Les jours se succédaient monotonement. J'étais prise dans une routine quotidienne, mais heureusement Tristan me sortait souvent de cette boucle infernale. Après la classe, nous allions ensemble nous promener dans le clan avec mon grand frère et Typeur.
D'ailleurs, j'avais appris à reconnaître les empreintes des animaux de la forêt, à compter jusqu'à dix, à écrire les trois premières lettres de l'alphabet. Cela faisait déjà quatre mois que j'étais rentrée à l'école.
Je marchais tranquillement en direction de l'école aux côtés de mon père et de mon frère. Tristan m'attendait souvent devant la porte. Le garçon vivait avec ses parents biologiques alors que j'avais été adoptée. Ma marque du destin ne correspondait pas à celle de mes géniteurs. D'eux il ne me restait qu'un petit bracelet en cuir que je portais bébé. En dépit de ce que Tristan croyait, je n'étais pas triste d'ignorer l'identité de mes parents biologiques. Rosa et Patrick me suffisaient.
- Coucou Azylis, me salua mon ami joyeux.
- Coucou Tristan.
Nous entrâmes en classe en discutant ; laissant nos parents sur le pas de la porte. Nous nous assîmes ensuite à notre place ; nous étions à côtés et pouvons donc parler lorsque les dires de la maîtresse devenaient ennuyeux. La petite salle de classe sentait le bois verni. Les murs recouverts de dessins et de cartes nous baignaient dans une ambiance nostalgique et enfantine. Au fond une dînette nous attendait sagement. Nous étudiâmes longuement les animaux et les formes géométriques à l'aide de cubes en bois.
Alors que Tristan et moi jouions au ballon dans la cour, une petite fille assise seule sur un muret en pierre attira mon attention. Nous nous approchâmes doucement d'elle. La fillette sanglotait la tête entre les bras ; ses jambes étaient ramenées contre sa poitrine. Je posais une main réconfortante sur son épaule. Elle nous regarda troublée et essuya ses larmes en reniflant.
- Arrête de pleurnicher ; on dirait un bébé !, dit Tristan.
La jeune fille se remit à pleurer. J'attribuais un coup de coude accompagné d'un regard noir à mon ami. En réponse, il haussa les épaules et soupira ne comprenant pas sa bêtise.
- Je m'appelle Azylis et toi ?, repris-je avec un ton doux qui se voulait apaisant.
Un léger sourire rassurant éclairait mon visage ; je tendis ma main vers elle. Elle la saisit timidement et répondit :
- Je suis Anna.
Je l'aidais à se relever. Nous marchâmes un moment toutes les deux. Tristan nous suivait en silence tenant son ballon. Il le lançait en l'air puis le rattrapait nonchalant. Nous passâmes devant un groupe de fillettes en robe installées dans l'herbe. L'une d'elle, une fille aux cheveux noirs tressés s'approcha de nous sous les rires moqueurs des autres. Ses yeux noirs étaient humides et rouges comme si elle les avait frottés avec acharnement. Elle prit Anna dans ses bras en murmurant :
- Elles ne sont pas gentilles, elles disent beaucoup de choses horribles sur papa.
Les deux jumelles au physique pourtant si différent s'enlacèrent alors que les autres gloussaient pleine de mépris. Les deux sœurs semblaient former une seule et même personne tant elle se serrait avec désespoir et tristesse. Tristan et moi échangeâmes un regard d'accord. Il jeta vivement son ballon sur le groupe de gamine qui piaillèrent d'une manière fort désagréable. Je donnais à chacune un violent coup de pied au tibia.
- Si vous les embêtez encore, vous aurez affaire à nous, déclarais-je avec mépris.
Tristan me tapa dans la main, satisfait. Nous retournâmes tranquillement en classe, ignorant les plaintes du groupe de fille. Anna et sa sœur Camille avançaient dans notre sillage. Malheureusement, la maîtresse nous attendait furieuse.
- J'ai tout vu, annonça-t-elle en croisant les bras, mécontente.
Mon ami et moi baissâmes la tête, honteux. Mais, nous étions intérieurement fiers de notre geste.
- Vous resterez au coin durant les deux prochaines récréations.
- Oh non !, nous nous exclamâmes en cœur, déçus.
Sans mot, Julie fit entrer les élèves. La journée fut très longue. Punis, nous ne pûmes sortir dehors. A la place, nous regardions le mur en discutant tout bas. La maîtresse nous surveillait du coin de l'œil. En tout cas, mon ami connaissait énormément de choses. Son père lui en apprenait tellement ! A chaque fois, j'étais subjuguée par ses connaissances. Nous parlâmes de tout et de rien jusqu'à ce que nos camarades arrivent. Anna et Camille vinrent nous voir.
- On est désolée.
- Ce n'est pas grave. Ce n'est pas de votre faute : ces filles sont des bébés cadum, assura Tristan.
Rosa et Fabrice, le père de Tristan, arrivèrent et crièrent nos prénoms. Mon ami et moi on se retourna vivement. Ma mère m'entraîna brusquement à l'extérieur. Elle s'accroupit ; nos regards se croisèrent. Délicatement, elle posa ses paumes sur mes joues encadrant mon visage.
- Pourquoi as-tu frappé ces petites filles Azylis ?
- Elles ont été méchantes avec Anna et Camille, me justifiais-je.
- Ce n'est pas une raison ma puce. Allé, on rentre. Demain il n'y a pas école ; nous aurons le temps d'en parler avec ton père.
Je me retournais pour dire au revoir à Tristan. Mon ami était introuvable. Nous marchâmes longtemps entre les champs. Nous passâmes devant plusieurs cabanes, toutes réunies autour d'un petit lac. Chaque regroupement avait un nom ; je vivais à celui du : " Loup ". Tristan habitait à côté, dans l' " Ours ". Je plissai les yeux dans la direction de sa maison pour tenter, en vain, de l'apercevoir.
Ma maman poussa la porte de notre habitation et attendit que je la dépasse. Elle me servit un quart de pomme pour mon goûter et emballa le reste pour mon frère. Lorsque j'eus fini, je sortis en courant rejoindre mon père à l'étable. Il traitait les vaches, tirant sur les pis pour extraire le lait d'une odeur exquise. Je m'assis sur une botte de paille et le regardais travailler ; j'adorais ça. Celui-ci effectuait le mouvement d'une main expertes les traits tirés par la concentration. Son assistant, Jean, empilait les pots dans la calèche. Ce soir, ils les livrerait au chef. Une fois que Patrick eut terminé, Jean attela les chevaux de trait puis roula vers la grotte de ravitaillement. Sur la cinquantaine des pots, il ne nous en restait que deux ; et ce chaque jour.
Quand la calèche fut assez loin, mon père reporta alors toute son attention sur moi.
- On fait un tour sur Gabrielle ?, me demanda-t-il en souriant. Il connaissait déjà la réponse.
- Bien sûr !, m'exclamais-je.
Gabrielle était une magnifique jument alezane. Tous les vendredis, je montais sur son dos. Emplie de joie je me dirigeais vers les écuries. Arrivée devant le box du cheval, papa me porta à la hauteur de l'animal. Je lui caressais tendrement l'encolure et les oreilles. Un éclat de rire m'échappa quand elle posa ses narines humides sur mon visage en soupirant. J'entrais dans son box avec des brosses en poils de sanglier. Je les passais une par une sur son corps dans un ordre précis. Une fois le pansage terminé, mon père plaça sur le dos de Gabrielle un épais tapis en laine puis une selle en cuir et un filet.
Ensuite, il me hissa sur la jument. Je pris les reines et guidais le cheval dans le pré. Néanmoins, je ressentais de la tristesse en fixant la place vide à côté de mon père où Tristan aurait dû se tenir. Ses parents, sans doute furieux, avaient refusés de l'emmener chez moi. Une fois la séance finie, nous dessellâmes Gabrielle, la nourrîmes puis partîmes nous amuser dans la forêt.
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Le Zodiaque//Réécriture/
Ciencia Ficción2032 Les continents entrent en collision tuant des milliards d'êtres humains. 2100 Tous les survivants vivent dans le Zodiaque : un endroit sûr et paisible où ils sont séparés en douze clans distincts représentant chacun un signe astrologique. Ch...