Chapitre 32 Oasis

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Nous préparions le départ. Les chefs avaient décidé qu'il était temps, après deux semaines, de partir. Pas loin, Tristan repliait une tente. Je m'approchais.

- Salut, dis-je doucement.

Il me répondit sur un ton détaché et froid.

- Salut.

- Tristan, depuis quelques temps tu te comportes bizarrement. Que se passe-t-il ?

- Rien.

- Tu es sûr ? Tu sais que tu peux tout me dire.

Il réagit violemment.

- Je te dis qu'il n'y a rien !

Il soupira. Je voulus poser ma main sur son épaule mais il se dégagea brusquement. Ses yeux lançaient des éclairs.

- Ne me touche pas.

Je le regardai, effarée. Il fixa le pendentif de Yann et tourna la tête, dégoûté. Un muscle se crispa sur sa joue quand je prononçais son prénom, suppliante. Il n'ajouta rien. Mon cœur se déchira dans ma poitrine. Les larmes menaçaient de couler mais je les retins. Je ne lui montrerais pas à quel point sa réaction me brisait.

- Très bien. Je te laisse.

Une boule bloquait ma gorge. Avant que mes émotions ne me submergent, je m'éloignais rapidement de lui.

- Ma petite Azylis tu tombes à pic. Peux-tu m'aider à ranger les médicaments s'il te plaît ?, me demanda Paul Stewson.

J'acquiesçais.

- Merci beaucoup. Tu es la seule qui accepte de m'aider. Toute à l'heure j'ai croisé Anna et Aurore. Quand je leur ai proposé elles ont tout de suite refusé. J'ai voulu leur expliquer qu'il était important d'aider ses ainés mais elles ne m'ont pas écouté.

J'esquissais un faible sourire en imaginant la scène.

- Tu savais que la drépanocytose est une maladie du sang génétique. J'ai lu ça dans un livre médical d'avant la Dérive. Elle touche l'hémoglobine des globules rouges qui sont des cellules sanguines. Cela entraîne la déformation des globules rouges qui vont avoir une forme de faucille. Elles vont créer, dans les petits vaisseaux sanguins, des occlusions. Ceci va altérer la circulation du sang. Il n'arrivera pas correctement au niveau des organes. Les malades ressentent, en général, des douleurs fréquentes et intenses. Il peut également y avoir des complications au niveau du cerveau, des poumons ou des reins. Elle peut provoquer des arrêts cardiaques, des AVC...

Je ne l'écoutais qu'à moitié plaçant mécaniquement les sérums dans les grands sacs de toile.

- Nous ne savons pas encore comment soigner cette maladie. En général, nous mettons les patients sous traitement et nous attendons. Dans ma vie, je n'ai eu que deux cas pour le moment et ils sont tous les deux morts. Quoique...Je me rappelle d'une enfant Poisson qui avait fait une crise cardiaque. C'était il y a quelques années. Elle était jeune.

Ses paroles me ramenèrent à une époque triste. Il parlait de Camille. Il n'y avait pas de doute. Mon amie était morte brusquement, sans que personne ne sache pourquoi. Elle n'avait pas beaucoup de problèmes de santé si ce n'était qu'elle enchaînait les malaises. Alors que j'allais l'interroger pour en savoir d'avantage, la tête de Max apparut à l'entrée de la tente.

- Azy tes parents te cherchent. Nous allons partir.

J'hésitais ne voulant pas laisser Paul.

- Vas-y petite. Rejoins ta famille.

Je le saluais.

- Ah ma puce tu es là !

Ma mère me serra dans ses bras.

- Viens. Rozenn veut nous parler.

Nous nous dirigeâmes vers l'ancien emplacement de la tente des Poissons.

- Chers Poissons, nous ne pouvons plus nous permettre de différencier les clans. Pour survivre, nous devons fonder un seul et même groupe. Je vous demande d'être solidaire avec les autres. Nous faisons partie de la même espèce. Nous devons nous entraider pour survivre. Je sais que ce ne sera pas simple car nous avons toujours vécu séparé, mais nous devons essayer.

Personne n'osa la contredire. Elle avait raison. Nous ne pouvions transporter une douzaine de tentes immenses, chasser chacun pour son clan, séparer les tentes médicales afin que deux patients de clans opposés ne se croisent pas.

- Bien. Maintenant que tout ceci est bien claire. Je peux vous exposer ce qui nous attend. La suite du parcours sera longue et pénible. J'ai envoyé des éclaireurs et les nouvelles sont mauvaises.

Elle pointa du doigt la forêt.

- Derrière, un immense désert nous attend. Je ne vous cache pas que la faim, la soif, la chaleur et la fatigue seront nos seules compagnes. Mais nous devons nous accrocher ! Rejoignez les autres clans. Nous partons.

Rozenn avait vu juste.

Je ne comprenais pas comment on pouvait passer d'une forêt à un désert. Depuis la Dérive le monde était sans-dessus-dessous.

Le soleil tapait violemment dans un ciel sans nuages. Ses rayons puissants et aveuglants rendaient l'air étouffant. Le paysage était aride, aucune végétation. Des dunes de sable brûlant étaient l'unique relief. Les grains tournoyaient sous de rares bourrasques de vent chaud. Parfois, ils pénétraient dans nos vêtements provoquant des grattements désagréables. Ils entraient aussi dans nos chaussures, nous donnant l'impression de marcher sur des graviers ardents. Souvent, nous croisions des carcasses d'animaux inconnus. La sueur trempait nos vêtements. Chaque pas était une épreuve. Nous nous trainâmes ainsi pendant plus de quatre jours, faisant régulièrement des pauses.

Mes yeux me piquaient, ma peau était asséchée, mes habits sales et déchirés. Ma jambe, quoique guérie, me lançait quelques fois. Alphonso progressait difficilement, ses béquilles s'enfonçaient dans le sable meurtrier. Max avait du mal à respirer. Ses joues rouges poussaient de longs soupirs. Yann ne me quittait plus. Il me racontait son enfance. Entendre sa voix me motivait à avancer. Anna et Aurore, main dans la main, fixaient un point droit devant elle. Mon regard à moi se perdait dans les cheveux bruns de Tristan qui remontaient le troupeau sombre que nous formions. Il ne m'avait pas adressé un mot depuis ces quatre interminables jours. Il me manquait. Nous étions tous dans un état lamentable.

Soudain, des cris de joie s'élevèrent. Au loin, une petite étendue d'eau protégée par de haut palmiers nous attendait.

L'eau coula entre mes doigts meurtris. Le liquide rafraîchit mon corps. J'y plongeai mes bras et mon visage. Nous mangeâmes puis nous reposâmes. J'observais les gens autour de moi. Leur soulagement se lisait sur leur visage. Cet endroit, que Romain appelait une oasis, était, pour nous, le paradis au milieu de cet Enfer torride. En face de cette dernière, d'immenses montagnes sableuses et rocheuses marquaient la fin de notre supplice. Je fermais les yeux et laissai mes pensées imaginer un lieu froid, paisible et sans sable.

Le Zodiaque//Réécriture/Où les histoires vivent. Découvrez maintenant