Chapitre 35

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    Je retrouve Alison et Sandra dans le hall du Centre de Sélections. La dernière semaine de tests est enfin arrivée pour les 50 filles pré-sélectionnées dont je fais (incroyablement) partie. Je sais que j'approche du but mais il va encore me falloir tenir parmi les 32 meilleures. Et ça s'annonce compliqué.

Je suis d'une oreille la discussion entre mes amies du bâtiment 08 tout en prêtant les yeux autour de moi pour me familiariser avec les visages des Alphas qui vont et viennent dans l'immense pièce. Une tignasse de cheveux bruns parfaitement lissés attire mon attention. L'intéressée pivote légèrement sans perdre le fil de ses paroles et c'est alors que je reconnais son profil. Je crois sentir mon sang s'arrêter dans mes veines lorsqu'une autre fille la salue par son nom.

- Hey, Aïnoa ! Contente de te retrouver.

Je ne l'avais pas revue depuis les tests de classification et notre tragique bagarre, pour ma part indésirée. Je ne savais même pas qu'elle faisait partie des Alphas. L'idée que je puisse me retrouver au Palais avec elle me terrifie au sens le plus propre.

Nous sommes soumises à de nouveaux examens intellectuels, cette fois plus compliqués et plus précis que les derniers. Chacune d'entre nous passe ensuite une trentaine de minute en compagnie de photographes afin de faire les photos officielles, utilisées par les jurys et les médias du Cercle. D'ailleurs j'ai l'impression de passer cinq jours d'essai sous l'œil des caméras tant les chaînes de télés nous suivent au pas, espérant filmer de quoi rassasier les spectateurs.

Le dernier jour se solde par une interview très appuyée, en présence de la télé pour arranger mon cas bien évidemment. Mais cette fois ci j'ai préparé le coup à l'avance en m'exerçant avec Naomi et Tiago. Je sais que cette interview va être retransmise sur les chaînes et c'est pour cette raison que j'ai intérêt à leur montrer pourquoi je suis là.

Assise sur un fauteuil qui doit coûter aussi cher que mon appartement et dans un décor bien plus classe que la dernière fois je prends place face à deux journalistes et un membre du comité de sélections. La situation est bien plus aisante que la première interview, ce qui rend mon sourire un peu plus sincère.

Je suis surprise que les journalistes prennent la parole en premier ;

- Mlle Romero, qu'avez-vous pensé de ces dernières semaines de sélections ?

- Comment trouvez-vous vos concurrentes ?

Ces questions bénignes détendent l'atmosphère pendant une dizaine de minutes. Mais je devais m'attendre à ce que le représentant du comité, et par conséquent de la présidente, s'impose à un moment ou un autre.

- Nous avons cru comprendre que vous souhaitiez vous racheter auprès du Cercle, Ruby, pourriez vous nous dire pourquoi cette intention ?

Je prends une inspiration tout en me concentrant pour sourire :

- Vous savez, les gens et les opinions changent. Si j'ai pu réagir sous la mauvaise influence de ma première impression en déshonorant notre présidente, j'estime désormais que cette chance qui nous est donné par les créateurs du Cercle se doit d'être valorisée. Et je souhaite répandre mon opinion.

Un silence. Majestueux.

Le regard que me lance le représentant du comité fait tout son sens. J'ai renvoyé la balle dans le camp adverse. Il n'a rien a me répondre.

Les journalistes, tout en prenant des notes, poursuivent sur le sujet, qu'ils attendaient sans doute poliment pour lancer.

- À ce propos mademoiselle, il est clair que votre nom ressort sur les listes... ressentez vous une sorte d'intérêt soudain ?

Celui-ci est particulièrement vif depuis le départ et semble très intéressé par ce que je pense de tout ce qu'il se passe.

- Je dois avouer que je ne fais pas très attention à ce genre de choses, je me considère une candidate comme les autres.

J'espère esquiver la question avec ma modestie.

- Vous êtes pourtant l'une des candidates les plus médiatisées depuis le début de cette sélection, la présence d'autant de médias et de caméras vous inquiète-t-elle pour la suite au Palais ?

- Cette dernière semaine a été plus éprouvante en terme de caméras que les premières sélections mais je pense que ce n'est qu'une question d'habitude. On s'y fait assez vite.

Elle semble satisfaite de ma réponse car elle m'adresse un sourire radieux et compatissant. J'ai l'impression de voir Nadia en face de moi, d'autant plus que cette journaliste me pose des questions plus valorisantes. Elle me tend chaque fois la perche pour montrer que suis apte à continuer la compétition. Son apparent support me réconforte et je lui rends mon plus beau sourire de complicité.

Ces remarques confortant ma réputation ne peuvent que me faire sourire, car si je maintiens cette côte de popularité, je maintiens mes chances d'avancer dans la compétition en y attirant les spectateurs. Car sans eux, les médias ne gagnent plus rien.

- Merci pour vos réponses, Mlle Romero. Vous pouvez disposer.


Malgré le fait que Connor ne me parle plus et que je n'ai plus la moindre nouvelle d'Eva, je n'abandonne pas mes opérations de collecte d'informations. Car les convois aériens n'ont pas cessé depuis que j'ai tenté de m'y infiltrer et ces derniers jours, en les espionnant, j'ai pu comprendre que les marchandises entrantes et sortantes étaient acheminées vers la première zone à des heures régulières. En effet, si notre hypothèse est valide et qu'il n'y aucun tunnel reliant la zone Alpha aux zones voisines, les exportations et importations doivent se faire via l'Intervalle à des heures hors couvre-feu. J'ai pu repérer les arrivées de marchandises sortantes du Cercle, c'est à dire celles qui sont amenées en première zone pour que les avions les exportent, à des heures plutôt matinales. Il me reste à observer l'heure de sortie de la zone des camions qui déchargent les avions et emmènent les containers vers le reste du Cercle. J'ai même considéré une potentielle exportation direct vers les quartiers supérieurs voir vers la Matrice, car c'est vrai : il faut bien qu'eux aussi soient approvisionnés.

Voyant l'heure tardive, je range mes jumelles dans mon sac et quitte le toit du bâtiment qui me sert de mirador pour faire retour vers mon immeuble.

Je pousse la porte d'entrée et m'engage vers la cage d'escalier. Je sursaute lorsqu'Alison fait claquer la porte derrière moi en voulant la refermer.

- Oh, désolée Ruby, je ne voulais pas te faire peur...

Je reste incrédule. Il est presque quatre heures du matin, je n'avais jamais vu Alison déroger au couvre-feu et en plus elle était juste derrière moi mais je ne l'avais pas vue. Mais ce qui attire par dessus tout mon attention, c'est sa tenue. Elle est habillée d'une robe moulante courte cousue dans un tissu argenté pailleté avec des escarpins à talons haut, de longues boucles d'oreilles et une veste en fourrure quelle tient à son bras. Le genre de tenue qu'on mettrait pour sortir à une fête. Le hic c'est qu'il n'y a aucune fête dans le Cercle, sauf chez les supérieurs...

Elle à l'air embarrassée par la situation et ne trouve sans doute rien à dire pour la justifier, alors elle se contente de sourire avant de me doubler pour remonter les marches aussi vite que lui permet sa paire d'échasses.

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