Chapitre 7

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Nicklas fit son apparition à la cour quelques jours plus tard. Voir un visage amical au milieu de tous ces lords qui le regardaient de haut et le traitaient comme un animal fut une vraie joie pour Vestar. Il avait oublié à quel point l'univers des cours royales était impitoyable et étouffant. Il aurait tout donné pour pouvoir prendre ne serait-ce qu'une demi-heure d'air frais, seul dans les jardins étouffés par la neige.

Il se força à sortir du lit et à se préparer pour aller chercher le plateau du prince. Il sourit en croisant le jeune Kerry qui se pressait, des essuie-mains soigneusement pliés sur les bras, s'empilant jusqu'au nez. Il devait à peine voir où il allait. Vestar lui en prit quelques-uns, le faisait soupirer.

- Merci !

Vestar poussa la porte et le laissa pénétrer dans les cuisines. Il le suivit pour aller ranger les chiffons sous le regard bienveillant de l'énorme cuisinier.

- Merci, Vestar, lui dit-il.

- C'est rien.

Il récupéra le plateau du prince et sentit saliver. Il ne savait pas ce qu'était la pâtisserie qui était toujours dans le coin droit du plateau, placé sur une petite soucoupe en porcelaine, mais c'était la meilleure partie du repas. Il n'y avait eu droit qu'une seule fois mais il espérait toujours pouvoir y goûter à nouveau.

Kerry se précipita pour lui ouvrir la porte et Vestar sourit. Il remonta dans les quartiers princiers et posa le plateau sur la table du petit salon et alla ouvrir les rideaux. Il se faisait toujours un malin plaisir d'aller ouvrir les rideaux de la chambre en premier. Skuti ouvrait ceux du petit salon en premier pour adoucir le réveil d'Alrek mais Vestar adorait faire jaillir la lumière tranchante et blafarde qui tombait toujours droit sur son visage. Oh, il le payait puisqu'il n'avait plus une miette du petit-déjeuner mais, à ses yeux, l'expression et la réaction du prince en valaient entièrement la chandelle.

- J'ai une partie de chasse aujourd'hui, énonça le prince. Nicklas continuera ton apprentissage depuis le banc des knähund. Que ton nom ne me revienne pas aux oreilles.

- Oui, Seigneur.

Après plus d'une semaine à avoir le mot presque battu hors de lui, Vestar commençait à s'habituer à le prononcer. Il préférait celui-là cent fois plus que le « maître » que Nicklas roucoulait au conseiller Linus. Jamais il n'appellerait Alrek « maître ». Quitte à finir pendu haut et court, c'était hors de question.

- Tu viendras avec moi pendant que l'on repère le terrain.

Vestar serra les dents. Il savait très bien ce que faisait Alrek. Le prince savait que Vestar ressentait le besoin de partir au grand air, de s'épuiser, de faire quelque chose. Servir le prince en qualité de knähund ne lui donnait pas ce dont il avait besoin. Il était encore plus nerveux qu'auparavant. Le forcer à repérer le terrain tout en sachant qu'il ne pourrait pas participer était cruel. Il savait ce qu'il faisait.

Alrek termina son repas et se leva, disparaissant pour aller se laver et se préparer. Vestar alla ramener le plateau en cuisine. Il arriva au moment où le cuisinier se laissait aller à râler.

- ... déteste quand ces hauts-culs traite ma nourriture comme ça ! Regarde-moi tout ce que je vais devoir jeter ! Comme si on avait des ressources illimitées ! Les vivres ne sont pas encore arrivés depuis Ceramos !

Vestar s'approcha, laissant son plateau, les verres et la soucoupe glisser dans l'eau savonneuse de l'évier. Le cuisinier avait réuni toute la nourriture qui avait été renvoyée sur un plateau. Il semblait véritablement en colère.

- Pourquoi ne pas les manger puisque ça a été ramené ? demanda-t-il.

- C'est considéré comme du vol, répondit une petite femme dont la tresse était enrubannée dans un bandeau. Si cela s'apprend, on finira tous avec une main coupée et sans emploi.

DeceitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant