Chapitre 8 La poupée

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Après cette journée, Tristan et moi restâmes très complice. Anna ainsi que sa sœur Camille jouaient souvent avec nous. Nous formions un quatuor inséparable. Le jour de mes cinq ans, nous avions construit tous ensemble une petite cabane en bois. C'était un matin d'été ; il faisait très chaud...

Romain entra dans ma chambre les mains croisées dans le dos alors que je jouais. Mes parents le suivaient en souriant.

- Joyeux anniversaire Azy !, s'exclamèrent-ils en cœur.

Un grand sourire éclaira mon visage. Mes parents s'agenouillèrent près de moi tandis que mon frère me tendit une petite poupée blonde. Elle était vêtue d'une robe rose fleurie ainsi que d'un gilet violet. Sa tête était surmontée d'un chapeau violet avec des fleurs blanches, bleues, roses et violettes. Elle portait également un collant rose et de superbes chaussures à lacet. Je les remerciais plusieurs fois et nous fîmes un câlin collectif. J'étais vraiment contente de ce cadeau. J'abandonnais mes bonhommes en bâtons pour m'amuser avec ce nouveau présent. Je la gardais contre moi, heureuse. Je décidais de l'appeler Sophie et de ne jamais m'en séparer. Peu de temps après, Tristan, Anna et Camille vinrent chez moi. Ils me souhaitèrent tous un bon anniversaire et admirèrent ma poupée, époustouflés. Ensuite, nous jouâmes dans le jardin.

Après une longue partie de chat et de cache-cache, nous nous allongeâmes dans l'herbe essoufflés. Tristan était à mes côtés. Il me tendit son petit doigt en me regardant droit dans les yeux. Je le lui serrais. Une fine brise caressa mes cheveux.

- Promets-moi qu'on restera toujours ami, que quoiqu'il se passe on se soutiendra, que jamais on ne s'abandonnera, dit-il d'un ton sérieux que je ne lui connaissais pas.

Je répondis donc pour l'apaiser :

- Bien sûr, tu es mon meilleure ami Tristan.

Notre amitié était scellée par un serment enfantin. Il lâcha mon auriculaire et tourna son visage vers le ciel l'offrant aux rayons brulants du soleil. Ses yeux marrons prirent une teinte dorée magnifique. Je lui pris la main et adossais ma tête à son épaule où il déposa un baiser. Je reportais mon attention sur la voûte céleste. Les nuages faisaient une course lente et prenaient une forme différente à chaque fois qu'un coup de vent les ébranlait. Nous essayâmes, chacun notre tour, de deviner les images étranges que ces masses blanches créaient.

Ensuite, Patrick arriva avec des planches en bois et nous cria :

- Eh les enfants, vous venez m'aider à construire une cabane ?!

- Ce sera pour des pirates !?, proposa Tristan en se redressant intéressé.

- Oui si tu veux, rigola mon père.

- J'aurais le droit d'être la capitaine ?, demandais-je.

- Oui mais seulement aujourd'hui !, plaisanta Anna.

Nous nous levâmes tous et courûmes jusqu'à mon paternel. Nous allâmes devant le lac près de ma maison. Un grand chêne, dont les branches solides semblaient pouvoir tout soutenir, se trouvait être le pilier parfait pour notre construction. Patrick rassembla tous ses outils : clous, couteau, cordes, marteau, mètre, planches et scie. Nous nous plaçâmes autour de lui attentifs. Il mesura la circonférence du tronc à l'endroit où nous placerons le sol. Ensuite, il coupa les planches à la bonne longueur et les plaça en cercle pour que cela fasse une plateforme solide et résistante. Mon père les lia, les fixa, les cloua, avec notre aide. Nous attaquâmes les murs en effectuant la même manœuvre.

Alors que nous allions commencer le toit, une pluie lourde s'abattit sur le territoire. Nous nous réfugiâmes dans la maison.

- Quelle pluie !, s'exclama ma mère.

- Il faisait pourtant beau..., mon père hésita.

Un éclair monstrueux traversa le ciel dans une intonation démoniaque suivie par une lumière éblouissante. Un vent fort fit ployer violemment les cimes des arbres dont les branches tournoyaient avec une vélocité surprenante. Le tonnerre déchirait la voie lactée alors que le vent détruisait le monde d'en bas.

Les murs de notre cabane tremblaient brutalement : le vent semblait s'acharner dessus. Notre maison était dans le même état ; un vase pourtant en bois tomba au sol et éclata dans un bruit sonore. D'autres vaisselles subirent le même sort alors que les meubles imposants se renversaient.

- Courez à la cave et protégez-vous le visage !, cria mon père en nous faisant signe depuis le salon.

Nous le rejoignîmes en enserrant nos têtes de nos bras. Il ouvrit à la volée une porte et nous descendîmes précipitamment dans la sinistre cave. A l'intérieur de celle-ci nous entreposions la viande, les graines, et les bûches pour l'hiver. L'odeur de terre était très forte et la pièce humide. Nous nous regroupâmes trempés jusqu'aux os. On ressemblait à des naufragés. Camille pleurait bruyamment ; ma mère cherchait à la réconforter. C'était inutile, la jeune fille était terrifiée. J'étreignais ma poupée noyée par la pluie. Tristan et Anna patientaient, stoïques. Cette tempête ne semblait pas les effrayer.

Patrick alluma la radio du clan ; celle-ci ressemblait à un talkie-walkie et fonctionnait de la même manière. Il tourna la molette pour régler la fréquence. Lorsqu'il fut sur la bonne, la voix du chef Rozenn s'éleva :

- Chers Poissons ; les éclaireurs et moi-même vous demandons de rester confinés dans vos caves et de n'y sortir sous aucun prétexte. Une patrouille viendra chez vous quand la menace sera écartée. Normalement, vous avez tout ce qu'il vous faut pour tenir cinq semaines à l'intérieur. Si ce n'est pas le cas, nous vous recommandons de lancer une fusée de détresse au plus vite, nous ne savons combien de temps la tempête durera.

Une voix métallique remplaça celle de la dirigeante :

"Ce message sera diffusé toutes les heures à cette fréquence".

Patrick fit un feu, sortit un paquet de vêtements. Il nous tendit des habits secs et nous ordonna de nous changer. Tristan revêtit un pull et un pantalon beaucoup trop grands pour lui alors que nous tous avions des affaires à notre taille. Le garçon bâtit des bras en affichant un air amusé.

Les pleurs de Camille redoublèrent lorsqu'un long craquement retentit au-dessus de nous. Sa jumelle se précipita vers elle et la prit dans ses bras, elles tremblaient toutes les deux. Tristan se plaça près de moi. Rosa prépara du poisson tandis que Patrick cherchait les bols et Romain alimentait le feu. Nos regards se croisèrent, il prononça silencieusement : « Ça va aller. » Je hochais faiblement la tête.

Nous restâmes ainsi pendant une semaine et quatre jours. Cet épisode m'avait beaucoup marqué. De plus, nous ne finîmes jamais la cabane.

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