Le Zodiaque//Réécriture/

Chapitre 10 La pleine lune

La neige était toujours présente sur le territoire. Comme la classe était terminée, j'allais chez Tristan pour faire de la luge avec Anna et Camille. Ses parents marchaient à nos côtés. Nous passâmes devant les résidences l'"Aigle" et le "Coyote" puis la mienne. Une route traversait les champs pour rejoindre l'"Ours" le regroupement où vivait Tristan. Le paysage enseveli était splendide, fantastique. Anna avait ramené une super luge.

Derrière la maison de mon ami se trouvait une colline pentue. Nous montâmes durement ; nos pieds s'enfonçaient lourdement dans la neige. Arrivés en haut, nous rigolâmes lorsque que Camille tomba, le visage dans la neige.

- Ca va ?, m'inquiétais-je.

Elle hocha la tête en s'ébouriffant, faisant ainsi tomber des petites gouttes.

Nous la relevâmes et essuyâmes les flocons présents sur ses paupières, ses joues et ses cheveux. Anna posa la luge face à la pente et s'assit dessus. Je m'installais entre ses jambes. Nous fûmes poussées par Tristan et Camille. Nous glissâmes rapidement jusqu'en bas hurlant et riant aux éclats. Ce fut ensuite au tour de Tristan et Camille puis Tristan et moi, Camille et Anna et pour finir Tristan et Anna, Camille et moi. Nous jouâmes pendant une heure. Céline vint nous chercher car la nuit tombait.

Nous rentrâmes dans la maison de Tristan. A l'intérieur de sa chambre, trois petits matelas en paille avaient été déposés. Nous discutâmes pendant un moment de tout et de rien. Je passais un merveilleux moment avec eux. Nous jouâmes un peu avec des petites voitures en bois sur le circuit enfantin que Tristan avait gardé. Sur une étagère, mon ami adorait placer ses confections : des figurines en bois sculpté. J'en regardais une attentivement pendant qu'Anna et Camille mimaient des animaux. Tristan s'approcha de moi. Il s'empara tendrement de la création, que je tenais entre mes doigts, m'effleurant au passage. L'animal représenté était un éléphant. Il fit tourner la bête immobile.

- Je l'ai fabriquée lundi dernier après notre cours sur les animaux sauvages. Lorsque la maîtresse nous a présenté une photo, j'ai été immédiatement inspiré. Cet animal reflète la sagesse, la force et la bienveillance. Conquis par ses formes et son caractère j'ai décidé d'en faire une figurine. Je ne regrette pas le résultat.

En effet, il avait de quoi en être fier. Les courbes de l'éléphant était parfaitement représentée.

- C'est magnifique. Tu as du talent !, le félicitais-je.

Anna et Camille, qui avaient arrêté de jouer acquiescèrent.

- Elle a raison ! C'est splendide ! Bravo !, renchérit Camille.

- Extraordinaire même !, exagéra Anna en souriant. Toutes tes figurines sont exceptionnelles mon pote. Tu feras un merveilleux artisan.

Nous rigolâmes de bon cœur. Fabrice, le père de Tristan entra dans la chambre et nous annonça :

- Ce soir c'est la pleine lune ; un évènement important pour les enfants de votre âge.

- Pourquoi ?, interrogea Camille.

- Parce que, pour la première fois, vous aller assister au regroupement lunaire.

- Qu'est-ce ?, demandais-je perplexe.

- Le regroupement lunaire est une tradition dans notre clan. La vieille chamane Elizéa Poisson a été appris de son prédécesseur l'instauration du Zodiaque. C'est la plus âgée de nous tous. Tous les soirs de pleine lune elle nous conte des anecdotes sur la vie avant « La Dérive » que nous nous rappelons toujours cette période. Son apprentie Elisabeth prendra sa place lorsqu'elle sera décédée. Vous avez atteint l'âge propice pour assister à cet évènement. Allé, habillez-vous chaudement. Vos parents nous rejoindrons là-bas.

Nous hochâmes la tête et revêtîmes des gros manteaux de fourrure. Ensuite, nous quittâmes la maison une torche à la main. Une longue traînée lumineuse avançait sur les petites routes étroites. Presque tout le clan du Poisson marchait vers l'amphithéâtre. A l'appel il ne devait manquer que les familles ayant des enfants en bas âge. La lune était magnifique et brillait tel un phare dans la nuit.

Nous nous assîmes sur les marches de l'amphithéâtre les plus proches de la scène. Au-devant de celles-ci, devait s'installer les enfants pour qui c'est la première fois et les personnes âgés qui ne peuvent monter plus haut.

J'étais assise entre Tristan et Camille. Le silence se fit dans l'assemblée quand une dame aux longs cheveux blancs éclatants entra le dos voûté, les épaules rentrées, le pas lent, sur l'estrade. Elle se plaça sur des coussins. A côté d'elle, Rozenn attendait patiemment. Elizéa demanda l'attention et commença son récit. J'étais attentive, retenant mon souffle à chacun de ses mots.

- Imaginez-vous des milliers de routes en goudron similaires à celles qui nous relient au grand hôpital. Sur ces axes routiers, des centaines de voitures roulent en permanence, klaxonnent : un bruit assourdissant, aigue, très désagréable. Ajoutez à cela l'odeur immonde qui sort des pots d'échappement et vient se mêler à l'air déjà polluée. Vous devez sortir de chez vous avec un masque qui recouvre votre bouche et votre nez pour éviter d'attraper une maladie respiratoire.

Vous êtes au chômage, vivant dans la misère, mal nourri, mal vêtu, mal dans votre peau, mal vu, mal soigné, mal logé. Votre maison est faite avec des matériaux de récupération d'une mauvaise qualité. Votre toit vous tombe sur la tête ? C'est devenu une habitude. Chaque jour, des mendiants vous demandent de l'argent, mais vous n'avez rien. Les rues grouillent de personnes, vous ne pouvez pas faire un pas sans effleurer, toucher, bousculer ou renverser quelqu'un.

Les souffrances de votre pays vous tombent sur les épaules ; les dirigeants ne peuvent plus rien faire, la nature reprend ses droits. Vous avez toujours vécu dans la modernité et vous vous retrouvez seul, dans une situation déplorable : votre patron vous a viré ; trop d'employer. Le malheureux choix est tombé sur vous. Vous avez abandonné votre appartement confortable, vos objets électroniques auxquels vous tenez tant car sans eux vous ne savez pas vous débrouiller :

Comment savoir où se trouve la poste sans GPS ?

Comment parler à vos amis sans les messages ou les appels ?

Comment vous divertir et faire passer le temps sans YouTube ?

Comment communiquer avec les gens sans les réseaux sociaux ?

Comment calculer vos dépenses sans la calculatrice ?

Comment vous renseigner sans Google ?

Comment écrire sans Word ?

Mais dans cette misère, vous n'êtes pas seul, un nourrisson vous accompagne. Et au milieu de tout cela, aucune végétation n'est voyante. La ville a détruit les forêts pour construire des immeubles, il n'y a plus de parcs, plus de bosquets, plus de pots de fleurs. Même à la campagne la surface verdoyante est restreinte. De la fumée s'échappe des fermes et des usines qui brise la couche atmosphérique. Dans votre assiette, si vous avez la chance d'en avoir une, vous ne verrez qu'une pastille. Celle-ci reproduit les goûts des aliments anciens qu'on ne peut plus produire : les animaux étant trop malades et d'un mauvais goût ; les arbres fruitiers ayant pratiquement disparus.

Des millions de personnes sont mortes autour de vous. Certaines d'une maladie, d'autres d'une sous-alimentation, un meurtre par-ci un suicide par-là : les causes sont nombreuses. La Terre a dit stop, s'est révoltée, exterminant la quasi-totalité des êtres humains. Nous, nous nous devons de préserver la nature en ne reproduisant pas les erreurs de nos ancêtres.

*

Le rassemblement lunaire fut merveilleux et très instructif. J'avais vraiment hâte d'y retourner.