Chapitre 27

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Il y avait une sorte de frénésie dans le camp depuis ce matin, une drôle d'humeur qui se propageait comme une traînée de poudre et touchait tous les gens autour de Julie. Dès le réveil, elle les avait vus se parler, se prendre à part ou s'atteler à des tâches inhabituelles mais c'était surtout cette ambiance sombre et noire qui était le plus intriguant à ses yeux. Elle n'était pas parvenue à comprendre quel était le sens exact de ce qui était en train de se passer.

Pour commencer, Elisabeth était revenue sans Thomas et ce n'était pas dans les habitudes d'Elisabeth de ne pas faire ce qu'elle disait. Elle s'était réveillée très tôt, avec des cernes profondes et une tête qui voulait très clairement dire « laisse-moi tranquille ». Julie avait donc abandonné l'idée de lui demander des nouvelles de leur sortie de la veille pour éviter un coup de sang de la jeune femme.

Elle avait ensuite tenté de trouver Mathias ou Mitsu. Même si elle ne les appréciait pas plus que ça, ils devraient au moins avoir des réponses à ses questions. C'était en tombant enfin sur eux qu'elle avait remarqué l'activité inhabituelle de tous, ils marchaient rapidement d'un groupe à l'autre et semblaient être toujours en train de changer d'interlocuteur, passer un message d'une personne à une autre. Elle avait tenté plusieurs fois de les attraper au vol mais ils l'avaient toujours envoyé paître ailleurs en lui promettant de s'occuper d'elle plus tard.

Plus la matinée avançait et moins elle trouvait de personnes qui acceptait ne serait-ce que de lui adresser la parole, elle piétinait et rageait à chercher ainsi quelqu'un qui pourrait juste la renseigner. Les larmes lui brûlaient les yeux à chaque refus : plus que tous les autres jours, elle se sentit traitée comme une enfant qu'on mettait de côté et ça lui donnait autant envie d'hurler que de se rouler en boule.

— Julie ?

Elisabeth venait de la remarquer, debout et seule au milieu d'un espace vide sous la voûte. Ses bras pendaient mollement et son regard était vide, elle avait l'air littéralement perdue. Elisabeth se mordit la joue tout en avançant vers elle : trop concentrée dans ses préparatifs depuis ce matin elle en avait oublié de venir voir l'enfant et lui parler face à face. Un bel acte manqué.

— Qu'est-ce que tu fais là ? interrogea-t-elle en s'agenouillant près d'elle.

— Je cherche quelqu'un pour me dire pourquoi Thomas n'est toujours pas là mais tout le monde me chasse...

Nez vers le sol, elle noua ses mains devant elle en attendant qu'Elisabeth lui réponde. La vérité c'est qu'elle sentait que les larmes pouvaient couler d'un instant à l'autre et qu'elle ne voulait surtout pas montrer de faiblesses à la brune, elle était bien trop fière pour ça. Personne ne semblait avoir informé Julie de la funèbre découverte de la veille, Elisabeth aurait menti si elle n'avait pas avoué que ça lui aurait retiré une sacrée épine du pied.

Comment annoncer à une enfant de 10 ans que son ami et sa famille avait été purement et simplement abattus au fond d'un couloir désaffecté, dans des circonstances aussi tragiques que mystérieuses finalement. Si un plan avait tout de suite été imaginé et appliqué, rien n'expliquait encore aujourd'hui pourquoi leurs assassins avaient procédé ainsi et c'était angoissant au possible.

— Julie, Thomas ne reviendra pas.

Si Elisabeth avait affronté des disparitions - et même des retours miraculeux en la personne de Sarah - rien ne l'avait jamais préparé à annoncer ce genre de nouvelle à des enfants... Elle cherchait les mots les plus adéquats mais ne trouvait rien qui pourrait édulcorer la vérité ou faire passer la pilule un peu mieux. Et elle devait un peu plus qu'une vérité tartinée de sucre à Julie qui se tenait vaillamment à leurs côtés depuis le début de cette aventure.

Juste après la Fin du MondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant