Nous avions maintenant onze ans et étions tous les quatre en CM2. Ce lundi, on se retrouvait tous devant la maison de pécheur abandonnée où nous passons le plus clair de notre temps avec Typeur. On pouvait aller seul à pied à l'école étant assez grands pour faire le trajet. J'entrais dans la cabane que nous avions trouvé à neuf ans avec Tristan. Nous avions poussé nos parents à vérifier l'état de l'étroite maison. Ceux-ci avaient avoué qu'elle était solide et sûre. De temps en temps ils venaient observer la charpente.
Tristan était assis dans le bateau. Mon père pensait que celui-ci avait été construit bien avant La Dérive. Mon jeune ami adorait s'installer à bord et se laisser bercer par les vagues de la mer. Au loin, l'eau salée s'étendait sur des kilomètres.
- Hey Azy, me salua Tristan.
- Salut mec.
Mon ami, avec le temps, avait perdu son visage enfantin. Il affichait maintenant un air plein de maturité. Typeur arriva vers moi la queue battante. Il me lécha les mains. Je ris, m'agenouillai et lui caressai la tête puis, lorsqu'il se retourna, le ventre.
- Je suis allé à la chasse avec mon père hier, annonça Tristan.
Je le regardais puis me redressais lentement.
- C'était bien ?
- Il y avait des éclaireurs dans la forêt..., il s'arrêta visiblement troublé.
Des larmes perlaient au coin de ses yeux. Je m'approchais de lui et posais une main réconfortante sur son épaule.
- Tristan que s'est-il passé ?
- Des étrangers avaient franchis notre frontière, c'était une famille : un père, une mère et..., il fixa un point au loin.
Je m'apprêtais à lui dire quelque chose mais il reprit :
- ...Et un cadavre ; le cadavre d'une petite fille.
J'écarquillais les yeux remplis d'horreur.
- Les parents étaient si maigre Azylis. Tu ne peux pas imaginer. Leurs os saillaient ; même sous leurs larges vêtements je voyais leurs côtes. Mon papa me cacha les yeux trop tard : j'ai vu les éclaireurs les abattre d'un coup de couteau dans le ventre. Ces personnes avaient été tuées parce qu'ils n'avaient pas respectés les limites et avaient volés un malheureux bout de pain dans la ferme de Roger qui est juste à côté de la frontière.
Il s'arrêta sous l'émotion ; une larme coula le long de sa joue, suivie d'une autre. J'enlaçais impuissante mon ami. La scène dont il avait été témoin était affreuse mais c'était la procédure. Tristan mit fin à notre étreinte.
- Le pire, c'est notre chef, elle était là, elle n'a rien dit, elle n'a pas bougé.
Il secoua la tête, révolté. Ses cheveux bruns se collèrent à ses joues humides.
- Tristan...écoute, ce sont les règles ; lorsqu'un membre d'un clan extérieur au notre franchi nos frontières il est enfermé et jugé mais s'il nous vole...il est exécuté sur le champ.
- Tu ne vas pas me dire que tu es d'accord avec ça ! Ces Lions avaient besoin d'aide !
- Je suis d'accord avec toi mais nous ne pouvons rien faire, les deux chefs doivent se parler.
Il opina, essuya ses yeux puis se releva. Typeur lui lécha la main, réconfortant. J'embrassais la joue de mon ami qui avait été profondément touché par cette situation. Il soupira et me sourit :
- Merci.
Ne sachant que répondre, je le pris furtivement dans mes bras. Nous sortîmes lancer un bâton au chien. Anna ainsi que Camille arrivèrent et nous partîmes vers l'école.
Alors que nous étions en contrôle de mathématiques, Rozenn entra dans notre classe. Tout le monde se leva. La chef avait attaché ses cheveux roux en chignon et portait une robe d'été rouge. Elle se plaça face à nous et déclara :
- A la fin de la journée, vous attendrez vos parents en classe, vous ne sortez pas seul. La maîtresse y veillera.
- D'accord, répondîmes tous en cœur en nous inclinant légèrement.
Une fois qu'elle fut partie nous reprîmes notre évaluation. J'effectuais mes multiplications posées avec difficulté et les problèmes étaient complexes mais similaires à ceux vu en cours. Lorsque l'interrogation fut terminée, Julie déclara :
- Vous vous demandez sans doute ce qui se passe. Hier, une famille Lion a franchi nos frontières et a volé du pain. Malheureusement, d'autres Lions ont été aperçus sur notre territoire. L'hypothèse d'une invasion est très probable. C'est pour cette raison, que vous devez rentrer avec vos parents ; surtout ceux qui ont l'habitude de partir seuls.
La journée se finit bien simplement. Nous étions vendredi et nous dormions (Tristan et moi) chez les jumelles (Anna et Camille). Avec les précédents événements, les plans de notre soirée avaient changé. Tristan et moi voulions absolument nous renseigner sur ce qu'il se passait chez les Lions. Or, le père d'Anna et Camille était un éclaireur. Il s'appelait Tao. Celui-ci vint bien sûr nous chercher mais ne s'attendait pas à notre requête. Bien évidemment, aucun de nous n'osait lui demander.
Je me jetais donc à l'eau quand nous nous assîmes à table pour goûter.
- Monsieur, nous aimerions beaucoup enquêter sur ce qui se passe, dis-je.
Il nous fixa tour à tour surpris puis suspicieux.
- Les enfants, je peux vous assurer que ce qui arrive en ce moment n'a rien d'un jeu.
- Nous voulons juste aider et nous renseigner, expliqua Tristan.
- Je comprends très bien, mais vous êtes trop jeunes pour aller sur le terrain et pour enquêter, justement. Tout ce que je peux vous dire c'est...
Il fut interrompu par le craquement sinistre d'une chaise qui s'était renversée. Je tournais vivement la tête et aperçus le corps de Camille étalé sur le sol dans une position macabre. Au même moment, Anna hurla et se précipita vers sa sœur. Tao bondit de sa chaise ainsi que Tristan. A l'inverse, je restais pétrifiée sur place, effarée. Un souffle glacé traversa la pièce. La famille criait le nom de la victime, la secouait. Le père de Camille tenta un massage cardiaque : il sembla durer une éternité. Le temps était suspendu, arrêté. Le seul rythme était les pressions ponctuée par des craquements que Tao effectuait sur le corps inerte de notre amie. Tristan se trouvait dans un état d'extrême agitation. Il faisait les cent pas en jurant et donnant des coups de pied dans tout ce qui croisait son passage. Il s'arrêta quand Tao se releva impuissant. Nous étions tous suspendus à ses lèvres.
- Elle est partie.
Anna pleura anéantie en serrant sa sœur immobile. Je ne voulais pas y croire mais le corps immobile de mon amie fit exploser la réalité.
Camille était morte d'une crise cardiaque.
Je sentis un torrent de larme couler sur mes joues. Je m'activais enfin ; me précipitais vers mon amie en l'appelant comme si je pensais qu'elle allait soudainement se réveiller. Tristan nous rejoignit les yeux rouges. On se serra les uns contre les autres en sanglotant, tenant désespérément le cadavre de Camille entre nous. On s'agrippait à la jeune défunte comme à une bouée de sauvetage. Tao était lui aussi dévasté.
Quand nos parents vinrent nous chercher, ils nous trouvèrent tous les trois ruisselant de larmes, enlacés autour de la petite Camille.
Tout était arrivé si vite.
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Le Zodiaque//Réécriture/
Science Fiction2032 Les continents entrent en collision tuant des milliards d'êtres humains. 2100 Tous les survivants vivent dans le Zodiaque : un endroit sûr et paisible où ils sont séparés en douze clans distincts représentant chacun un signe astrologique. Ch...