26 juin 1982, 11 h 00
J'étais assise dans une obscurité totale. Une panique incontrôlable s'empara de moi. Je clignais mes paupières et agitais les mains. Pourquoi ne voyais-je rien ? L'horreur me gagna d'un coup ; j'étais aveugle.
Dans un élan d'urgence, je fis appel à mon double astral. Mon être se scinda en deux et je me retrouvai à côté de la personne que j'incarnais, assise là, plongée dans cette obscurité permanente. Devant moi se déroulait une cérémonie funèbre, où les murmures des prières s'harmonisaient avec les sanglots étouffés. Une symphonie d'émotions intenses emplissait l'église, dans une pénombre douce qui invitait au recueillement. Mes yeux errèrent parmi les visages attristés et les silhouettes voilées de noir. Au centre, un cercueil, orné d'une couronne de fleurs répandant un parfum aux senteurs de lys et de roses. Des bougies vacillantes dansaient au rythme de la brise légère qui s'immisçait par les vitraux colorés, apportant une lueur éphémère en cette période sombre du deuil.
Je m'approchai du cercueil et ressentis une profonde connexion avec l'âme qui s'était éteinte. Une tristesse s'empara de moi. Soudain, un murmure à côté du corps de la jeune aveugle attira mon attention. Je retournai près du banc pour l'écouter. C'était la voix d'une femme d'un âge avancé, vêtue de noir, les yeux gonflés de larmes. Ses traits ridés témoignaient de l'expérience et du fardeau des années qui avaient marqué sa vie.
— Ton père nous manquera, c'était un homme bon, murmura-t-elle d'une voix chargée d'émotion, dans la langue de Shakespeare.
Je réintègrai mon nouveau corps, cherchant à comprendre le lien qui les unissait. Mes facultés de perception s'éveillèrent, me permettant de plonger dans les profondeurs de son être. Les voiles de l'illusion se levèrent, et des images fugaces traversèrent mon esprit, révélant des fragments de souvenirs passés. Il s'agissait de sa grand-mère.
La cérémonie toucha à sa fin, les mots de clôture prononcés par le prêtre résonnèrent dans l'église. Un dernier adieu, empreint d'émotion et de respect. Maintenant, je sentais que les choses allaient se compliquer pour moi. Dans quelques minutes, je devrai faire face aux condoléances et accepter les marques de sympathie de ceux présents. Je n'étais ni prête, ni désireuse de vivre ce moment. En cet instant, mon unique désir était de m'échapper de cet endroit pour retrouver Gaius et Cassiope. Après notre combat contre Ethan, je redoutais qu'il leur soit arrivé quelque chose de grave.
Alors que je me levais du banc, je m'efforçais de trouver la force nécessaire pour faire face à la réalité qui m'attendait devant l'église. Mais avant même que je puisse faire un pas, une main s'agrippa à mon bras. J'eus un léger sursaut de surprise.
— Vous oubliez votre canne Mademoiselle Harris.
Cette voix grave était celle d'un homme de la trentaine. Il avait un ton calme et bienveillant. Je pris la canne qu'il me tendit et je suivis la grand-mère, me laissant guider à travers les rangées vides. Les pièces du puzzle s'assemblèrent lentement dans mon esprit, formant une image incomplète mais prometteuse. J'avais désormais un prénom, une grand-mère, et un père qui s'en était allé.
Ma canne m'aida à anticiper les obstacles, et mes sens de l'ouïe et du toucher étaient en alerte. Cette nouvelle réalité me frustrait profondément. Se déplacer dans un noir complet était une expérience éprouvante. Mon enveloppe charnelle allait constituer un obstacle dans ma vie quotidienne. J'allais constamment devoir faire appel à mon double astral et feindre de ne rien voir. Une mission qui s'annonçait difficile.
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Le Trio aux Mille Vies 🌙✨
על-טבעיRoman fantastique 🌙✨ À Arcanteriis, un monde éthéré lié aux Lunes Jumelles, l'Architecte convainc l'Ordre des Convergents d'utiliser un artefact pour déclencher une fissure dimensionnelle entre leur monde et la Terre, afin de les fusionner et de cr...