16 ; Laisse tomber

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Tina

Assis face à son petit déjeuner, encore en habits de nuit, Nolan paraît angoissé. Son frère à ses côtés l'observe, l'air tendu. Les mains entourant sa tasse de café, il demeure silencieux. L'aîné de la fratrie semble réfléchir intensément. Son genou tressaute, signe évident de son anxiété. En ce qui me concerne, je déguste silencieusement mon morceau de brioche. Une jambe repliée sur la chaise, je n'ose pas prononcer un mot. Soudainement, Nyle se racle la gorge, mettant fin à une tension pesante. Son semblable se redresse curieusement, le dévisageant. Étonnamment, le cadet s'adresse à moi :

— Il doit se rendre à l'aérodrome aujourd'hui. Tu veux bien l'emmener là-bas ?

Je croise le regard déconcerté de Nolan. Même si je ne devine pas ce qu'il attend de moi, j'accepte par curiosité. Instantanément, l'individu concerné se détourne, la douleur s'empreignant sur son visage. Ce lieu doit contenir beaucoup de souvenirs pour lui. A-t-il décollé de là-bas, le jour de l'accident ? De quelle façon le considère-t-il ? Comment se comportera-t-il, une fois arrivé ?

Malgré moi, j'appréhende cette sortie. Toutefois, Nyle hoche la tête, reconnaissant. Par la suite, il se concentre sur son frère.

— Aban te demande d'y aller. Cela te fera peut-être du bien, suggère-t-il.

— Ne te fous pas de ma gueule, grogne son interlocuteur.

Nolan se montre si patient et à l'écoute avec moi que j'oublie parfois qu'il peut témoigner d'une grande agressivité. Il se révèle froid et distant, les poings serrés. Il ne baisse pas les yeux, rempli de colère. Surprise, j'ai un léger mouvement de recul.

— Tu n'es pas obligé d'y rester toute la journée, ajoute Nyle.

—Bien sûr que si. Je ne peux pas partir d'une minute à l'autre, je n'ai pas le choix.

Je ne comprends pas tous les sous-entendus de cette discussion. Néanmoins, je déchiffre un trouble chez Nolan. Il me jette de vifs coups d'œil nerveux : il doute. Son petit frère soupire longuement, tiraillant ses cheveux. Impuissante, je tente de paraître la plus discrète possible. Mon appétence d'informations l'emporte alors je reste à ma place au lieu de les laisser entre eux. Attentive à la moindre de leurs réactions, je bois distraitement mon chocolat chaud.

— Alors, prends Tina avec toi.

Des prunelles noisettes aux reflets dorés se posent sur moi. Perturbée, je me perds dans ce regard profond. Il fronce les sourcils. Instinctivement, je l'imite.

— D'accord, tu m'accompagneras, affirme-t-il d'une voix rauque.

Étonnée, j'ouvre la bouche avant de la refermer. Que va-t-il se passer exactement aujourd'hui ? Souhaitant en savoir plus, j'approuve simplement, le cœur battant.

* * *

Dans l'entrée, j'attends patiemment que l'Irlandais soit prêt. Vêtue d'un pull gris en maille et d'un jean bleu foncé, je m'enroule dans une écharpe beige. La température n'a pas augmenté depuis que je suis arrivée ici.

À cet instant précis, je me rends compte que je suis restée dans cette maison beaucoup plus longtemps que prévu. J'avais envisagé de visiter le coin en quelques jours seulement. Cependant, voilà plus de dix jours que je loge ici. En réalité, j'ai exploré les contrées depuis un bon moment. Donc, je passe du temps dans le salon de thé, je retourne dans les endroits qui m'avaient plu. Je pourrais continuer mon périple autre part. Après tout, avancer avec Nolan paraît compliqué. Simplement, j'ai envie d'essayer, avec l'espoir de remplir ma quête désespérée. Par conséquent, je lui fais croire que je visite des lieux toute la journée. Je n'ai pas de délai à respecter puisque rien n'est programmé pour la suite. Tout ne dépend que de lui. Mais, j'ai peur que lui avouer cela ne l'effraie plus qu'autre chose. Donc, je me tais et profite de ce qu'il m'offre.

ZébrésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant