Chapitre 39

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    Une détonation retentit dans un fracas de portes et de cris. Le temps que je réalise que je n'ai pas reçu la balle, une armée de soldats des FA a envahi la pièce, provoquant une agitation monstre. Ni une, ni deux, voyant qu'Aaron s'est retourné, je le dégage comme je peux avec un coup de genou, il est aussitôt attrapé par trois autres hommes.

Encore attachée, je tente de me sortir de là, sans succès. Au même moment je reconnais Tiago au milieu du branle-bas de combat. J'ose à peine y croire lorsqu'il se jette à côté de Connor pour couper la corde qui le maintenait collé au poteau.

Une accolade en guise de remerciement et Connor se lève pour s'approcher de moi muni du couteau de son meilleur ami, son sourire éblouissant m'écartant de toute panique antérieure. D'un geste doux et précis, il retire mes liens et me serre dans ses bras, m'arrachant un gémissement de douleur en comprimant mon épaule blessée. Il revient soudainement à la réalité, son visage se décompose lorsqu'il remarque la tache de sang sur mon pull.

Tiago a dû comprendre que quelque chose n'allait pas car il s'avance pour constater les dégâts. Je suis épatée par son sang froid lorsqu'il comprend ce qu'il m'est arrivé sans en laisser transparaître le moindre signe de faiblesse. Il pose une main rassurante mais impérative sur l'omoplate de son ami :

- Il faut que vous partiez, tout de suite.

Connor l'observe, hésitant. Ses yeux scrutant la seconde porte de sortie derrière nous avant de revenir à moi. Je ne l'ai jamais connu aussi perdu. Tiago s'en aperçoit rapidement, heureusement, et le presse :

- Vas-y.

Et sur ces mots, notre ami disparaît dans la pagaille. Connor, résolu cette fois, passe son bras dans mon dos pour me relever, faisant gare à ne pas brusquer mon épaule. Nous entamons notre course folle entre les nordistes et les soldats des FA en direction de la sortie qui s'avère être une porte mystérieuse. Nous n'avons pas la moindre idée d'où elle peut mener mais nous fonçons tête baissée. Je crois toucher la poignée du bout des doigts lorsqu'une montagne de tirs s'abat sur la salle souterraine, je ne peux retenir un cri.

Nous nous accroupissons sous le vacarme qui semble ne plus cesser. La main de Connor se met à trembler dans la mienne, je l'entends bredouiller :

- Tiago... je ne peux pas le laisser là.

Malgré le danger de faire demi-tour mon cœur est du même avis.

Dans un mouvement synchronisé, nous nous retournons à l'instant où le dernier tireur est abattu, assistant au même désastre. Un amas de corps jonchent le sol, des nordistes, des soldats. Le spectacle est digne des pires cauchemars. Les quelques uns encore debout étant ceux qui accompagnaient Tiago, je ressens une sorte de soulagement, pensant tout risque écarté définitivement.

Mais je me trompais.

Tiago, face à nous, entamait de nous rejoindre. Je n'oublierai jamais le sourire victorieux éclairant son visage au moment où la silhouette sombre est apparue dans l'encadrement de la porte d'en face, celle par laquelle ils étaient entrés. Le reflet du néon dans le gun du nordiste alertant tous mes sens, je n'eus pas le temps de crier que la balle était partie.

Les derniers gardes des Forces Armées se sont jetés sur le tireur, immobilisé en un clin d'œil, mais c'était trop tard.

Tiago s'est effondré. Et le reste ne fut qu'une effusion de pleurs et de sang.

J'aurais pu ressentir mon cœur se déchirer dans ma poitrine lorsque celui de Connor s'est brisé, lui arrachant le pire des cri qu'on eu jamais entendu. Je l'observais se précipiter au chevet de son meilleur ami, refusant de croire le cauchemar qui se déroulait sous mes yeux.

J'ai rejoint Connor sur le sol noyé par ses larmes, mes pensées allant vers Naomi, j'aurai échangé mon corps avec le sien pour qu'elle ai le temps de lui dire au revoir si je le pouvais.

Je ne pus pas retenir mes sanglots et m'écartais un instant pour ne pas pleurer devant les autres. Mais j'entendis cependant les quelques paroles que prononça Tiago à l'intention de Connor :

- Mec... promets moi juste que tu la laisseras pas tomber la prochaine fois. On a besoin d'elle et elle a besoin de toi.

Je ne sais pas exactement si c'est de moi qu'il parle même si ça m'en a tout l'air (et qu'au fond je l'espère).

Connor le regardait à travers ses larmes tout en essayant de le redresser pour l'emmener avec nous vers la sortie.

- Arrête, Connor... allez-vous en avant qu'ils ne rappliquent, lui répondit Tiago à bout de voix.

- Je peux pas t'abandonner !

Sa détresse provoquant une remontée de de désespoir en moi, je me retournais une fois de plus pour dissimuler mes pleurs.

Un garde s'est approché précautionneusement, s'accroupissant devant les garçons pour articuler à l'intention de Connor :

- On peux encore l'emmener au Centre de Soins, les gardes à la grille Sud nous laisserons passer, seulement tu ne pourra pas l'accompagner.

S'humectant les lèvres, les yeux encore rougis de douleur, il baissa les yeux et acquiesça silencieusement. D'un signe le chef ordonna à ce qu'il restait de ses hommes de s'occuper de Tiago, ils installèrent notre ami sur un brancard pour le transporter en urgence.

Connor se tourna vers moi :

- Tu dois y aller aussi.

Je le regardais, perdue, ne sachant quoi répondre et me remémorant en même temps ma blessure qui s'était relayée au second plan à cause de l'adrénaline.

Comprenant de quoi nous parlions, le même garde nous pressa d'un regard à la fois strict mais doux et compréhensif. Recouvrant son assurance, Connor posa sa main sur mon bras en prenant la décision pour moi :

- Emmenez-la avec vous, elle est blessée aussi.

Le commandant lui adressa un signe de tête affirmatif et respectueux. Un geste surprenant du fait qu'il vienne d'un supérieur, mais qui signa mon contrat d'hôpital malgré moi.

Voilà comment je dus abandonner la main de Connor pour le froid de l'habitacle de l'ambulance, où Tiago fut branché à toutes sortes de machines sous mes yeux. Je crois d'ailleurs que la pire torture ne fut pas le moment où une infirmière désinfecta ma plaie à l'alcool mais devoir supporter mon impuissance face à l'état physique de mon ami et allié, étalé sur des draps blancs, respirant tout juste.

Je songeais à Connor qui était en chemin vers le bâtiment 08. Allait-il croiser Naomi ? Allait-il lui annoncer ce qu'il était arrivé ? Mon cœur se brisait rien qu'à la pensée de sa réaction lorsqu'elle l'apprendrait.

Je me rappelle à peine de ma prise en charge par mes collègues au Centre de Soins, je pense que ma mémoire préférera effacer ces instants désolants de ma vie.

Étalée à mon tour dans un lit mobile, regardant le plafond immaculé, je n'essaie même pas, moi qui en ai peur, de me débattre lorsque que l' anesthésiste pose un masque sur ma bouche et mon nez pour m'endormir.

Je ne sais ni même pourquoi ils m'endorment, mes pensées et mon cœur étant déjà vidés.

Je n'entends que les paroles de Nadia au moment où je ferme les yeux :

- Courage, ma belle. Courage.

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