Deceit

Chapitre 28

Tout se passa dans le plus grand secret. Le château se réveilla à la nouvelle de l'arrestation de Linus. Les rumeurs les plus folles se répandirent dans les couloirs, portées par un vent d'inquiétude. Vestar garda un œil sur les lords et, notamment, sur Valdemar, le grand allié de Linus.

Sans surprise, Merken fut le premier à être au courant. Il débarqua à la porte des quartiers royaux aussitôt, interrompant Alrek et Vestar en plein petit-déjeuner. Après une courte nuit, le jeune roi était d'une humeur calme et câline – ce qui ne dérangeait pas Vestar. Toutefois, il fut très vite apparent que cette humeur était aussi changeante que le vent.

Merken fut invité à entrer dans le petit salon. Ses yeux verts se posèrent sur le couple et une grimace dégoûtée étirée ses lèvres. Vestar serra les poings. Il n'y avait que le conseiller Merken, l'homme le plus puissant d'Isstad après la famille royale, pour afficher aussi clairement sa désapprobation.

- Avez-vous un problème, conseiller ? l'apostropha sèchement Alrek. Un problème suffisamment important qui nous inflige votre présence aussi tôt ?

L'homme se racla la gorge et détourna le regard, sa répulsion toujours lisible sur son faciès buriné.

- En effet, Majesté. J'ai appris ce matin que vous aviez mis le conseiller Linus aux arrêts.

- Ceci n'est en rien un problème.

- Puis-je savoir pourquoi ? Le conseiller Linus est un pair du royaume qui ne voit que vos meilleurs intérêts et...

- Mes meilleurs intérêts, coupa Alrek en reposant sa tasse avec un calme dangereux, impliquent-ils l'assassinat de mon fiancé ?

Merken s'orienta vers lui. Il ne chercha pas à feindre le choc ou l'horreur ou toute autre émotion appropriée. Il se contenta d'un visage vide et plat.

- Je suis désolé d'apprendre que l'on a essayé d'éliminer votre... fiancé.

Il cracha le mot comme une insulte. Vestar tressaillit.

- Cependant, vous deviez vous attendre ce que cela arrive, continua le conseiller. Une telle union est... inhabituelle.

Vestar dut lui reconnaître un don pour faire passer la pilule de son insolence avec le minimum de dommages. Alrek, lui, n'était pas du même avis.

- Méfiez-vous, conseiller. J'ignore combien d'insultes je peux encore accepter avant d'ordonner que vous soyez emmené rejoindre votre ami le conseiller Linus.

- Je ne voulais en aucun cas vous injurier, Majesté. Je tenais simplement à vous faire connaître l'avis de la cour à propos de votre choix de mariage.

- Celui de la cour ou le vôtre ? ne put s'empêcher de questionner Vestar, moqueur.

Merken l'ignora. Sa réponse n'aurait pu être plus claire.

- Pour en revenir au conseiller Linus, reprit Merken, j'ignore pour quelles raisons vous l'avez fait arrêter...

- Et je doute qu'elles vous regardent, rétorqua Alrek.

- Mais je suis venu pour tenter de vous raisonner. Il doit y avoir une erreur car jamais le conseiller Linus ne ferait quoi que ce soit contre vous.

Alrek épousseta les miettes sur son pantalon d'équitation et se leva. Il se planta face à l'homme qui, malgré ses cinq centimètres supplémentaires, paraissait bien plus petit que son jeune roi.

- Vous êtes venu me raisonner ? Alors que j'ai entendu de source sûre que Linus était derrière l'attaque ? Je suis peut-être jeune mais je suis loin d'agir sans réfléchir. Je sais toujours à qui je fais face.