Chapitre 20 Dernière baignade

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3 années passèrent.

Nous avions maintenant 15 ans, mais aucun changement. Max était toujours aussi peureux et rêveur. Anna était Anna, une guerrière. Tristan se perfectionnait dans la sculpture, ses œuvres avaient un succès fou. Moi, je devais être la meilleure cavalière du clan. J'aimais travailler à la ferme avec mes parents. Mon frère s'était marié avec Suzanne une grande brune aux yeux noisette, adorable. La cérémonie s'était déroulée en juillet. Avant ce jour je n'avais jamais vu Romain aussi angoissé. Il suait à grosse goutte en triturant nerveusement ses doigts. Sa femme s'était avancée vers lui radieuse et j'avais crus qu'il allait s'évanouir. Après ce mariage parfait je l'avais taquiné pendant deux semaines et la seule chose qu'il répondit fut :

- Tu verras quand ce sera ton tour.

Depuis, j'avais la boule au ventre.

Un moustique se posa sur mon doigt en bourdonnant. Je le frappai avant qu'il ne me pique. Cet été était particulièrement chaud. Le soleil nous brûlait la peau en permanence.

Soudain, des mains mouillées et froides s'emparèrent de mes jambes. D'autres enserrèrent mes bras. Je tentais, en vain, de me débattre en voyant le bord du lac se rapprocher dangereusement. Avant que je ne puisse pousser un cri je tombai lourdement dans l'eau. Mes vêtements me collèrent à la peau. Rapidement je remontais à la surface et envoyais des trombes d'eau sur mes agresseurs en leur promettant qu'Anna viendrait les tuer. Tristan et mon frère éclatèrent de rire. Ma menace n'avait pas l'aire de les effrayer. Je me jetai sur mon ami pour le couler. Mon frère, cette montagne de muscle, ce n'était même pas la peine d'essayer. Tristan commençait aussi à avoir de la musculature mais j'arrivais encore à avoir, parfois, le dessus. Il chuta en m'entrainant. Le liquide bleu azur entra dans ma bouche. J'ouvris les yeux et croisai ceux rieurs du garçon, qui, desserrant son étreinte, nagea plus loin. Je me lançais aussitôt à sa poursuite. Arrivée à sa hauteur je l'éclaboussai de toute mes forces en rigolant.

Pour se venger il m'attrapa par la taille et, me soulevant dans les airs, me poussa dans l'eau. Mon rire se perdit dans les petites vaguelettes formées par ma chute. Le visage de Tristan était trouble, mais j'apercevais sans mal son sourire diabolique. Romain avait rejoint Suzanne qui bronzait dans l'herbe. Au loin, j'aperçus Max et Anna en short de coton et débardeur, la tenue que l'on mettait en général pour se baigner. Ils venaient vers nous en hurlant :

- Ne mourrez pas tout de suite attendez nous !

Anna vint d'un crawl puissant tandis que Max faisait une petite brasse. De temps en temps sa tête disparaissait, et, lorsqu'elle refaisait surface, il crachait et battait furieusement des cils. Nous lui avions promis de lui donner des cours de natation tous les jours après le lycée.

- Je n'en peux plus de cet abruti de Marcel. Il m'a encore donné des fleurs. Je lui ai attribué une gifle monumentale et méritée. Cela faisait trois jours que je me retenais de l'envoyer au grand hôpital, se plaignit Anna.

Elle avait toujours beaucoup de succès auprès des garçons. Il fallait croire que sont sale caractère plaisait.

- Je l'ai bien évidemment engueulée en lui rappelant que frapper son prochain c'est mal, râla Max.

Tristan et moi échangeâmes un regard amusé. Ces deux là étaient de parfaits opposés. Max représentait la douceur tandis qu'Anna incarnait la violence.

- Max une réprimande venant de toi n'a pas beaucoup d'effet. Vois-tu, tu ne fais pas très peur, répliqua cette dernière.

- On va voir ça. Monte sur les épaules de Tristan. Je vais sur celles d'Azy. On verra bien qui tombera en premier.

- Vous êtes des gamins, m'amusais-je.

Je hissais tant bien que mal Max sur mes épaules. Ce n'était pas facile. Le pauvre avait le vertige et gesticulait. Anna se tenait droite. Une lueur de défi éclairait son visage. Mon cavalier approcha ses mains vers elle en m'ordonnant d'avancer. Je m'exécutais en fixant Tristan. Il me fit un clin d'œil : le signal. Nous comptâmes silencieusement jusqu'à trois puis renversâmes nos amis. Les chevaux s'étaient rebellés. Nous reçûmes rapidement des gerbes d'eau furieuses. La seule façon d'y échapper était de plonger. Ce que nous fîmes.

Je profitais de cet instant de calme et de plénitude. Les rayons du soleil créaient de magnifiques couloirs sous-marins. Sous l'eau les bruits étaient étouffés. J'adorais rester là, la tête tournée vers la surface observant les remous silencieux. Quelques algues caressaient mes jambes et de petits poissons dorés passaient vivement. Je formais quelques bulles. Elles montèrent vers le ciel, gonflées d'air. C'était apaisant.

Je revins à l'air libre où mes amis faisaient une bataille de vague. Anna gagnait. Derrière eux la carcasse sombre de notre vieille cabane pendait lamentablement. Mes parents travaillaient dans les champs. Ils utilisaient une sorte de herse tirée par Lou pour tracer des sillons. Mon père était sur son dos et ma mère répartissait les graines de chou-fleur. Ma famille était chargée de cultiver ce légume. Chaque famille devait s'occuper d'un légume particulier. Je savais que les parents d'Anna plantaient des carottes. En même temps, ils essuyèrent leur front couvert de sueur. Je sortis me changer pour aller les aider. Je me séchai et revêtis un short bleu délavé et un tee-shirt blanc noirci par la terre. Je préparais notre deuxième jument : Lila, une Ardennaise à la robe marron clair. Elle me suivit docilement. Je l'attelais à la seconde herse et me mis en selle.

- Azy ! Attends on va t'aider !, proposèrent mes amis.

Trempés, ils s'emparèrent d'un sac de graines ; je lançai Lila au pas. Nous travaillâmes pendant trois heures. Le soleil se couchait déjà lorsque nous arrêtâmes. Il rependait sur l'horizon des traînées colorées.

Le Zodiaque//Réécriture/Où les histoires vivent. Découvrez maintenant