JAMIE XX – SLEEP SOUND
Une touche de rouge. Orange. Marron. Noir. Vert. Tant de couleurs faisaient leur apparition chaque année, en l'espace de quelques jours. Les saisons semblaient chamboulées ces derniers temps, les symptômes de l'automne, déjà présents en ce début de septembre, apportant doucement des nuances de couleur à la nature. Des gens fuyaient la pluie battante, un vent fou leur fouettant le visage. Des feuilles mortes opéraient un ballet aérien autour de l'agitation humaine, plus vivantes que jamais. Cette scène reflétait le tourbillon d'émotions qui se produisait actuellement dans l'esprit de Blanche. Le froid venait frapper aux portes, appelant au chocolat chaud avec des marshmallows et aux grosses chaussettes montantes rouge et noir imprimées de rennes.
Blanche se laissa happer par la magie de l'instant, contemplant la nature et se réjouissant des choses simples de la vie, essayant de se rassurer tant bien que mal face à la situation qui lui nouait l'estomac. Cette vue l'apaisa et un mince sourire naquit sur ses lèvres. Sourire qui s'estompa en l'espace d'un instant, lorsque la vue de ce paysage fut obstruée par le jeune garçon qui se planta devant elle. Retenant un soupir, elle leva les yeux et fixa son regard. Il la dévisageait d'un air désapprobateur.
« Tu auras plein d'autres moments dans ta vie pour rêver, mais là, on n'a vraiment pas le temps, déclara-t-il d'un ton sec, faisant ressortir son accent.
— Tu ressens des choses dans ta vie, à part la colère et l'agacement ? s'informa-t-elle, agacée.
— Pas vraiment. Et les rares fois où ça m'arrive, je fais en sorte de rendre ça énervant.
— Ça ne doit pas être facile de vivre dans ta tête tous les jours, tonna-t-elle.
— Crois-moi, ça ne l'est pas. »
Son ton soudain franc la laissa pensive. S'il savait vraiment lire dans les pensées, cela devait être probablement ingérable. Prise d'un élan de compassion, elle le questionna :
« Je viens de me rendre compte que je ne sais même pas comment tu t'appelles.
— Andrew. Andrew Clarksen.
— Normalement je devrais dire que je suis ravie de te rencontrer, mais dans cette situation, ça serait vraiment mentir. Moi c'est Blanche, Blanche Parvet.
— C'est pas le nom d'une couleur dans ta langue, ça ? interrogea-t-il, amusé.
— Merci pour ce commentaire très constructif. »
Les deux jeunes gens marchaient depuis plusieurs minutes, sous la pluie, déambulant dans les rues de Prague. Consumée par ses pensées, elle n'avait même pas pris le temps de demander où ils se rendaient. En guise de réponse, Andrew l'informa qu'ils allaient dans un endroit sûr. Plus vague, tu meurs, pensa la femme aux yeux noisette. Elle se dit qu'elle aurait quand même pu répondre plus gentiment pour leurs présentations.
Même si la situation était plutôt particulière et qu'ils étaient tout sauf ravis de se rencontrer, c'était la première fois qu'un être humain semblait enfin avoir des réponses pour elle. Amusée, elle le dévisagea du coin de l'œil. Sa démarche était si singulière. Comme s'il l'avait répétée durant de nombreuses années pour se fondre dans la masse. En y réfléchissant, peut-être qu'il pensait pareil d'elle. Il était si facile de se reconnaître, entre loups solitaires.
Le reste du trajet se fit dans le silence, parfois rompu par la voix d'un des passants. Elle suivait des yeux les feuilles volantes. À la vue de leur destination, il accéléra le pas et traversa la route, parsemée de rails sur lesquels les tramways circulaient, pour accéder à un hôtel. Son architecture du XIXe siècle la laissa bouche bée. Blanche contempla la magnifique façade fraîchement rénovée, les détails apportés aux fenêtres ainsi que le mélange parfait de gris clair et beige pâle. Au sommet du bâtiment était peint un soleil avec une petite fenêtre en son centre. Les murs du bas de l'édifice en briques lisses grises laissaient place à un fond beige aux étages supérieurs. Les coins de l'hôtel étaient fascinants, agrémentés de fenêtres sortant des angles, telles des gargouilles.
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PRISME Tome 1. L'Éveil [Terminé]
ParanormalBlanche Parvet mène une petite vie ordinaire à Saumur, en France. Si l'on considère qu'être capable de dessiner l'avenir est ordinaire. Voyant ce don comme une malédiction, elle l'a toujours caché à son entourage, même à sa meilleure amie, Elisa. Po...