20 ; Mon Petit Prince

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« On ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux. » Antoine de Saint-Exupéry

Tina

Tirant deux valises derrière moi, je m'amuse en réalisant que je fais rouler quatre roues, comme Nolan et son fauteuil. Ce dernier me suit sans un mot. Je ne parviens pas à prendre conscience de la situation : il m'accompagne sans savoir où nous nous rendons. Ce matin encore, je me trouvais dans le flou le plus total.

Je m'étais attachée à Nyle. Sa gentillesse et sa bienveillance envers son frère me touchent beaucoup. Par conséquent, lui dire au revoir s'est avéré compliqué. Au fond de moi, j'étais persuadée que je le reverrai un jour. J'étais tellement désorientée que je n'ai même pas déchiffré le comportement de Nolan. Déjà hier soir, il est resté enfermé dans sa chambre un bon bout de temps. Il paraissait ailleurs. Seulement, j'avais mis cela sur le compte de l'incertitude du lendemain. Finalement, son départ avec moi se tramait sous mon nez depuis le début.

Nous nous engouffrons dans le hall de l'aéroport. Paradoxalement, l'effervescence m'entourant m'amène à ralentir ma cadence. Ne sachant pas où me rendre, je décrypte les panneaux d'affichage.

— Si tu ne me donnes pas d'indication sur notre destination, je ne pourrais pas t'aider, déclare soudainement la voix grave de l'Irlandais.

Je sursaute, pivotant dans sa direction. Ainsi, je découvre son visage tendu. Ses yeux marron me fixent avec intensité.

— Ne tente pas de me corrompre, je plaisante.

Il m'offre un sourire furtif puis, je repars à la recherche de notre vol. L'apercevant enfin, je reprends ma marche, toujours suivie par l'autochtone. Il a prévenu la compagnie concernant son fauteuil, il peut le conserver jusqu'à l'embarquement.

Atteignant le quai souhaité, nous enregistrons rapidement nos bagages puis rejoignons l'espace d'attente. Tandis que je commande deux cafés, Nolan s'éloigne. Placé devant une grande vitre, il observe les avions. Dos à moi, je ne suis pas en possibilité de discerner son état d'esprit. Pourtant, je décèle ses épaules voûtées, son corps tendu. Comment réagit-il face à ces véhicules qui ont représenté sa vie ?

— Mademoiselle.

Je tressaille, m'excusant auprès du serveur qui m'interpellait à de nombreuses reprises. Maladroitement, je récupère les deux gobelets fumant avant de rejoindre mon ami.

— Tu viens ? m'enquiers-je doucement.

Silencieusement, il acquiesce. Tête baissée, il s'installe à mes côtés. En lui souriant, je lui tends son breuvage caféiné. Il me remercie d'un simple hochement de tête. Il paraît ailleurs, un voile de nostalgie couvrant ses iris. Comprenant ce qui le torture, j'amorce :

—Tout se déroulera bien. Tu...

— Je ne suis jamais retourné dans les airs, me coupe-t-il brusquement. Ça m'angoisse au plus haut point, je n'avais pas pensé à ce détail.

À l'idée qu'il ne fasse marche arrière, je prends peur. Par conséquent, je rapproche ma chaise de lui puis entrelace nos doigts ensemble. Sa respiration se saccade tandis qu'il se concentre sur nos mains liées.

— Je serai avec toi, promets-je.

— Ne me laisse pas du côté du hublot et ferme le volet de la fenêtre, me supplie-t-il, tremblant légèrement.

— Juré, murmuré-je, déposant un baiser sur sa tempe.

Un soupir erratique s'échappe de sa bouche. Sa peau prend une couleur plus pâle que la normale, même s'il tente de rien laisser transparaître. Malheureusement, je décèle ses états d'âme et surtout ses doutes.

ZébrésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant