34 - Chevelure de cendres

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5e jour de la saison de la lune 2450

Aylaëna avait pourtant crue qu'elle s'était endormie dans son petit lit, dans son humble chambre. Elle se souvenait avoir laissé la fenêtre ouverte pour laisser l'air fraîche circulée et pour que le clair de lune la baigne dans sa luminosité apaisante. D'habitude, les mages favorisaient les sources de lumière magique, mais Aylaëna préférait la compagnie des astres, de la lune. Elle aimait bien passer de son temps libre à observer le ciel, se questionnant à propos de la vie sur les landes lointaines. Elle avait toujours été fascinée par les autres cultures, mais n'avait jamais eu la chance de voyager. Sa famille n'était pas très aventureuse mis à part son défunt grand-père.

Mais pourquoi était-elle donc dans une clairière au vent puissant et majestueux ? C'était illogique. Bien sûr. Ça ne faisait aucun sens. Ceci était forcément une vision divine. Car non, elle ne rêvait pas. C'était l'un des prix à payer pour porter le cadeau de divination offert à ceux que le panthéon jugeait méritant de partager une partie de leurs yeux. Des révélations, du passé, du présent et rarement, du future car même le Père Nocturne et la Mère Diurne ne pouvaient aisément lire le destin d'Aerinda. Si eux en était difficilement capable, comment pouvaient passer ses images fluidement à leurs choisis?

Durant son enfance, Aylaëna ne recevait presque jamais de visions, juste assez pour que les oracles se doutent de quelque chose. Elle avait donc été surveillée durant presque toute sa vie et au jour de son treizième printemps, durant la saison de la naissance, son troisième œil s'était soudainement complètement ouvert. Alarmés par cette altération radicale d'énergie, il en fut décidé qu'elle allait être placée sous la tutelle du Grand Oracle lui-même, lui qui avait été touché par Thalic, le Héraut de l'Au-Delà, le Maître du Temps, le Porteur des Cartes. C'était de dernier qui, parmi sa fratrie divine, possédait la plus grande affinité à tout ce qui touchait aux visions quelconques. Le Grand Oracle lui s'occupait de conseiller son peuple, spécialement ceux en pouvoir. C'était un grand honneur de devenir son apprenti et il ne l'accordait qu'une fois à chaque quelques générations.

Aylaëna attendit longuement avant de percevoir un changement. Elle fixait les collines qui roulaient doucement d'ici à l'horizon. Elle savait à propos des fragiles fleurs blanches du sous-bois: les aspérules blanches, natives du royaume de Daigorn.

— Étrange. Je ne me suis jamais retrouvée ici, mentionna-t-elle pour elle-même.

Des pas. Quelqu'un s'approchait doucement, si gracieusement et particulièrement qu'elle devina son identité.

— Azéna?

Elle sourit, se tournant vers la visiteuse. C'était effectivement elle: longue crinière de cendres luisante, yeux bleu azur océan et un physique svelte. Elle était si magnifique, une véritable gemme chatoyante, même parmi la splendide populace elfique.

Cette-fois ci, elle avait choisi de se présenter sous une version plus jeune. C'était bien la première fois. Elle était plus courte que d'habitude et ses traits étaient plus enfantins, quoique plus sévères. Une détermination furieuse dominait son regard égaré. C'est comme si elle ne pouvait pas discerner où Aylaëna se tenait. Ça ne lui ressemblait pas.

— Pourquoi l'ajustement physique? questionna la jeune oracle.

— Qu'est-ce que tu veux dire? répliqua son interlocutrice.

L'accent aussi avait été alternée, passant de professionnelle à relâché. Cette version d'Azéna dégageait une aura plus agressive, plus incertaine, plus dure. D'ailleurs, pourquoi portait-elle un arc et un carquois à son dos?

— Je ne comprends plus rien, lâcha Azéna. Peux-tu me guider? Je suis... confuse.

Les traits de son visage s'étirèrent soudainement, lui donnant une allure farouche. Ses mains formèrent des poings et elle ferma les yeux comme si elle tentait de se calmer.

3 - Sang, os et dagueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant