Nolan
Tout ça, c'est que des conneries.
« Je crois que je ne suis pas prêt. »
Et puis quoi encore ? Je n'attends que ça depuis l'accident : que quelqu'un s'intéresse à moi, me porte de la considération et de l'attention. J'ai simplement eu peur que son regard sur moi change. Alors, je l'ai rejetée, comme le pire des idiots.
Depuis mon réveil, j'hésite sur la conduite à tenir. Perturbé par la situation, j'ai paniqué.
Enfermé dans ma chambre, je ferais les cent pas si je pouvais. À la place, je rumine dans mon fauteuil, en observant l'extérieur. Le cheval se trouve toujours dans le jardin. Le voisin doit être parti, autrement il l'aurait déjà récupéré. L'animal progresse tranquillement le long de la pelouse verte, l'air tranquille. Ce dernier s'éloigne de moi, se rapprochant de la fenêtre voisine : celle de la Française.
Tina sait aussi bien que moi que son départ est imminent. Malgré tout, une force inexplicable nous attire l'un vers l'autre, nous liant ensemble sans raison apparente. Quand elle se situe dans la même pièce que moi, j'ai l'impression que rien ne peut m'atteindre. Même si elle paraît robuste, je décèle ses failles qu'elle tente tant bien que mal de combler. Il faut que je fasse attention à elle.
Ce matin, j'ai eu peur qu'elle ait mal interprété notre discussion. Manifestement, j'ai eu raison puisqu'elle contait ses doutes à la bête, dehors. Tiraillé entre un besoin irrépressible et un doute incontrôlable, je me sens complètement perdu.
Seul un mur me sépare de cette fille - que dis-je, cette femme. Elle a effectué le premier pas. En toute logique, je devrais aller vers elle. Rien ne m'en empêche, à part... moi.
« — Ne te mets pas autant à l'écart, Nolan.
— Si seulement je pouvais.
— Toi seul le décide. »
Elle n'a que trop raison, malheureusement. Ne suis-je pas en train de commettre une bêtise ? Je la laisse partir, sans moi. Cette nuit lorsque je l'ai vue endormie sur le canapé, j'étais sûr de moi : j'avais agi comme il le fallait. L'embrasser représentait la meilleure idée que j'avais eue depuis longtemps. À partir du moment où j'ai croisé mon frère, hier, l'hésitation s'est emparée de moi. Par conséquent, au réveil, j'étais complètement désorienté. Tina paraît déjà si blessée par la vie qu'il ne faudrait pas que j'en rajoute, même involontairement. Je me suis souvenu de ma conversation avec Nyle : il sacrifie tellement de choses pour moi. J'ai peur de ne pas me montrer à la hauteur, de le décevoir. Alors, ne rien faire m'expose à moins de risque. Notre colocataire repartira et nous reprendrons notre routine. De cette façon-là, je ne m'expose pas à trop de perte.
D'un autre côté, j'ai l'impression de passer à côté de tant de choses... Ai-je plus à perdre qu'à gagner ?
Puis, en récupérant mon appareil photo dans le salon, j'ai découvert une photographie. Assurément prise dans la matinée, elle montre le cheval avec le coucher du soleil arrière-plan. Au fond de moi, j'ai senti quelque chose de fort. À travers ce cliché, j'aperçois une partie de Tina indécelable jusqu'à présent. Une sensibilité singulière. Je suis resté bloqué durant plusieurs minutes sur cette image parce que je m'y suis reconnu. La lumière, les couleurs, l'angle. Tout exprimait une émotion que je ne parviens pas à nommer. Je devine qu'elle n'a pas cherché à capturer tous ces éléments. Elle a simplement jugé indispensable de se saisir de cette ambiance.
Oh et puis merde. Je déteste réfléchir.
Sur un coup de tête, je sors brusquement de mon antre, me dirigeant vers la pièce de Tina. Sa porte demeure entrouverte. Simplement, je ne la trouve pas ici. Continuant sur ma lancée, je me dirige vers la cuisine où je la repère, prête à sortir. Emmitouflée dans son manteau et sa grosse écharpe, elle guette le ciel capricieux, hésitant à s'en aller. J'avance plus vite encore, gagnant son attention. Surprise, elle me dévisage.
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Zébrés
RomanceTourmentés par les aléas de la vie, ils cherchent désespérément des réponses. Lui, rejette toutes les personnes qui tentent de l'approcher. Malgré la présence de son frère, il doute de pouvoir reprendre le dessus un jour. Elle, se méfie de tout mais...