Un bruit horrible me réveilla. De lourdes gouttes tombaient. De nouveau, il pleuvait. Je secouais mes amis. Leurs visages fatigués se figèrent d'horreur en entendant la pluie. Nous nous précipitâmes à la fenêtre. Le niveau de l'eau avait monté. Le cauchemar était de retour. Rozenn tenta de calmer le flot de panique :
- Le château est assez haut pour que l'eau ne nous atteigne pas. Nous sommes en sécurité ici, ne vous en faites pas. Je vais rejoindre les autres chefs. Mangez tranquillement votre petit-déjeuner.
Elle sortit. Tristan passa une main dans ses cheveux, inquiet.
- Je me demande comment tout cela va finir, dit-il.
- J'ai peur, avoua Max.
- La prochaine barque enflammée sera pour nous les copains.
- Ne dis pas de bêtises Anna. Nous allons nous en sortir. Je reviens, je vais voir comment va mon frère, annonçais-je.
- Tu veux que je t'accompagnes ?, demanda Tristan.
- Laisse-la respirer un peu le super héros, répondit Anna.
Mon ami leva les yeux au ciel. Je lançais à la jeune fille un sourire reconnaissant. Elle savait que j'avais besoin d'être seule. Mes pas résonnaient dans les escaliers. Je détestais entendre cette averse diabolique. Elle détruisait nos vies, emportant tout ce que nous avions.
- Tu en veux plus c'est ça ?! Avoir pris ma maison ne te suffit pas !? Tu veux ma vie !?
Pour toute réponse, la pluie battit plus fort sur les carreaux. Enervée, je donnai un violent coup de pied à une des tapisseries médiévales. Prise d'une rage incontrôlée, je me déchaînai, tapant des poings et grognant. La pauvre tapisserie crachait de la poussière. Une vieille dame passa dans le couloir en me dévisageant. Ensuite, j'entrai, calmée, dans le salon. M'être défoulée m'avait fait du bien. Romain et Suzanne mangeaient du pain. Ils avaient une sale tête. Leurs cheveux emmêlés étaient gras, des cernes violettes soulignaient leur regard fatigué et anéanti. Leurs traits seront à jamais marqués par la perte de leur enfant qui était une fille.
- Salut sœurette.
- Coucou. Je suis venu prendre de vos nouvelles.
- C'est sympa ma puce. Suzanne se remet tranquillement. Le médecin est autant aux petits soins que moi.
Je pris la main de sa femme. Aucun mot ne serait assez fort pour panser leur blessure. Elle sera éternelle, marquant chacun de leur geste, chacune de leurs paroles. Je les embrassai tous les deux et retournai au dortoir où Rozenn résumait sa brève réunion :
- Aucune décision n'est prise pour le moment. Nous attendons de voir comment les choses évolues.
Une semaine.
La plus longue.
L'eau n'était qu'à quelques mètres du sommet de la colline.
Une semaine et la pluie avait encore une fois cessée. Pour fêter ce brusque arrêt, les chefs décidèrent d'organiser un immense pique-nique. Dès l'aube, on s'activait, étendant des draps sur le sol encore humide, réunissant les couverts et les aliments pour le repas. Je coupai et épluchai des carottes en rondelle avec Max. Nous les mettions dans de vastes saladiers. Tristan faisait cuire un poulet au-dessus d'un feu. Anna en déplumait un en compagnie d'Aurore. Alphonso remplissait des carafes en terre cuite. Yann affutait les couteaux. Ses muscles étaient visibles sous son tee-shirt. Il me fit un clin d'œil. Je détournais le regard, gênée.
- Il te plaît n'est-ce pas ?, chuchota Max.
Je rougis et bafouillai :
- Heuu...non...non, pourquoi tu dis ça ?
- Si tu voyais comment tu le dévores des yeux !
Je lui donnais un coup de coude.
- N'importe quoi !
- Ne t'inquiète pas, il te regarde de la même manière.
Je ne pus retenir un sourire content. Yann était beau, drôle et gentil. On s'entendait bien et on partageait la même passion pour les chevaux. Je ne savais pas s'il me plaisait vraiment, mais une chose était sûre, il me faisait de l'effet. J'enfouis mon visage dans mes mains comme pour étouffer ces révélations embarrassantes.
- Fais attention, il y en a un que ça dérange.
- Qui ?, demandais-je intriguée.
Il tourna la tête vers Tristan. Ses yeux croisèrent les miens.
- Pff n'importe quoi !
Max haussa les épaules.
- Je ne fais que dire ce que je pense. Peut-être que je me trompe.
Les paroles de Max me troublèrent. Tristan ? Jaloux ? Le visage assombris par la fumée ce dernier tournait le poulet empalé sur un pic. Les cicatrices de l'incendie étaient visibles sur ses bras nus. Il essuya son front couvert de sueur, écartant au passage quelques mèches brunes. Je le trouvais beau. Mon cœur se gonfla d'un sentiment que je ne connaissais pas. Je secouai la tête pour chasser mes pensées. Tristan était mon meilleur ami, point final.
- Azylis !, m'appela Yann.
Je vins vers lui. Il me donna les couteaux affutés.
- Tenez, ce sera plus facile pour couper les légumes.
- Merci.
Nous finîmes de tout préparer quand le soleil fut haut dans le ciel. Rester toute la matinée le nez dans la nourriture m'avait donné faim. Je me croyais capable de dévorer tous les mets qui étaient éparpillés sur le sol. Tous les clans s'assirent en cercle. Mon frère, Suzanne, mes parents et ceux de mes amis, naviguaient entre les gens, discutant à tout va. Romain nous rejoignit en s'exclamant qu'il n'avait jamais vu autant de monde. Nous mangeâmes enfin. C'était délicieux ! Un assourdissant brouhaha régnait en maître. Nous devions crier pour parler. Soudain, les douze chefs réclamèrent notre attention. Un silence pesant s'abattit. La chef Sagittaire, Sienna, prit la parole :
- Je m'adresse à vous en tant que porte-parole du Conseil. Nous avons pris une grave décision. La situation actuelle ne nous permet pas de rester dans le Zodiaque.
Des protestations s'élevèrent.
- Silence ! S'il vous plaît ! Je sais que l'annonce est dure à encaisser. Mais dans trois jours nous quitterons le Zodiaque. Nous nous dirigerons vers l'Est en direction des terres asiatiques. Nous ne pouvons pas rester ici. L'eau continuera de monter et nous noiera tous. Nous devons partir tant que nous le pouvons.
Le choc fut brutal. Mon cœur rata un battement. Nous partions ? Pour toujours ? Mon enfance, ma vie, tout s'envolait en éclat. Où irons-nous ? Comment survivrons-nous dans les terres hostiles et inconnues ?

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Le Zodiaque//Réécriture/
Science Fiction2032 Les continents entrent en collision tuant des milliards d'êtres humains. 2100 Tous les survivants vivent dans le Zodiaque : un endroit sûr et paisible où ils sont séparés en douze clans distincts représentant chacun un signe astrologique. Ch...