Mort-vivant

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Dimanche 26 Juin

16h31

Agence du National Homeland Security

St. Louis, Missouri


L'image tressautait faiblement dans la pièce plongée dans un silence pesant. Will la fixait, incapable de décider s'il rêvait ou non. Il avait imaginé cette scène tellement de fois - avec des petites différences bien sûr, l'explosion d'un stade n'ayant jamais fait partie des scénarii envisagés - que maintenant qu'il la vivait, il avait du mal à y croire.

- Cela pourrait être quelqu'un qui lui ressemble, chuchota-t-il, comme conscient de ce que cette image voulait dire.

- C'est aussi ce que j'ai pensé, expliqua John Zahn. Nous avons appliqué nos logiciels de reconnaissance faciale et même si l'image est de mauvaise qualité, ils concluent que la femme sur cette bande est Lucy, avec 88% de certitude, ce qui est une marge raisonnable.

Will se leva et commença à marcher dans la pièce.

- Mais c'est impossible. Tu as vu comme moi l'entrepôt exploser après qu'elle y soit entrée cette nuit-là. On a retrouvé son corps. Corps qui a été formellement identifié par notre médecin légiste. Lucy est morte il y a deux ans.

Son ton était devenu presque suppliant, comme s'il attendait de Zahn qu'il lui confirme que oui, sa femme était bien morte. Après ces deux années à souffrir de sa perte, la revoir vivante était une douleur bien plus atroce et soulevait des questions auxquelles il n'avait aucune envie de répondre.

- Je sais ce que j'ai vu, fit John en s'approchant de Will. Mais je sais aussi ce que je vois maintenant et l'une de mes deux visions est fausse. Ce qui m'amène à cette question : savais-tu que Lucy était encore en vie ?

Will fut tellement surpris par cette question qu'il en laissa échapper un rire grave, mêlé de larmes.

- Est-ce que j'ai l'air d'avoir été au courant ? Est-ce que j'ai fait semblant de foutre ma vie en l'air depuis deux ans ? Comment peux-tu me poser cette question ?

Un sentiment de panique commençait à l'envahir et il répéta plusieurs fois « Ca ne peut être Lucy, c'est forcément quelqu'un d'autre.» Il finit enfin par se rasseoir, les yeux perdus dans le vide.

- Je suis désolé Will, mais je devais te poser cette question.

- Et maintenant ? On fait quoi ?

- Je n'ai pas encore donné l'ordre de placer le nom de ta femme sur la liste des suspects, mais nos meilleurs analystes tentent de trouver un lien dans son passé avec des groupes terroristes connus. J'espère qu'ils ne trouveront rien, mais nous étudions toutes les possibilités et celle-ci est très sérieuse.

- Lucy, une terroriste ? Je n'arrive pas à croire que tu puisses penser cela. Tu la connais mieux que cela, John. Toute cette histoire est... Nous l'avons enterrée, il y a un corps dans sa tombe, un corps dont on m'a dit qu'il s'agissait du sien après autopsie. Si quelqu'un a menti il y a deux ans, je veux savoir qui et pourquoi.

- Ce sont des points que nous tentons d'élucider. Tu seras bien évidemment mis au courant des avancées de cette enquête mais pas de celle sur l'attentat. Nous allons aussi avoir besoin de ton autorisation pour procéder à une exhumation du corps présumé de Lucy, ajouta-t-il avec une voix plus faible.

Il tendit un formulaire à Will qui, sans hésiter, s'en saisit et le signa. Il était prêt à faire ce qu'il fallait pour enfin connaître la vérité.

Un homme entra alors avec violence dans le bureau sans frapper. Grand et robuste, les cheveux bruns ras et le menton volontaire, il semblait tout droit sorti d'une revue militaire, même si ses pattes d'oies au coin des yeux trahissaient un âge avancé. Malgré tout, il gardait la forme et cela se voyait.

- John, c'est un merdier monstre partout, j'espère que...commença-t-il à dire avant de voir Will sur la chaise. Qu'est-ce qu'il fait là, lui ?

- Content de vous voir aussi, Terry, siffla Shane entre ses dents.

- Fermez-la Shane. Ca m'étonne qu'ils vous aient laissé entrer avec votre dégaine d'ivrogne.

Will serra les poings et John Zahn se mit entre les deux hommes.

- Monsieur Valley, j'ai convoqué Will en qualité de témoin et pour le tenir au courant des derniers développements de l'enquête dont je suis certain que tu as eu vent.

Terrence Valley, l'ancien dirigeant de la N.H.S. se calma un peu et décrocha son regard qui était resté fixé sur Shane.

- Bien sûr, c'est d'ailleurs pour cela que je suis ici. Le Gouverneur Holden veut savoir si nous devons craindre un scandale qui éclaboussera la N.H.S. Un ex-agent qui fait exploser un stade, ce n'est une bonne publicité pour personne et si cela venait à se savoir, des têtes sauteraient. Et ce ne serait pas la mienne, vous pouvez en être certain.

Zahn tenta de le rassurer, alors que Will Shane regardait toujours l'écran.

- Nous avons cloisonné l'information, seuls nos meilleurs analystes sont sur le coup et ils tiendront leur langue si jamais nous trouvons des preuves de l'implication de Lucy.

- Qu'est-ce vous pensez de cette vidéo, Will ? dit alors Terrence Valley avec un air de dégoût. Allez-vous encore m'accuser d'être responsable de sa mort après ça ? Hein ? Parce que pour moi, votre femme a l'air plutôt vivante. Vous comptez encore me pointer votre flingue droit sur la tempe, comme quand je vous ai viré ?

Ce fut la phrase de trop pour Will qui sauta avec agilité sur Terrence Valley qui tomba à la renverse sur le sol, malgré sa carrure d'athlète. Shane commença à le rouer de coups dans le ventre, puis au visage. Zahn tenta de les séparer, sans succès, avant d'appeler la sécurité. Deux gardes firent irruption puis séparèrent les deux hommes. Valley se dégagea et porta une main à sa lèvre en sang.

- Zahn, le Gouverneur veut des résultats et vous avez plutôt intérêt à lui en donner, pour le bien de votre carrière. Je ne voudrais pas avoir à vous remplacer par quelqu'un d'autre mais je n'hésiterai pas si j'y étais obligé.

- Nous faisons aussi vite que nous le pouvons, monsieur Valley et nous devrions avoir du nouveau bientôt.

- Bien, répondit Valley en se massant la mâchoire. Quant à vous, Will,ces gentils agents vont vous raccompagner jusqu'à la sortie et faire en sorteque plus jamais vous ne remettiez les pieds ici. C'est compris messieurs ?Allez-y, virez-le-moi d'ici.

Protocole DeltaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant