- Je ne me souviens pas ! Je te jure ! Je t'en prie, arrête ! Je t'en prie !
Supplier ne servait à rien, il le savait, mais ne pouvait s'en empêcher. S'il pouvait raviver une once d'instinct paternel, il fallait qu'il essaie.
- Je ne te crois pas. Tu es un sale menteur.
Son père lui jeta un cahier à la tête. Il le frappa à la tempe. L'algie se réveilla, le coup précédent ne s'étant toujours pas résorbé. Il tituba.
- J'ai trouvé ça dans ta chambre. Et tu oses me dire que tu ne te souviens pas ? Mon propre fils est un traître.
Ce cahier. Son jardin secret. Ses rares souvenirs. Tout ce qu'il s'était passé. Et ce nom. Ce magnifique nom qui l'emplissait de chaleur et de courage. Il était incapable d'en retrouver les sonorités ou les lettres.
- Brûle-le. Dépêche-toi ! Brûle-moi ce livre.
- Non... Non, pas ça... Ne m'y oblige pas... !
Un nouveau coup de ceinture s'abattit sur son dos et il hurla. Il en avait déjà reçu beaucoup trop pour pouvoir ravaler ses cris. Il sentait le sang couler le long de ses jambes. Il ignorait où il trouvait la force de tenir encore debout. Sûrement dans ce carnet. Dans les souvenirs qu'il contenait.
- Brûle. Le.
Il ramassa le petit cahier et en caressa la couverture en cuir tanné. Il le plaqua contre sa poitrine. Son père abattit sa ceinture plusieurs fois sur lui. Jusqu'à ce qu'il s'effondre totalement au sol, à moitié conscient. Il ne put que le laisser lui arracher le cahier et le jeter dans les flammes. Ses derniers souvenirs de bonheur partirent en flammes sous ses yeux et il ne parvint pas à les pleurer.
Il se réveilla dans une pièce sombre. Ses yeux lui paraissaient gonflés, trop gros pour leurs orbites. Il les frotta. Il avait rarement eu droit à de la teinture de valériane pour échapper à la douleur. Au départ, sa nurse avait eu pitié de lui. Et puis, elle aussi avait eu à subir la rage destructrice du père de Vestar et, depuis, Vestar avait toujours encaissé chaque coup sans aucun remède.
Avec l'éveil vint l'algie dans tout le côté gauche du haut de son corps. Il serra les dents en se redressant dans le lit. Il reconnut l'infirmerie avec son toit orné d'arches en bois sombre et ses hautes fenêtres qui ouvraient sur un ciel nocturne picté d'étoiles.
Il baissa les yeux vers son bras gauche qui était enfermé dans un drap et plaqué contre son torse. Pourtant, le problème n'était pas son bras mais son épaule. Le soigneur devait l'avoir immobilisé pour l'empêcher de rouvrir sa blessure.
Il balança les jambes hors du lit. Il trouva une carafe d'eau sur un tabouret à côté de son lit. Il se servit un verre qu'il vida d'un trait. L'eau fraîche lui fit un bien fou. Il reposa le verre et se leva. Les mouvements du haut de son corps étaient douloureux comme jamais.
- Recouche-toi.
Vestar tressaillit lorsque la voix de Sakari résonna dans l'infirmerie vide. Le garde rejoignit le lit, un sourire sur les lèvres.
- Hardan est furieux contre toi. Et je ne parle pas de Sa Seigneurie. Je crois que tu lui as fichu une sacrée trouille.
Il sourit à cette idée. Il aurait voulu voir la tête qu'avait dû faire le prince. Il devait avoir songé qu'il allait tenter de se sauver. Au lieu de ça, il avait fini par se faire embrocher par une flèche. Il ne devait pas être ravi.
- Que s'est-il passé après que j'ai été touché ?
- Pas grand-chose. Avec les autres, nous avons escorté Sa Seigneurie à l'intérieur. Je ne l'avais jamais vu dans cet état, ajouta-t-il dans un murmure. Il est déjà arrivé qu'il faille l'escorter d'urgence. Jamais il n'a réagi comme ça. Il semblait vraiment inquiet pour toi.
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Deceit
FantasyLorsque le royaume d'Isstad envahit Ceramos, l'ennemi ne fait pas face à un peuple en panique mais à un peuple préparé. Depuis longtemps, un plan a été formé pour contrer l'envahisseur et Vestar en est la clé. Il sait ce qu'il a à faire et comment s...