Chapitre 29

503 65 33
                                    

La tombée de la nuit arriva plus vite que Vestar ne s'y attendait. Des torches avaient été allumées partout dans les jardins et la potence jetait des ombres sinistres sur les murs. Alrek avait tenu parole et le corps de Linus ferait face à la fenêtre des quartiers du conseiller Merken.

Vestar eut droit à un siège d'honneur à côté d'Alrek. Il était coincé entre le père et le fils mais ça ne l'inquiétait pas. Au contraire, c'était l'occasion pour lui de voir la réaction de Caspar à sa présence aux côtés de son fils dans une position de consort. Surtout que, de lui-même, le blond avait saisi sa main et la lui tenait sans aucune gêne.

S'il était entièrement honnête, il était mal à l'aise. D'accord, il était celui qui lui avait proposé le mariage et, forcément, cela devait arriver. Nonobstant, il n'avait pas tellement songé à tous les à-côtés qui allaient avec. S'afficher ainsi avec Alrek détruisait sa confiance en lui et le plongeait dans un état de doute qui lui nouait l'estomac.

Malgré tout, il ne se dégagea pas et embrassa les regards du peuple avec autant de confiance et de fierté qu'il put. Il devait au moins cela à Alrek.

Linus fut amené par trois soldats. Il était chiffonné, fatigué. La peur et la résignation se disputaient le monopole de ses expressions. Il tentait de faire face à sa sentence avec dignité mais il tremblait si fort que c'était immanquable. Il n'avait aucune envie de mourir.

Ceramos avait beau être vu comme un royaume barbare, Vestar détestait les exécutions. C'était la tache royale qu'il détestait le plus. Il avait assisté à nombre d'entre elles et il ne s'y faisait pas. Surtout lorsque, aussi coupable qu'elle soit, la personne manifestait clairement sa terreur et son désir de vivre. Linus avait mérité cette sentence. Vestar le savait mieux que personne. Il ne pouvait malgré tout pas faire face à ce qui allait se passer.

- Ça va ? l'interrogea doucement Alrek.

- Je n'aime pas les exécutions, avoua-t-il dans un murmure si faible qu'il s'entendit à peine.

- Moi non plus. Mais elles sont nécessaires.

- Je le sais bien... Cela n'empêche que je déteste ça. J'espère que ça va vite passer.

Alrek opina du chef et pressa sa main.

Malheureusement pour eux, Linus mit longtemps à mourir. Lorsque la trappe s'ouvrit sous lui, la corde ne brisa pas ce petit os qui lui aurait offert une mort rapide et sans douleur. Au lieu de ça, il lutta contre le nœud coulant, cherchant à respirer, à se libérer. Ses pieds battirent l'air durant plusieurs minutes alors qu'il s'accrochait à la corde.

Finalement, l'air vint à lui manquer et son corps se détendit. Il tressaillit plusieurs fois avant que ses membres ne se relâchent entièrement et qu'il ne pende comme un pantin dans le vent.

Sans un mot, la foule se dispersa. Le seul bon point des exécutions à Isstad était qu'il n'y avait pas de lynchage. Une fois le condamné mort, tout le monde se dispersait sans un bruit. À Ceramos, il aurait été dégradé durant des heures avant que la famille royale ne puisse retourner à l'intérieur.

Ici, les exécutions duraient à peine plus d'une vingtaine de minutes. Et encore, c'était parce que Linus avait mis longtemps à mourir que ça avait été aussi long. Sans quoi, tout aurait été bien plus court. Vestar préférait largement cela. S'il y parvenait, peut-être imiterait-il ce système à Ceramos. Il avait beaucoup de changements à mettre en œuvre et celui-ci n'était que l'un des plus mineurs.

Alrek et lui retournèrent dans leurs appartements. C'était toujours étrange de dormir avec son fiancé. Ses cauchemars s'étaient calmés, par miracle. Comme si la présence du blond près de lui le calmait jusque dans son sommeil. Il refusait de se poser toutes les questions qui lui trottaient dans la tête.

DeceitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant