17 ; Absurde

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Média : Je suis zèbre d'Yuto Aoki. Une simple chanson relatant la situation de Tina. Je vous conseille de l'écouter pour mieux comprendre le comportement et la façon d'être de Tina :)

Bonne lecture !

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Nolan

Assise à même le sol, elle me supplie du regard. Complètement désorienté par la discussion que je viens de partager avec Aban, je ne sais pas comment réagir. Tiraillé entre mon ami dévasté et la Française déboussolée, je perds mes moyens. Cependant, si je demeure dans cette pièce, je serais forcé de tout lui expliquer. Cela se trouve au-dessus de mes forces. Alors, lâchement, je m'enfuis à la poursuite de mon ancien collègue.

Dès que j'entends ses supplications, je regrette mon choix, ralentissant ma cadence. Simplement, je n'ai pas la même solidité qu'elle. Je n'ai pas l'habitude de me dévoiler, je ne m'en sens pas capable. Ainsi, me voilà entre ces deux avions. Pris d'un accès de mélancolie, je m'immobilise entre ces deux êtres de fer. Je leur ai voué ma vie, ils m'ont volé la mienne.

Baissant les yeux, je progresse le long du hangar. Puis, devinant où se cache Aban, je refuse de continuer. Impossible pour moi de me rendre dans ce lieu. Celui où se situe mon avion. Je sais qu'ils l'ont conservé et qu'ils s'en servent occasionnellement. Je n'ai pas perdu ma jambe à cause de ce véhicule. Cependant, rien que venir dans cet endroit me replonge dans des souvenirs empreints d'émotions paradoxales. Entre le bonheur et la douleur. L'épanouissement et le ressentiment. La vie et la mort. S'il ne me l'avait pas demandé, je n'aurais jamais remis les pieds ici.

Plusieurs autres personnes travaillant là arrivent progressivement. Je tente de me faire le plus discret possible, retournant dans la salle de pause afin de récupérer Tina. Ils vont tous passer par cette pièce pour accéder aux vestiaires. Ceux-là même où je me rendais tous les jours. Parfois, je dormais même sur place tant j'avais hâte de retourner dans les airs. Mes tenues sont restées ici, dans mon placard encore verrouillé.

Au moment où je pousse la porte, j'aperçois ma voyageuse assise sur une chaise reculée, essayant de ne pas déranger tout ce remue-ménage. Ses iris suivent tous les mouvements avec curiosité. Je possédais le même regard le premier jour où je suis arrivé ici. L'envie s'est tellement accentuée que j'en ai fait mon métier. Une telle passion que tout arrêter du jour au lendemain s'est avéré extrêmement déchirant.

Tina ignore les questions qui lui sont posées, donnant l'impression de ne pas parler anglais. Je dois avouer que cela fonctionne à la perfection avec son accent français si charismatique. J'adore cette intonation présente dans sa voix. Cela lui donne un charme supplémentaire. Mes anciens confrères ne doivent pas comprendre ce qu'elle fiche ici. Pourtant, dès qu'ils me repèrent, ils marquent un temps d'hésitation avant de s'approcher pour me serrer la main.

Toutes les personnes présentes ici savent que l'accident aurait pu être évité. Sauf une.

D'ailleurs, elle me fixe, un air extrêmement déçu sur le visage. Prenant sur moi, j'avance dans sa direction.

— On s'en va, j'affirme durement, malgré moi.

— Tu ne souhaites pas prendre un café ? propose l'un de mes collègues.

Je décline rapidement la proposition, désappointant une personne de plus. Cette proposition partait visiblement d'un bon sentiment, cependant je n'ai pas la tête à ça.

— Nous serions contents de partager un moment avec toi, insiste un autre en s'approchant.

— Nous n'avons pas le temps, rétorqué-je sèchement.

ZébrésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant