Prologue

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LUDOVICO EINAUDI - RUN *



Elle courait, courait, courait à en perdre tout oxygène.

Elle heurtait des bagages, bousculait des gens, mais elle n'avait pas le temps de s'arrêter. Elle avait l'impression qu'elle ne verrait jamais la fin de ce souterrain. Une foule étouffante en accaparait les moindres recoins. L'adrénaline parcourait ses veines, faisant écho à cette sensation d'urgence. Les néons grésillants des affiches publicitaires placardés sur les murs l'aveuglaient, assombrissant le tunnel par intermittence. Une voix aux propos quasiment inaudibles résonnait dans ce labyrinthe, au travers des haut-parleurs, tentant d'apporter des indications aux voyageurs. Elle n'hésiterait pas à pousser toute personne représentant un obstacle sur sa route.

Ses longs cheveux noirs de jais lui fouettaient inlassablement le visage, mais cela lui importait peu. Les valises traînées bruyamment par les voyageurs, les râles et cris des passagers qui s'appelaient, les nombreux coups de sifflets stridents..., toute cette agitation parvenait à peine à ses oreilles. Sa concentration était si intense que les bruits alentour n'étaient plus qu'un écho lointain. Dans sa course effrénée, le temps semblait ralentir à chaque nouveau pas. L'espoir parcourant son échine lui donnait presque des ailes.

Ses bottines noires effleurèrent à peine le sol, alors qu'elle s'engageait dans un énième couloir sans fin, évitant de peu un petit chien, tenu en laisse par un homme âgé qui se déplaçait à pas lents, aidé de sa canne. Celui-ci lâcha un cri de stupeur. Elle lui répondit machinalement par un vague « Désolée ! » hélé un peu plus loin. Elle continua sa course, en serrant les poings, longeant un couloir sombre interminable. Jetant un coup d'œil aux panneaux bleu nuit suspendus au plafond, la jeune femme déchiffra difficilement les directions inscrites, affolée. Elle opta finalement pour un escalier, se trouvant à quelques pas sur sa droite, sans ralentir pour autant.

Elle grimpa les marches en hâte, manquant au passage de tomber plusieurs fois. Émergeant de l'escalier, la lumière du jour l'aveugla. Elle faillit renverser sur son chemin un enfant aux boucles blondes, qui se tenait près d'une dame à la chevelure identique. Elle perçut la voix outrée de la mère du garçon, pestiférant dans son dos. Elle l'ignora et continua de courir sans relâche, à bout de souffle. Sonsac à dos usé heurtait ses omoplates, mais elle faisait fi de ce désagrément.

Il fallait qu'elle atteigne son objectif, des vies étaient en jeu. Il n'y avait pas d'autre moyen, elle devait empêcher le pire de se produire. Le temps pressait, l'accablant et l'enserrant de toute part. Son trench noir se soulevait dans son dos, secoué par la vitesse et le vent. Elle voyait flou tant elle repoussait les limites physiques de son corps. Cependant, elle ne ralentit pas, plus déterminée que jamais. Au contraire, elle accéléra le pas, encore et encore. Son amulette de lys remuait dans tous les sens, frappant ses joues rougies. Les mètres parcourus lui apparurent déformés, étirés par l'effort.

Elle persista, obsédée, ne prêtant pas attention aux yeux curieux, parfois surpris ou agacés, qui la suivaient du regard tandis qu'elle sillonnait le quai. Désespérée, elle en oubliait presque de respirer et son cœur battait à une vitesse inhumaine. Le seul bruit qu'elle reconnaissait était celui de ses propres tempes, résonnant au creux de ses oreilles.

Surgissant de nulle part, tel un miracle, un train jaune sombre apparut dans son champ de vision. Aussitôt, une vague de soulagement la submergea, à la vue de cet espoir tant attendu. Plus que quelques dizaines de mètres. Se trouvant à l'autre bout du quai, elle avait pleinement conscience que l'instant était décisif et piqua alors un sprint, insufflant le peu d'énergie qui lui restait.

Elle n'entendait plus rien, peinait à tenir debout et ses tempes la faisaient horriblement souffrir. En s'approchant du train, elle remarqua qu'aucun voyageur n'attendait devant les portes, car tous se trouvaient déjà installés à l'intérieur. Ses tympans vrillèrent au son aigu du sifflet, indiquant la fermeture des portes. Elle assista avec horreur à leur condamnation.

Affligée, elle franchit les quelques derniers mètres la séparant d'un des accès à l'intérieur du train, les bras tendus en avant. Les portes se refermèrent brutalement devant elle, manquant d'écraser ses doigts, à quelques centimètres près. Horrifiée, elle s'acharna alors sur le bouton d'ouverture automatique des portes. Ces dernières demeurèrent immobiles, préférant rester closes. Elle poussa un cri de rage et se mit à frapper les vitres du train dans un dernier élan d'énergie, effrayant les passagers qui la fixaient d'un air impuissant. Ses coups lents et puissants faisaient trembler l'ouverture.

Soudain, elle perçut du mouvement, paralysant l'intégralité de son corps, les mains encore tendues devant elle, frôlant les portes du train. Elle entendit le moteur émettre un bruit sourd. Il partait. Sans elle. Elle avait l'impression qu'il emportait tout espoir avec lui. Horrifiée, elle suivit le train de ses yeux sombres, tandis qu'il prenait de la vitesse. Elle baissa lentement les mains, serrant les poings. Les épaules tremblantes, elle tenta de reprendre sa respiration.

Le souffle court et les jambes amorphes, elle ferma lentement ses paupières. Elle refusait obstinément d'observer ce monde dans lequel elle était si perdue. Elle venait de perdre sa dernière chance de retourner dans celui auquel elle appartenait réellement.

 Elle venait de perdre sa dernière chance de retourner dans celui auquel elle appartenait réellement

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*Note : Les musiques sont celles écoutées dans l'histoire, ou en lien avec l'atmosphère. Elles sont facilement accessibles sur Internet et peuvent être écoutées durant la lecture du chapitre, tout comme après, si l'écoute perturbe la lecture. Elles accompagnent le déroulement de l'intrigue, apportant des détails au récit, d'un point de vue auditif. Elles sont toujours en lien avec l'atmosphère du chapitre.

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PRISME Tome 1. L'Éveil [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant