La vérité

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Dimanche 26 Juin

23h59

Agence de la National Homeland Security

St. Louis, Missouri


La petite salle de briefing de la N.H.S. était remplie de personnel. Nick Dale se trouvait là, tout comme Amy Cornell qui semblait de plus en plus accuser le contrecoup de la mort de Matt, ainsi que la plupart des analystes travaillant sur la capture de Will Shane. John Zahn prit alors la parole.

- Selon les premiers rapports, le cadavre trouvé au 3256, Sherman Pound Street n'est pas celui de Will Shane. La corpulence ne concorde pas.

Certains soupirèrent, d'autres se lancèrent des regards lourds de sens. Cette affaire était loin d'être terminée.

- Il semblerait que ce soit celui de Tom Raver, l'occupant de la maison et propriétaire d'un restaurant sur Madison Street. Aucun casier judiciaire. Ce qui m'amène à cette question : pourquoi Will Shane est-il allé lui rendre visite ? Je veux que vous compariez leurs histoires personnelles et professionnelles pour trouver d'éventuelles corrélations.

- Est-ce que Shane est suspecté du meurtre de Tom Raver ? demanda Nick Dale.

- C'est une hypothèse de travail, en effet. La police a trouvé des douilles de fusil sniper de l'autre côté de la rue. Le fait est que du temps où il était à la N.H.S., Shane était l'un de nos meilleurs tireurs d'élite.

- Mais alors pourquoi aurait-il appelé la police si c'est lui qui a tué Raver ? Cela n'a pas de sens ! continua Dale.

- Il nous nargue, trancha Zahn. Il veut nous montrer qu'il contrôle la situation, c'est pour cela qu'il nous laisse des pistes à suivre. Il sait qu'on ne le retrouvera jamais. Mais vous allez lui donner tort. Vous allez me le trouver et me l'amener ici.

- N'est-il pas possible qu'on ait tenté de le piéger ? demanda alors Amy Cornell, à la grande surprise de tous. Je veux dire, aux dernières nouvelles, il ne possédait qu'un revolver et maintenant, il se baladerait avec un fusil sniper. On a connu plus discret pour quelqu'un en cavale. De plus, vous avez entendu les premiers témoignages des voyageurs du train. Certains parlent d'un homme dont le signalement correspond à celui de Will qui leur a crié de rejoindre l'arrière du train parce qu'il y avait une bombe. Cela ne ressemble pas au comportement d'un terroriste pour moi.

John Zahn baissa les yeux puis les braqua à nouveau sur la jeune femme.

- Ecoute Amy, je sais que tu étais amie avec les Shane et que cela te fait mal de le voir empêtré dans une telle affaire, répondit John Zahn. Je le sais parce que moi-même, je le suis. Mais si Will n'avait rien à se reprocher, il n'aurait pas pris la fuite. Il connaît trop bien cette Agence pour savoir que son témoignage peut nous aider. La seule explication est qu'il n'est pas innocent.

Un bip discret retentit et John Zahn porta la main à son téléphone portable à l'intérieur de sa veste. Il jeta un coup d'œil dessus et le remit dans sa poche.

- Bon, c'est tout pour l'instant. Retrouvez-moi Will Shane avant que d'autres personnes ne meurent. Au boulot.

Tous sortirent de la salle, laissant John Zahn seul avec son téléphone portable qu'il avait repris dans sa main. Il appuya sur une touche et attendit.

- Vous m'avez bipé, monsieur ? demanda-t-il.

- Oui, John. J'ai appris pour Tom Raver. Je vois que ma proposition de mettre sa maison sous surveillance a porté ses fruits, malgré vos réticences.

- Je ne sais pas comment Will Shane est remonté jusqu'à lui, monsieur. Personne au sein du SdP ne connaissait son identité...

- Excepté Victor Carlton, coupa son interlocuteur.

John Zahn prit le temps de réfléchir à cela.

- C'est donc pour cela que les Shane sont montés à bord de ce train, finit-il par dire doucement. Ils n'essayaient pas de stopper la bombe...

- Ils cherchaient Carlton, qui est fort heureusement au nombre des victimes, d'après la police.

- Nous avons donc un problème, monsieur. Si Carlton a parlé, Raver peut très bien l'avoir fait également.

- Raver ne savait que ce que nous voulions qu'il sache. Rien à craindre de ce côté-là.

- Alors pourquoi m'appelez-vous, monsieur ?

- Pour que vous fassiez ce que vous n'avez pas réussi à faire il y a six mois. Lucy Shane était et est encore un sérieux danger pour toute l'opération.

- Elle est toujours à la clinique, je ne vois pas très bien ce que je peux faire de plus, se justifia John Zahn.

- Il faut l'empêcher de parler, à tous prix. Faites ce que vous voulez, mais réduisez-la au silence.

Sa voix d'ordinaire si calme laissait apparaître des traces de panique.

- C'est votre erreur, John, reprit-il. Alors rectifiez-la. Si le FBI ou la CIA mettent leur nez dedans, elle racontera tout ce qu'elle sait et quelqu'un trouvera bien une preuve de ce qu'elle avance. Si jamais cela se produit, les sacrifices faits aujourd'hui n'auront servi à rien et notre opération aura été préparée pendant si longtemps sans aucun résultat.

- Ils ne trouveront rien, parce qu'il n'y a rien à trouver, monsieur. Je vous l'assure.

- Ne m'assurez pas quelque chose que vous êtes incapable de vérifier, John. Mes hommes m'ont rapporté avoir vu Amy Cornell se rendre dans la soirée à l'appartement de Matt Hendricks. Ils l'ont suivie jusqu'à une consigne de gare. Qui sait ce qu'elle a trouvé dedans...

John Zahn déglutit avec peine.

- J'ai fait fouiller l'appartement d'Hendricks à plusieurs reprises, Monsieur. Et nous n'avons rien trouvé.

- Cela ne peut être une coïncidence. Gardez un œil sur elle, John.

- Et que dois-je faire pour Valley ? Il commence à poser problème. Il pressent que quelque chose n'est pas normale et il y a vingt minutes, il est revenu à la charge pour être là quand on interrogera Lucy.

- Je ne peux pas lui ordonner de rester à l'écart d'elle et vous le savez, John. Continuez de le menacer de sanctions. Cela devrait vous laisser le temps de faire ce que je vous ai demandé. Dès que Lucy aura disparu, nos problèmes en feront de même. Je n'ai pas besoin de vous rappeler l'extrême importance de ce que nous accomplissons aujourd'hui.

- Non, monsieur le Gouverneur. Je sais ce qui est en jeu.

- Bien. Alors ne me décevez pas. Je ne veux plus de mauvaises surprises.

John Zahn entendit alors le Gouverneur Holden raccrocher, sa voix remplacée par la tonalité qui semblait le sommer d'agir. Signer l'arrêt de mort de Matt Hendricks et de Lucy Shane avait été facile tant que cela se résumait à aider la préparation d'un attentat. Mais on lui demandait maintenant de presser lui-même la détente.


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