Chapitre 12 L'enterrement

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Le lendemain, on alla au cimetière avec mes parents. Celui-ci était funeste avec toutes les tombes réfugiant des corps endormis pour l'éternité. Des nuages gris cachaient le soleil. Ce tableau lugubre rendait la situation irréelle. Je m'approchais des parents de Camille placés aux côtés de Rozenn. La chef me salua d'un mouvement de tête et je m'inclinais en réponse. J'agissais mécaniquement, étant ailleurs. L'intégralité du clan était présente. Marianne et Tao me prirent dans leurs bras. Immense était la douleur que nous partagions. Je retenais tant bien que mal mes larmes, repoussant l'énorme tristesse que mon cœur ravagé abritait.

Juste après, Tristan arriva. Nous nous enlaçâmes. Je pris sa main pour le soutenir. Anna n'était pas là. Nous nous plaçâmes autour d'un trou béant et morne. A l'aide d'une corde, deux maçons descendirent le cercueil sous la terre si peu accueillante pour la fille si joyeuse et pleine de vie que fut Camille. Je fermais les yeux et serrais fortement le bras de mon ami. J'inspirais et expirais pour me détendre et éviter de penser à ce qu'ils faisaient. Ils enterraient ma copine, ma camarade, pour toujours.

- Je ne survivrais pas si toi aussi tu meures, murmura Tristan.

L'air était chargé de la même émotion évacuée par sa voix : le désespoir.

J'éclatais alors en sanglot et me réfugiait dans ses bras. Mon cœur tirait dans ma poitrine comme s'il voulait sortir accompagner Camille dans sa descente. Lorsque le cercueil toucha le fond, un grand vide se fit ressentir dans l'assemblée.

On avait tous laissé une part de nous-même avec la jeune fille.

Tristan caressa doucement mes cheveux pour me calmer. Je m'agrippais à lui en tremblant. Je l'entendais pleurer mais il s'efforçait de me rassurer et de me réconforter, ravalant sa tristesse pour soutenir la mienne. Je me sentais en sécurité entre l'abris que ses bras formaient alors que dehors la tempête faisait rage. Tao et Marianne se tenaient fermement inondé de larmes. La chef était assise sur une souche ; appuyant sa tête contre ses paumes, les traits tirés par une souffrance silencieuse. Mes parents me regardaient anéantis par mon malheur. Une fois que l'horrible cercueil fut recouvert, nous déposâmes des fleurs. Des centaines d'orchidées sauvages : ses fleurs préférées.

*

Les jours suivants furent difficiles et ce pendant six mois. Anna ne venait plus à l'école, Tristan et moi ressentions douloureusement son absence. Nous ne jouions plus, ne rigolions plus ; nous ne faisions que marcher en silence main dans la main, les joues humides et le regard vide fixé sur l'horizon. Ce fut très dur de retrouver le sourire et la joie de vivre que nous avions autrefois. Mon frère me fut d'une très grande aide. Il avait 17 ans et m'emmenait tous les soirs me baigner. Il m'apprenait des figures aquatiques se montrait gentil, attentionné et présent.

Continuellement le soir je pleurais dans ma chambre, seule, anéantie par la mort de mon amie. Ce jour-là, en plus, je m'étais disputée avec Tristan pour une broutille. Mes sanglots étaient amplifiés par la culpabilité. Romain entra dans ma chambre la fatigue au fond des yeux. Il s'assit sur mon lit. Il était accompagné de Typeur.

- Regarde qui je t'ai ramené. Tu es contente ?

- Oui, mentis-je en essuyant mes larmes.

Je caressais longuement le chien en silence.

- Azylis..., murmura mon aîné. Je t'aime tu sais ? Cela fait six mois que Camille est partie sans souffrance. Il faut que tu continues de vivre pour lui rendre hommage. Vit pour elle, pour tout ce qu'elle ratera. Bats-toi pour elle, pour tout ce qu'elle ne fera pas. Fais-le pour elle, pour toi. Elle sera toujours en toi, près de toi. Tu la porte dans ton cœur Azy. Utilise cela comme une force, non comme une faiblesse.

Je l'étreignis en souriant. Je voulais croire en ses dires. Je voulais croire en ma vie.

- Merci, dis-je sincèrement.

Je me levais précipitamment, courus avec Typeur et mon frère sur les talons. Romain m'appela plusieurs fois me rappelant les interdictions que Rozenn avait formulé 6 mois plus tôt et qui tenaient toujours. Je ralentis et optais pour une marche rapide n'étant pas assez endurante pour continuer à sprinter jusque chez Tristan. C'est lui que je rejoignais. Je devais le sortir de ce malheur dévastateur comme mon frère avait presque réussi. Bien évidemment, ses mots n'effaçaient pas tout mais ils m'ont réappris qui j'étais et les valeurs de la vie : le bonheur, l'effort, le sacrifice et le malheur. Le bonheur est la seule valeur positive mais c'est la plus importante car c'est grâce à elle que l'on vit : que l'on ressent le malheur, le sacrifice et l'effort.

Je toquais à la porte une fois que Romain m'ait rejoint sur le palier. Sa mère nous ouvrit étonnée. Typeur courut dans le jardin.

- Bonjour Azylis, Romain, entrez je vous en prie.

Elle s'effaça pour nous laisser passer. Je me dirigeais directement vers la chambre de mon ami et y entrais. Dans celle-ci régnait un désordre monstre : son bureau était jonché de feuilles, son lit défait et surmonté d'une pile de vêtements. Sur le sol, traînaient des parchemins en écorces ainsi que ses figurines qu'il adorait tant. Au milieu de tout ce bazar, Tristan était assis sur son fauteuil en paille le regard fixé sur la fenêtre. Je m'apercevais enfin à quel point nous devions faire peur. On dirait que son corps était sans vie, son regard sans émotions. Il ne bougea même pas lorsque je posais une main sur son épaule. J'engageais la conversation sur un sujet qui l'intéressait.

- J'ai des nouvelles sur les Lions.

Il se tourna lentement.

- Qu'est-ce que tu veux ?, demanda-t-il froidement.

Tristan avait vite compris que je n'avais aucun renseignement concernant les Lions.

- Je suis venue m'excuser pour toute à l'heure. Je déteste quand on se dispute.

- Je te pardonne ne t'en fais pas.

Il affirma en fermant son poing, sortant son pouce droit. Aucun sourire n'illuminait son visage d'habitude si rayonnant. J'extirpais de ma poche une petite sculpture de nous deux faite par son père.

- Regarde la joie présente sur cette sculpture. Nous ne pouvons pas continuer à vivre comme cela.

- Camille est morte, tu as oublié ? Comment veux-tu vivre autrement ?

- Non je n'ai pas oublié et je ne l'oublierais jamais. Je suis dévastée par sa mort mais deux choix s'offrent à nous : soit on vit pour toujours en souffrant, soit on fait des efforts pour aller mieux ; on se bat. Nous pouvons décider de rester malheureux pour toujours ou alors essayer d'aller mieux.

Il releva la tête. Nos regards se croisèrent. Mon ami fronça les sourcils.

- Comment peux-tu dire une chose pareille ?! On la connaissait depuis sept ans et toi tu voudrais que l'on vive avec sa mort sur la conscience !?! Tu voudrais qu'on l'oublie !?? Que l'on fasse comme si elle n'avait jamais existé !!? Comment peux-tu même songer à cette idée !?

- Tristan, je t'assure que si ça avait été moi dans ce cercueil, j'aurais préféré que tu continues ta vie en étant heureux qu'un dépressif terré dans son trou. Ouvre les yeux ! Réveille-toi bon sang ! Nous ne pouvons pas continuer comme cela ; mets-toi à la place de Camille. Qu'aurait-elle voulu pour ses meilleurs amis ? Je...

- Va-t'en, me coupa-t-il sèchement.

Je le regardais droit dans les yeux et prononçais avant de sortir :

- Je t'aime, je suis là pour toi. Je suis ta meilleure amie. Ne l'oublie pas.

Le Zodiaque//Réécriture/Où les histoires vivent. Découvrez maintenant