Chapitre 32

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Un silence de mort planait au dessus d'eux.

Cet instant suspendu dans le temps leur sembla durer une éternité alors qu'il ne dura en réalité qu'une fraction de seconde, un court instant qui leur suffit tous les deux à revoir les options qu'ils avaient en main - très peu nombreuses - et à envisager les portes de sorties qu'ils pouvaient avoir - un nombre proche de zéro.

Elisabeth paniquait déjà, le simple cliquetis métallique avait suffit à lui faire se dresser les poils sur l'échine et elle sentait ses jambes prêtes à lui obéir à tout instant si elle se décidait à s'enfuir en courant, seule l'expression sûre et calme que Mathias arrivait encore à afficher la persuadait de ne pas tenter le tout pour le tout. Une façade pourtant, elle en était persuadée.

Si Elisabeth avait vu rouge et voyait d'emblée le pire, le jeune homme était plus raisonné et envisageait d'avoir affaire soit à un ami soit à un ennemi. Il attendait, impatient certes, les mains en l'air qu'on lui indique la prochaine étape. Les deux survivants se faisaient toujours face, se regardant dans le blanc des yeux et Mathias espérait que le caractère impulsif de la jeune étudiante n'allait pas faire des siennes maintenant - c'eut été le pire des moments. Il entendit le frottement mesuré de pieds sur le sol inégal derrière lui, la personne qui le mettait en joue était sans doute en train de les contourner pour mieux les voir.

— On ne bouge pas, intima-t-elle d'une voix sèche.

Une voix d'homme, la trentaine et tout aussi rôdé par des années de métier. De fait, le ton était ferme et ne laissait pas de porte ouverte à l'émotion. Le châtain prit une profonde inspiration en tentant de limiter ses gestes au minimum, il sentait ses bras trembler sous le coup du stress et priait intérieurement pour que cette mascarade prenne fin au plus vite. Nouveau cliquetis, un frisson glacé remonta la colonne vertébrale du jeune homme.

— Eli' ? demanda la voix inconnue.

Elisabeth n'avait pas détourné le regard une seule fois depuis qu'ils venaient de se faire prendre, elle rompit le contact visuel avec Mathias pour se tourner vers la voix.

— Hayden.

Si Elisabeth connaissait cet Hayden, Mathias ne put s'empêcher de faire le rapprochement avec le Hayden qui faisait figure de légende vivante dans le milieu, celui qui avait retrouvé Sarah. Néanmoins, il ne baissa toujours pas les bras suivant le mouvement de la brune qui n'avait pas bougé d'un pouce. Elle semblait honnêtement surprise et c'était peut-être ce choc qui l'en empêchait, se fit-il la réflexion.

— Qu'est-ce que tu fous là ? reprit le soldat.

— Je prends l'air, rétorqua-t-elle pince-sans-rire.

Mathias vit une main surgir dans son champ de vision, Hayden tendait sa main à Elisabeth pour la saluer. Il osa enfin baisser les bras pour observer le militaire qui tenait désormais son fusil d'assaut en bandoulière.

Il ressemblait trait pour trait aux photos de lui qui avaient circulées trois ans plus tôt : gueule d'ange et mâchoire carrée, il avait fait les choux gras des journaux qui avaient vu en lui un soldat aussi obéissant et efficace que plaisant à afficher en première page.

Même si son visage n'était pas à la fête aujourd'hui et que ses profondes cernes trahissaient une mission longue et éprouvante, les fines rides qui prenaient naissance autour de ses yeux en amande en disait long sur son caractère jovial. Tout en serrant la main d'Elisabeth il l'attira à lui d'un geste sûr pour une embrassade brève, elle lui rendit dans un sourire triste. Si le sujet Sarah n'avait pas pu être exploré en profondeur, inutile d'être devin pour comprendre que revoir son sauveur ne semblait pas évoquer d'heureux souvenirs en elle.

Juste après la Fin du MondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant