Chapitre 33

69 6 0
                                    



Mitsu était stressé. Et Mitsu n'était d'ordinaire jamais stressé, seulement là il avait toute une colonie souterraine à protéger d'un ennemi non identifié qui pouvait frapper à tout moment. Et son partenaire de toujours n'était pas là. Et il avait envie de manger du chocolat comme jamais.

Le stress, cette saloperie.

Il soupira, tentant vainement de remettre à la fois de l'ordre dans ses idées et du calme dans ses gestes : il marchait encore une fois de long en large sans objectif particulier, une habitude qui - il le savait - ne faisait qu'alerter et stresser encore plus les personnes autour de lui. Il se força à s'arrêter, regard tourné vers l'oasis central, et passa une main rageuse sur le devant de son t-shirt.

Il était temps de se ressaisir, se dit-il.

Sa résolution ne tint pas trop longtemps puisqu'il fit aussitôt un bond de plusieurs centimètres lorsqu'il entendit une voix l'interpeller sur sa gauche.

— Mitsu...

La petite Julie s'était glissée derrière lui sans un bruit - il n'admettrait pas qu'il était tellement plongé dans ses idées noires qu'il ne l'avait pas entendu - et le regardait du haut de sa dizaine d'années. Le teint pâle et la mine morne, la petite accusait le coup de l'enfermement sous terre qui avait semble-t-il détruit tout instinct d'enfant chez elle.

— Oui ? demanda-t-il dans un souffle.

Il ne savait pas si le terme correct était « détruit », après réflexion il se rendit compte qu'il n'avait presque jamais vu la petite se mêler de bon cœur aux autres enfants et jouer ou courir avec eux. Dès les premières heures, elle avait montré un caractère taciturne et solitaire, se rapprochant plutôt des adultes que des autres enfants. Il avait mis ça sur le dos d'une potentielle différence d'âge, il avait beau avoir des neveux et nièces il devait avouer qu'il comprenait rarement leurs joies et peines.

— Qu'est-ce que vous faites, près des couloirs ? demanda-t-elle d'une voix tremblante.

Les mains nouées derrière le dos, elle dardait sur lui un regard presque accusateur : celui de ceux qui savent que quelque chose se trament dans leur dos, et il ne put s'empêcher de ravaler sa salive avant de lui répondre d'un ton mielleux :

— Rien de spécial, tu sais, il faut juste surveiller, au cas où...

Comme tout le monde dans le camp, elle savait ce qu'on avait trouvé là-bas - Eli' avait dû jouer le funeste messager - mais il doutait qu'une si jeune enfant ait pu en tirer des conclusions aussi alarmantes que leur petite bande. Ou peut-être n'arrivait-elle pas à suivre l'évolution de la situation au fil des jours...

Il fit l'effort de s'agenouiller pour lui parler - une technique que leur amie étudiante leur avait enseigné - et posa une main légère sur son épaule. Julie semblait de moins en moins convaincue et même si elle pesait peu dans la balance d'humeur du camp, il savait bien qu'une simple goutte pouvait les faire basculer dans la paranoïa la plus complète.

— Les... - il buta sur le mot, il était flic pas enseignant nom d'un chien ! - méchants pourraient arriver par là alors on reste et on surveille, pour protéger tout le monde.

Elle fit la moue mais acquiesça. Mitsu décida de changer de sujet au plus vite et se saisit de la première pensée qui lui vint à l'esprit :

— Tu sais où il y a du chocolat ? Il doit bien rester une barre ou une plaque quelque part, non ?

Rassérénée, la petite fille hocha la tête avec force cette fois et tendit la main pour prendre celle de l'adulte dans la sienne et le guider au sein du camp. Ils rejoignirent rapidement un groupe assis autour d'un réchaud à gaz - alimenté par une des bouteilles provenant de la dernière caisse pensa avec douleur Mitsu - et elle s'adressa à un des pères du camp. Le policier en profita pour dégager doucement sa main et s'asseoir près de Martha, qui tentait de repriser un jean en sale état au milieu du cercle.

Juste après la Fin du MondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant