Chapitre 21 Premier incendie

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Je galopais dans les champs asséchés par le manque d'eau. Toutes les plantations du clan Poisson étaient immangeables, bonnes à jeter. Les graines, que nous avions plantées, ne pouvaient pas se développer correctement. La terre formait de grandes crevasses. Petit à petit elle périssait. Le niveau des lacs baissait à une vitesse inquiétante. Parfois, sur les bords, on pouvait apercevoir les cadavres de poissons. L'ombre des nuages et des arbres ne parvenait pas à rafraîchir l'air brûlant qui balayait mes cheveux. Les premiers jours d'août s'étaient pourtant normalement déroulés. Il faisait chaud, certes, mais nous pouvions encore nous baigner. Il avait même plu. Puis, sans raison, la température avait augmenté. Le soleil tapait de plus en plus fort sans aucun remord. Le seul moyen pour se protéger de ses rayons destructeurs était de s'enfermer chez soi, et de bouger le moins possible. Au moindre effort la sueur coulait à flot.

Lorsque j'arrivais à proximité de la maison de Tristan, je repassai au trot. Il m'attendait avec Typeur. Je le saluais et sautai sur le sol poussiéreux. Son fidèle compagnon me fit la fête en battant joyeusement de la queue. Ses poils, d'habitude si soyeux, étaient rêches. Il avait également beaucoup maigri. Au regroupement de l'« Ours » la situation était vraiment critique. De leur lac il ne restait qu'une flaque et leurs champs étaient lamentables. Les maïs, normalement mûres à cette période de l'année, avaient complètement grillés. Leurs feuilles sèches pendaient le long des fines tiges dorées. Le visage de mon ami était creusé par la soif. Je lui tendis les deux bouteilles remplies que j'avais apporté. Il but goulument. J'attachais Lou et nous nous assîmes. Je lançais une balle au chien et dis :

- Demain je reviendrais avec d'autres bouteilles.

Il esquissa un sourire sans joie et fixa tristement un point au loin. D'un geste incontrôlé, je caressais tendrement sa joue et replaçais de mes doigts une mèche folle derrière son oreille. Il prit ma main et appuya sa tête dessus.

- On va s'en sortir, assurais-je faiblement.

Ses lèvres craquelées effleurèrent ma joue. Je le serrais aussitôt dans mes bras. Sa tête se posa contre mon épaule.

- Merci, murmura-t-il. Tu ferais mieux d'y aller. Ta famille a besoin de toi.

- La tienne aussi.

Je remontais et rentrais. Les habitants du « Loup » se regroupaient inquiets. Je descendis de cheval.

- Nous allons devoir rationner l'eau, déclara mon père à l'assemblé.

Des protestations s'élevèrent.

- Ecoutez, nous n'avons pas le choix. Nous ignorons quand sera la prochaine pluie, et l'hiver est dans plusieurs mois. Si nous ne rationnons pas nous, mourrons de soif.

Je me dirigeai vers l'étable et mis ma jument dans son box. Je la dessellais et la cajolais avant de rejoindre les adultes déchaînés. Mon frère vint à ma rencontre.

- Comment va Tristan ?

- Mal.

- Rozenn a demandé aux éclaireurs de faire des distributions d'eau à ceux qui en manque.

- C'est une bonne nouvelle.

Je soupirais légèrement soulagée. Au moins notre chef cherche des solutions. J'allais aider ma mère à éplucher les pommes de terre. Alors que je finissais la dernière, un aboiement de détresse retentit. Par la fenêtre je vis Typeur courir rapidement vers nous. Il était dans tous ses états.

Au loin, de la fumée grise s'élevait. Elle venait de l'« Ours ». Une odeur de brûlé nous parvint. « Tristan !, pensais-je. » Aussitôt, je m'élançais suivie par mon frère et d'autres hommes. Un feu immense ravageait les maïs secs. Les flammes mortelles se propageaient vélocement. La maison de Tristan était touchée. Le bois flambait dans un grincement sinistre. Des paysans tentaient, en vain, d'entrer dans la maison d'où des appels au secours s'élevaient. Une poutre enflammée bouchait l'entrée. J'hurlais le nom de mon ami. Alors que je m'élançai vers la cabane. Mon frère me retint.

- Tu es folle !!

J'essayais de me débattre.

- Lâche-moi ! Mon meilleur ami est là-dedans ! Je ne le laisserais pas mourir !

- Azy calme-toi ! Des hommes sont partis chercher de l'eau pour éteindre l'incendie. Nous devons les attendre.

- Tristan !!!

J'assenai à mon frère un violent coup de pied dans ses parties intimes. Il lâcha un juron et desserra son étreinte. J'en profitais pour me dégager. Je soulevai le drap d'une fenêtre et entrai précipitamment. Après avoir pris une grande inspiration j'arrêtais de respirer. Il ne fallait surtout pas inhaler la fumée mortelle et dense qui me piquait les yeux. Un désordre monstre régnait. Les cris venaient de l'étage. En évitant les marches consumées je parvins au premier palier. La chaleur était insoutenable. Une douleur, due au manque d'air, germa dans ma poitrine. Je poussai violemment la porte de la chambre de mon ami. Il était étendu sur le sol, protégeant des planches enflammées sa mère inconsciente. C'est lui qui hurlait. Nos regards se croisèrent. Je pris Céline dans mes bras. Elle ne pesait rien. Ses os saillaient. Tristan se leva avec peine. Ses vêtements étaient troués et calcinés. Son père arriva, affolé, tâché de cendres. Il passa en toussant un bras autour des épaules de son fils pour le soutenir. Nous sortîmes vivement de la cabane. Je sursautais à chaque fois qu'une planche tombait près de nous.

Dehors, je pus enfin inspirer. La forte douleur à ma poitrine diminua au fur et à mesure que je respirais. Des médecins nous firent monter dans une calèche. Mon ami fut allongé sur des draps blancs avec sa mère. Le trajet jusqu'à l'hôpital fut très bref. Les professionnels discutaient entre eux mais je ne parvenais pas à entendre. Ma tête me faisait mal. Un voile sombre tomba devant mes yeux et je m'évanouis.


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