Chapitre 2 ✔

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- Votre ceinture Madame, m'indiqua une hôtesse de l'air.

Malgré ma mauvaise humeur apparente, je m'empressai de mettre ma ceinture. Du plus loin que je me souvienne, je n'avais jamais aimé prendre l'avion, et ce n'était pas près de changer. C'était vraiment le comble pour moi de devoir autant voyager alors que j'avais une peur bleue de ces engins volant. Mais on aura beau me montrer toutes les études existantes certifiant que l'avion est le véhicule le plus sur, pour moi, un appareil dans le ciel restera toujours plus flippant et dangereux qu'une simple petite voiture sur une route.

Qui plus est, hier, j'avais dû faire mes valises en toute hâte et j'avais été très énervée dapprendre que je devrais rester deux mois, alors que je devais simplement prendre des photos. Enfin ça, c'est ce que je croyais. Si je devais rester aussi longtemps, c'était parce que je ne devais pas seulement faire une affiche publicitaire, mais également un dépliant et un diaporama pour expliquer ce que proposait l'établissement, ainsi que préciser les activités que les clients pourraient faire en dehors du centre de bien-être. Mais bien sûr, ça, Catherine avait oublié de me le préciser. Je l'avais appris dans la volée, en passant ma soirée à lire ce foutu dossier. Les cernes flagrants sur mon visage pouvaient clairement en témoigner. Enfin maintenant je comprenais un peu mieux la raison pour laquelle ma patronne tenait tant à ce que ce soit moi qui bosse sur ce contrat. Je connaissais bien la ville et ses lieux attractifs, j'étais donc la mieux placée pour mettre en valeur les atouts de Kahului pour la publicité du centre de bien-être.

Pourquoi étais-je si compétente et indispensable ?
Mystère, lol.

Mais la vérité, c'est que je ressentais également une certaine appréhension à retourner sur ma terre natale, la terre qui m'avait vu grandir. J'y avais toute ma famille, tous mes amis et toute mon ancienne vie. J'avais tiré un trait sur tout ça le jour où j'ai compris que tous me mentaient depuis toujours.

J'avais été adopté à l'âge de deux ans par mes parents. Ils n'ont jamais cherché à me le cacher et me l'ont annoncé lorsque j'étais très jeune. Je leur en suis d'ailleurs très reconnaissante, je n'aurais pas apprécié qu'ils me cachent la vérité. Ce qui me chiffonnait en revanche, c'était qu'ils me laissaient très souvent de côté, et ça avait fait naître en moi un sentiment de rejet qui n'avait cessé de croître au fil des ans. Toute ma famille m'aimait et je le savais, mais leur attitude à mon égard m'avait fait comprendre que même s'ils semblaient m'avoir accepté, je ne faisais pas pour autant complètement partie de leur famille. J'avais parfois remarqué qu'ils agissaient bizarrement avec moi. Par exemple, ils s'arrêtaient souvent de parler quand j'entrais dans une pièce et ne m'invitaient pas lors de certaines réunions familiales. Au début je pensais que c'était parce que j'étais trop jeune, mais mon frère, âgé de seulement quatre ans de plus que moi, était lui aussi dans la confidence. J'avais finalement compris que je ne faisais et ne ferai jamais vraiment partie de la famille.

Au début je m'efforçais de ne rien laisser paraître, mais à mes dix-huit ans, j'avais décidé d'arrêter de faire semblant et de tout quitter. J'ai économisé de l'argent en travaillant dans un bar et me suis payée le billet d'avion pour New-York. Grâce à mon travail acharné, j'avais réussi à entrer dans une école artistique très réputée. J'avais donc décidé de tout quitter, de partir de chez moi, en ne leur laissant qu'une lettre pour seule explication sur mon départ.

Et voilà maintenant trois ans que je ne suis pas retournée à Kahului et c'est pour cette raison que j'appréhende beaucoup de revoir l'une de mes vieilles connaissances. J'en ai tellement là-bas que je risque forcément de croiser quelqu'un que je connais. Et je savais qu'il ou elle me reconnaîtrait facilement. Je n'avais rien d'une hawaïenne typique.

J'avais certes la peau basanée très bronzée, mais c'était bien la seule chose que j'avais en commun avec les hawaïens. J'avais de longs cheveux bouclés et touffus que j'avais teint en blanc, ainsi que des yeux vairons, l'un de couleur gris, l'autre de couleur marron. J'étais assez svelte, mais j'avais des formes bien prononcées. J'avais un physique assez atypique et je savais que grâce à mes yeux, on me reconnaîtrait tout de suite, aussi avais-je pris le soin de prendre plusieurs paires de lunettes de soleil, ainsi que de grands chapeaux mexicains pour me cacher le visage. Je ne savais pas encore si je comptais mettre ces chapeaux par contre. J'avais peur d'attirer plus l'attention que de m'en cacher en les mettant, mais j'avais toujours adoré porter des vêtements complètement loufoques. Je souriais en repensant à l'air exaspéré de ma famille à chaque fois que je me confectionnais des vêtements dans un nouveau style. J'étais passée par presque tous les styles possibles et inimaginables, et je ne plaisantais pas. Je crois que ce qui avait le plus marqué mes proches fut la fois où j'avais tenté de confectionner une robe avec des sacs en plastiques. Même moi je devais l'admettre, c'était une mauvaise idée. Le problème, c'est que quand il était question des vêtements que je créais, je détestais devoir accepter la critique. Je me souviens que j'avais porté cette affreuse robe pendant plusieurs jours juste pour ne pas admettre qu'elle était horrible comme tout le monde me le disait. J'avais même raconté une historie invraisemblable pour expliquer pourquoi je l'avais jeté aux ordures. Je crois que j'avais dit qu'une horde de pigeons enragés m'avaient attaqué ou quelque chose dans le genre. C'était la bonne vieille époque, où tout était plus simple

Après plusieurs minutes à repenser à mon passé, la fatigue commença petit à petit à me submerger. Il était grand temps de me reposer et de dormir un peu. Je manquais cruellement de sommeil et le trajet allait être long, donc autant récupérer en attendant au lieu de ressasser de vieux souvenirs.

- Madame ?

- Hmmm.

- Madame !

Je sursautai. Je détestais être réveillée de cette façon. J'allais passer un grand coup de gueule quand je remarquai que le personnel de l'avion se trouvait tout autour de moi. Il n'y avait plus personne dans lengin en passant.

- Nous sommes arrivés depuis un bon quart d'heure à l'aéroport de Kahului. J'ai essayé de vous réveiller mais vous avez le sommeil très lourd à priori.

Je me détendis d'un coup comprenant la situation.

- Excusez-moi, quand je suis fatiguée j'ai du mal à me réveiller.

Je me levai en m'excusant auprès de tout le personnel et pris mon sac à dos. Je descendis de l'avion, mes lunettes en main et sentis une vague de chaleur me fouetter le visage. Je reconnais bien la chaleur tropicale de Kahului. Heureusement que j'avais pensé à mettre un short et un top court avant de partir. J'avais eu un peu froid dans l'avion, mais je ne regrettais absolument pas ce choix à présent.

Je posai les lunettes de soleil sur mon nez et empruntai les nombreux couloirs qui menaient au hall de réception des bagages. Il n'y avait presque plus personne. Je reconnus assez vite mes bagages et les pris en main. Je traînai ensuite mes deux grosses valises en dehors de l'aéroport. Lorsque que je fus enfin sortie de l'établissement, je marquai une petite pause. La ville semblait toujours être la même. Je me doutais bien qu'elle avait dû changer en trois ans, mais, c'était rassurant et nostalgique de revoir ce paysage si familier presque intact. J'aurais vraiment souhaité visiter un peu la ville et reprendre mes repères d'antan, mais malheureusement je n'avais ni le temps, ni le courage de le faire. Premièrement, j'étais ici pour le boulot, pas pour des vacances et deuxièmement, j'avais peur de croiser quelqu'un que je connaissais, donc il valait mieux que je me fasse toute petite. Je soupirai et repris finalement ma route en me dirigeant vers l'espace réservé aux taxis.

- Aloha, dis-je d'un ton aimable au chauffeur.

- Aloha. Vous montez jeune fille ?

J'acquiesçai. Le chauffeur sortit et plaça mes valises dans son coffre. Je montai à l'arrière du véhicule et lui donnai l'adresse de l'hôtel où j'allais loger pendant mon séjour. L'hôtel n'était pas dans le centre-ville de Kahului, mais il se trouvait à une dizaine de minutes à pieds du complexe de bien-être. Je me calai confortablement dans mon siège et regardai le paysage défiler sous mes yeux. Les magiques paysages hawaïens m'avaient manqué, c'était indéniable.

- Vous êtes venue en vacances mademoiselle ? me demanda alors le chauffeur.

- Non je suis ici pour le travail.

- Oh c'est dommage. Enfin si vous avez le temps allez visiter la ville, elle est absolument magnifique et elle en vaut vraiment le détour.

- Je n'en doute pas, répondis-je d'un ton mélancolique.

Le reste du trajet se déroula sans accrocs. Le chauffeur n'avait pas cessé de me conseiller des endroits de la ville et même de l'île entière à visiter absolument avant de repartir. Il était passionné par ce qu'il racontait, ça se voyait qu'il aimait vraiment son île vu la ferveur avec laquelle il en parlait. Je n'osais pas lui dire que je connaissais déjà la plupart des endroits dont il me parlait. Je préférais être prudente.

Nous arrivâmes assez rapidement devant mon hôtel. Il n'était malheureusement pas perdu au fin fond de Kahului comme je l'espérais. Il se trouvait dans un quartier plutôt traditionnel. Le même genre de quartier où je vivais avant.

Je payai le chauffeur qui m'aida à décharger mes valises, le saluai, puis entrai dans l'hôtel. Contrairement au reste des bâtisses du quartier, l'hôtel faisait tâche à cause de sa modernité. Tout respirait le luxe, les vacances et le neuf, comme si l'établissement venait tout juste d'ouvrir. L'intérieur du lieu cependant, était décoré dans un style typique des îles. Des statuettes, des plantes et des tapis tissés jonchaient le sol. Le parquet en bois brun contrastait avec les murs blancs de l'hôtel. Tout était absolument impeccable. Je n'en attendais pas moins de Catherine, même si elle agissait parfois comme une véritable connasse sans cur, elle savait tout de même entretenir ses employés quand ils étaient en déplacement.

Je m'avançai vers la réception où une jeune femme à la peau mate et bronzée et aux cheveux noir de jais et lisse m'accueillit d'un sourire. Je reconnus tout de suite ces prunelles noisette et remerciai alors la terre et les cieux de m'avoir donné l'idée de mettre des lunettes de soleil et de m'être teint les cheveux en blanc. Je sortis de mes pensées et fixai Malia, mon ancienne meilleure-amie. Je remerciai aussi intérieurement ma patronne d'avoir réservé la chambre au nom de l'agence et non au mien. Vive les voyages d'affaire !

- Bonjour et bienvenue à l'hôtel des Roses. Votre nom je vous prie ?

J'eus un petit pincement au cur en entendant sa voix. Elle avait quelque peu changé, mais j'arrivai clairement à la reconnaître. Et si elle reconnaissait ma voix elle aussi ? Je me raclai la gorge et commençai à parler dune voix un peu plus grave que d'habitude.

- Je suis de l'agence de Pub de New-York PubForYou.

- C'est exact, j'ai une réservation pour vous. Voici votre clé, bon séjour parmi nous.

Je pris vite la clé qu'elle me tendait et partis aussitôt. J'avais bien remarqué l'air étrange qu'avait arboré son visage lorsque j'avais parlé. J'espérais qu'elle me trouvait juste bizarre à cause de ma voix, et non qu'elle mait reconnue.

Dans tous les cas, je ne le saurai pas ce soir. J'entrai dans ma chambre et la fermai directement à clé. Comme toutes les chambres d'hôtel, celle-ci possédait un lit double avec des draps fraîchement lavés, une armoire, une commode où une étrange statuette de femme était positionnée en plein milieu et un petit espace salle-de-bain.

J'avais dormi pendant tout le trajet et pourtant, j'étais toujours aussi fatiguée. Une bonne nuit de sommeil arrangerait tout ça, j'en étais sûre. Je mis mon pyjama et me couchai directement, non sans me rendre compte que j'avais atterri dans le quartier de mon enfance.

Si le dieu de la malchance existait, je pouvais être quasiment sûre qu'il m'avait prise pour cible. Je m'endormis sur cette pensée plus que désagréable.

Wolves War : Retour aux sourcesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant