Chapitre 19

111 15 15
                                    

DAVID EMAN - WE ARE HERE FOR EACH OTHER



Áslaug était plongée dans la lecture du premier tome des aventures de Percy Jackson. Logée sur le canapé, elle ne prêta pas attention aux discussions autour d'elle. Elle avait ramené une petite couverture de sa chambre, qu'elle avait posée sur elle. Cela lui rappelait ses soirées avec ses parents autour du feu de cheminée dans leur salon. Elle était encore très jeune à ce moment-là, mais ces souvenirs restaient intacts. Le doux visage de sa mère et ses yeux verts dont sa fille avait hérité. Les bras réconfortants de son père qui la tenait sur son fauteuil. L'odeur subtile de chocolat chaud et le feu crépitant.

Se remémorer cette scène lui faisait toujours aussi mal. Lorsque son don avait fait son apparition pour la première fois et qu'elle avait traversé le miroir de la salle de bain, elle s'était empressée de réaliser une démonstration auprès de ses parents. Elle s'était sentie fière d'elle et avait pensé qu'ils l'auraient été. Elle percevait encore nettement le teint verdâtre du visage de son père et la terreur se lisant dans les yeux de sa mère.

Ils avaient d'abord cherché à garder ce secret, ne sachant trop comment réagir. Ils lui avaient répété de ne pas en parler, de ne pas le montrer. Pourtant, un après-midi à l'école, elle n'avait pas pu s'en empêcher. Et pour clouer le bec d'une fille de sa classe, Helga, qui s'amusait chaque jour à l'humilier, elle avait surgi dans le miroir dans lequel Helga s'était contemplée en sortant des toilettes. Cette dernière avait lâché un cri tonitruant avant de détaler de la pièce. Éclatant de rire, elle était rentrée chez elle d'excellente humeur, sans rien dire à ses parents.

Les conséquences ne s'étaient pas fait attendre. Le surlendemain, elle avait été convoquée avec ses parents dans le bureau de son professeur. Helga l'avait dénoncée et avait vociféré qu'elle n'était qu'une sorcière. Pris de panique en entendant ce mot, ses parents avaient décidé de déménager, loin des regards indiscrets. Ils avaient quitté Akureyri pour se rendre dans un village de l'Islande, nommé Blönduós. Áslaug s'était sentie coupable et triste. Tout cela était de sa faute. Difficile de se faire de nouveaux amis.

De jour en jour, son don s'était fait de plus en plus présent. Elle avait ressenti qu'elle pouvait interagir avec les tableaux. Sa mère s'était évanouie en la découvrant dans une réplique de l'artiste britannique Brian Bolland. Son père avait décrété qu'il était temps. Complètement perdue, elle les avait suivis sans aucune question la semaine suivante, montant dans la voiture de sa mère.

Ils avaient emprunté un chemin peu fréquenté qui débouchait sur une petite maison de couleur rouge brique. Les racines entourant la maison et la végétation grimpante parcourant les murs l'avaient quelque peu effrayée. Elle avait aperçu des motifs étranges dessinés sur la porte d'entrée, semblables à des mots issus de langues anciennes, au sens perdu depuis des siècles. Ses parents lui avaient ordonné de descendre et ils s'étaient dirigés vers la maison mystérieuse, éblouie par le clair de lune. Un homme les attendait dans le salon. Ils l'avaient sommairement salué et s'étaient assis sans bruit. Une odeur entêtante d'encens et de cannelle flottait dans l'air.

Le canapé couleur cognac était déchiré à de multiples endroits. L'étroite cuisine située à gauche de l'entrée regorgeait de vaisselle sale. Enfoncé dans son canapé, il n'avait pas dit un mot. Il l'avait dévisagée d'un regard perçant qui l'avait mise terriblement mal à l'aise. Ses yeux étaient particuliers, aussi gris que des nuages lors d'une tempête. Ses longs cheveux entremêlés tombaient en cascade sur ses épaules. Sa barbe rendait son visage plus anguleux. Ses vêtements avaient particulièrement surpris Áslaug, lui rappelant les capes utilisées dans les pèlerinages. Elle en avait vu dans des photographies montrées par ses parents et avait une excellente mémoire.

PRISME Tome 1. L'Éveil [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant