L'aube les trouva éveillés et fâchés. Vestar s'était résigné à avouer à Alrek ce qu'il lui avait dissimulé jusque là. Comme prévu, le blond avait été furieux. Il lui en voulait assez pour lui battre froid comme s'ils étaient revenus un an en arrière.
Vestar devait admettre que ça le blessait. Ça l'effrayait, aussi. Il détestait ce masque que le blond pouvait arborer à l'envie. Il ne laissait rien passer et Vestar se retrouvait comme étranger, rejeté avec une brutalité inattendue. Toutes ses insécurités quant à leur relation revinrent avec la force d'un bélier en pleine poitrine.
Il géra la situation de son côté avec ses hommes. Il allait devoir faire face à sa mère et il désespérait de ne pas avoir le soutien de son fiancé. Il avait horreur de ressentir ce manque. Il aurait dû s'y attendre après dix mois passés sans se séparer d'Alrek. C'était cette forme de conditionnement qu'il n'avait pas vue arriver et dont il ne connaissait toujours pas les tenants et les aboutissants. Il découvrait chaque jour de nouveaux effets et il redoutait de découvrir qu'il avait été amené à ressentir ce qu'il ressentait pour Alrek.
Alrek semblait tenir pour acquis sa présence à ses côtés, leur relation. Il ne paraissait pas inquiet le moins du monde. En vérité, il avait l'air si froid lorsque Vestar était dans les parages qu'il était devenu impossible de lire en lui. Vestar avait perdu le mode d'emploi entre deux baisers.
Il s'obligea à se concentrer sur ce que racontait ses généraux improvisés. Ils étaient plus que décidés à récupérer Northedge et à destituer Elina. Malgré tout, ils n'étaient toujours pas enthousiastes à l'idée de s'allier aux isstadiens. Ils ne faisaient qu'amplifier les doutes de Vestar.
À l'aube, Alrek le rejoignit devant les portes avec son escorte.
- Je t'ai cherché toute la nuit, murmura le blond. Où étais-tu ?
- J'étais avec les miens à définir un plan d'attaque.
- Pourquoi ne m'as-tu pas fait appeler ? N'étions-nous pas censés affronter cela ensemble ?
- En effet. Nous l'étions jusqu'à ce que tu redeviennes aussi froid que distant.
Alrek tourna la tête vers lui, surpris. Son faciès était inexpressif et seul le subtil arc de son sourcil incitait Vestar à croire qu'il y avait des émotions sous le masque.
- Ne t'attends pas à ce que j'accepte une telle attitude, continua-t-il. Je veux bien admettre que j'ai eu tort mais je n'accepte pas ta façon de gérer notre conflit. Tu me tournes le dos à un moment où j'ai besoin de toi pour un désaccord.
-Tu peux comprendre que je n'ai pas apprécié que tu me caches quelque chose comme ça.
- Oui, je le comprends. Ça ne t'excuse pas. Imagine si j'avais réagi comme ça après toutes les manipulations que tu m'as fait subir avant que tu ne m'avoues que tu savais qui j'étais réellement. Penses-tu que nous serions là ?
Alrek garda le silence et détourna le regard.
- Si tu te fermes à la moindre contrariété, nous ne tiendrons pas, Alrek.
- Je suis encore en train de chercher comment tu peux être là, comme ça. J'ai passé cinq ans à me convaincre que je t'avais perdu et puis, d'un coup d'un seul, tu réapparais dans ma vie sous les plus mauvaises augures. En dépit de tout ce qu'il s'est passé, j'ai du mal à croire que tu puisses m'aimer sans tes souvenirs, seulement avec le temps que tu as passé en tant que mon knähund en tête. J'ai été exécrable avec toi et pourtant... Tu es là.
Vestar fit signe aux gardes de reculer pour leur laisser un minimum d'intimité. Ce n'était pas une conversation qu'il aurait pensé avoir juste avant les retrouvailles risquées avec sa mère. Ce n'était ni le lieu ni l'endroit mais il n'avait pas le choix. Il devait rassurer Alrek. Au moins temporairement. L'incertitude dans les yeux du jeune roi était difficile à voir.

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Deceit
FantastikLorsque le royaume d'Isstad envahit Ceramos, l'ennemi ne fait pas face à un peuple en panique mais à un peuple préparé. Depuis longtemps, un plan a été formé pour contrer l'envahisseur et Vestar en est la clé. Il sait ce qu'il a à faire et comment s...