouve devant moi que j'en ai oublié tout le reste. Par conséquent, je prends un cliché sans y porter grande attention. Puis, je l'éteins, préférant profiter de cet instant magique. Des vols en avion, j'en ai fait des centaines. Mais, celui-ci les surpassent tous, et de loin.

Brusquement, l'envie d'escalader ces monts, de les découvrir et de fouler ce sol m'étreint avec urgence. Je veux dévaler cette pente, grimper ces hauteurs. Sauter d'une rayure à l'autre.

— Ce sont des zèbres, tes montagnes, je murmure, le regard rivé sur le panorama.

Elle rit doucement et son rire s'envole jusqu'à ce que mon cœur l'emprisonne, le conservant tout près de moi. Ma jambe valide tressaute, envieuse de servir à nouveau. L'estropiée bouge à son tour, mue par une vitalité soudaine.

Tout à coup, ce besoin presque vital de marcher et la perte de Ceallach se mélangent en moi, donnant une émotion tellement déchirée qu'elle en devient douloureuse. Je porte ma paume à ma poitrine, cherchant à extraire ce mal de mon corps. Il tend à se libérer comme à exploser. L'hésitation s'avère atroce.

ZébrésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant