Chapitre 35

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Les tensions entre Eli et Hayden ne faisaient qu'aller en grandissant. Mathias avait espéré qu'une fois qu'ils auraient eu une petite discussion à deux pour remettre les choses bien à plat, ils pourraient enfin sortir de cette ambiance à couper au couteau. Bien au contraire : chaque discussion, chaque décision ne faisait qu'envenimer les choses encore un peu plus.

— Tu veux me faire croire que tu veux retourner sous terre ? demanda le militaire en haussant un sourcil dédaigneux.

Pas besoin de pouvoirs télépathiques pour deviner ce qu'il en pensait réellement. Le châtain soupira et se prépara à une nouvelle dispute sans queue ni tête : la dernière en date était à propos du froid, d'Eli qui refusait de mettre une veste et du fait qu'elle n'en pouvait plus de tourner en rond comme un lion en cage. Alors qu'elle était enfin dehors, d'ailleurs.

Il y avait quelque chose d'amusant à voir ces deux-là se lancer des piques, une dynamique derrière laquelle on pouvait deviner qu'ils avaient vécu des choses ensemble, pas très jolies-jolies si le policier avait bien saisi le fond de l'affaire. La tendresse et l'attention qu'Hayden portait à Elisabeth était à peine voilée et pourtant, elle passait son temps à le rabrouer sans prendre de pincettes, le même comportement qu'elle avait eu sous terre mais en 10 fois plus puissant, finalement.

Mathias avait fini par mettre le doigt dessus : c'était la culpabilité qui rongeait Elisabeth vivante. Quoiqu'il se soit passé dans son ancienne vie, celle où elle côtoyait Sarah, elle n'avait pas fait la paix avec et ne semblait toujours pas prête à le faire. Hayden semblait être la preuve vivante que l'on ne peut pas mettre ses démons sous le tapis en espérant qu'ils vous oublieraient bien gentiment.

Elle était assise en face de lui, sur un siège de toile pliable aussi inconfortable que les pierres qu'ils utilisaient sous terre, et leva la tête avec lenteur lorsqu'elle entendit la critique sous-entendue de Hayden. Un simple regard de la jeune femme suffit à se faire redresser le soldat assis à côté de celui-ci. Hayden, lui, ne broncha pas, le dédain le plus total peignait toujours les traits de son visage.

— Bien sûr que si, répondit-elle.

Une fois réchauffés, propres et dopés par des boissons énergisantes, il était venu l'heure de la discussion qui fâche : la suite. Le militaire leur avait exposé leur intention, qui en plus d'être simple, était d'une logique imparable : redescendre sous terre par l'entrée que Mathias et Eli avaient creusé, aller chercher le reste des survivants et les raccompagner ici en essuyant potentiellement des tirs ennemis. Quand plus tôt, ils étaient encore en train de discuter tranquillement autour d'un café, les deux survivants avaient immédiatement évoqué l'hypothèse que l'état de siège avait peut-être déjà dégénéré.

"Si ils attaquent, on le saura très vite" avait expliqué Éloïse, la stratégiste en charge de leur dossier. "On peut suivre une partie de leur signature électronique, et même si on ne les suit pas à la seconde près, le genre d'activité qu'engendrerait une telle attaque ne se raterait pas, croyez-moi !"

La militaire les avait gratifié d'un sourire radieux qui prouvait qu'elle croyait parfaitement en ce qu'elle disait, la fin heureuse de cette histoire et la paix dans le monde, en passant. Autant Mathias qu'Elisabeth n'y avait pas cru une seule seconde.

Ils n'étaient plus que quatre dans cette tente, et le sujet de la discussion était totalement circonscrit aux membres de cette mission de secours. Le second soldat qui accompagnait Hayden était un jeune homme bien plus effacé, il semblait lui aussi connaître Elisabeth mais s'était contenté d'une poignée de main et d'un sourire timide. Edward s'était présenté en quelques mots à peine auprès de Mathias, reprenant sa place de second aussitôt.

— C'est un vrai dédale là-dessous, si vous descendez sans nous ça va vous prendre beaucoup trop de temps, argumenta Mathias.

Il jeta un œil circonspect à la carte qui s'étalait devant eux. Ils avaient tentés, avec leur souvenir, de faire le tracé le plus proche possible de leur trajet en sous-sol mais ils devaient en plus se souvenir des conduits bouchés, cul-de-sac et autres joyeuses surprises qu'ils avaient trouvés en bas. Rien de concluant, donc.

Juste après la Fin du MondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant